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« Aucun parti politique ne répond clairement à la question du financement de son programme »

Elsa Conesa, journaliste à Monde chargé des questions budgétaires, a répondu à vos questions concernant les mesures proposées par les différents partis politiques.

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Sigor : Que pensez-vous de la faisabilité de la politique keynésienne du Nouveau Front Populaire (NFP), axée sur la relance ?

Il s’agit en effet d’une question centrale de la campagne, qui divise également les économistes, parmi lesquels on observe une polarisation croissante. La réponse n’est pas simple, car l’économie n’est pas une science dure. Il est difficile de prédire avec certitude comment les acteurs réagiront aux mesures de politique économique.

Cela dit, la critique la plus souvent adressée au programme de la gauche est son coût, qui dépasse la centaine de milliards d’euros. Il comprend de nombreuses mesures, souvent coûteuses, dans un contexte de finances publiques très tendues. En revanche, les options de financement reposent essentiellement sur de nouveaux impôts, dont le rendement sera également incertain, car les grands groupes et les plus riches, qui sont visés, ont toujours la possibilité de s’adapter pour réduire leur facture. impôt.

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Zak : Entre les chiffres des partis, ceux qu’ils produisent les uns pour les autres, et ceux des instituts, il devient quasiment impossible de trouver des informations fiables et pertinentes sur l’impact économique et financier réel des programmes des partis. Des suggestions pour voir les choses plus clairement ?

Vous avez raison, il est très difficile de trouver des informations fiables, et surtout non partisanes, sur les conséquences des mesures. Ceci est en partie le résultat d’une campagne très courte, qui a laissé peu de temps aux partis pour travailler et aux experts pour les analyser.

Les chiffres sont donc souvent teintés de politique, d’où les sommes un peu folles qui circulent. Au-delà de la question du coût, prévoir l’impact de telle ou telle mesure économique reste difficile, par exemple le salaire minimum de 1 600 euros. L’objectif du PFN est d’augmenter le pouvoir d’achat, mais il représente aussi un coût pour les entreprises, avec inévitablement des conséquences sur l’emploi et le marché du travail.

FAB : Compte tenu de la faiblesse du débat d’hier, ne pensez-vous pas que la marge de manœuvre financière de la France est devenue si réduite que les politiques prennent des mesures sans conséquence ?

La marge de manœuvre financière de la France risque de restreindre considérablement ce que les prochains députés et le prochain gouvernement pourront faire ou non. La France emprunte chaque année l’équivalent de la moitié du budget de l’État, ce qui donne une idée de son degré de dépendance aux marchés financiers. Cela dit, elle n’a jusqu’à présent eu aucune difficulté à réunir des fonds, bien au contraire. Elle reste protégée par son appartenance à la zone euro et par son rôle stratégique au sein de l’Union européenne. Les politiques ne sont donc pas totalement privés de marge de manœuvre.

Amine CM : Le RN envisage de baisser la TVA à 5,5% pour booster le pouvoir d’achat des catégories défavorisées. Êtes-vous d’accord avec l’infirmière sur le résultat attendu ?

C’est justement l’un des reproches faits au RN : la baisse de la TVA profitera à tout le monde. C’est aussi pour cela qu’il est si cher (10 à 15 milliards d’euros par an pour le carburant, le fioul, etc.). En revanche, la TVA est considérée comme un impôt qui pèse proportionnellement plus sur les plus pauvres, puisqu’il est proportionnel et non progressif.

Autrement dit, les riches et les pauvres paient le même taux de TVA alors qu’ils paient un taux d’impôt sur le revenu différent. Il n’est donc pas faux de dire que la TVA pèse plus lourd sur les ménages à faibles revenus, et c’est particulièrement vrai concernant le carburant, indispensable au quotidien pour les ménages vivant en zone rurale ou loin de leur lieu de travail, pour qui la voiture est indispensable. C’était d’ailleurs l’une des revendications des « gilets jaunes ».

Frizzy : M. Bardella a refusé hier de répondre sur le financement de son programme, sachant qu’il ne veut pas augmenter les impôts. Quelles sont les possibilités évoquées par le RN pour financer leur programme ?

Aucun parti ne répond clairement à la question du financement. Le RN invoque la lutte contre la fraude, dont on sait qu’elle rapporte bien moins que les sommes évoquées pour financer ses mesures. La gauche compte sur des impôts pesant sur les groupes les plus riches et les plus grands, mais il est aussi probable que ceux-ci rapporteront moins que prévu, ces acteurs économiques ayant la capacité de s’adapter très rapidement à un nouveau cadre fiscal. Les mesures présentées par Gabriel Attal sont moins coûteuses, mais ne sont pas clairement financées.

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Nono : Jordan Bardella parle d’un audit des finances publiques et suggère qu’il y aurait des « surprises ». Peut-on vraiment imaginer un tel scénario ?

Le RN fait ici preuve de mauvaise foi. Les finances publiques sont contrôlées plusieurs fois par an par la Cour des comptes et c’est le Parlement qui vote le budget chaque année. Les données ne sont donc pas cachées, même s’il faut reconnaître que leur lisibilité est bien relative pour la plupart des citoyens. Il ne faut donc rien attendre de nouveau de cet audit dont l’avantage semble avant tout être, pour le RN, d’expliquer dans quelques mois qu’il ne pourra pas financer telle ou telle promesse électorale en raison de la situation budgétaire. Une situation dont les députés RN, qui siègent à la commission des finances de l’Assemblée nationale, sont déjà conscients.

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-PHI : Selon vous, quel programme pourrait, au moins, ralentir l’augmentation de la dette de la France ?

Je ne vois aucun programme susceptible de ralentir la croissance de la dette. Ce qui s’explique facilement : les études d’opinion montrent que ce qui préoccupe le plus les Français reste le pouvoir d’achat. La dette ou le déficit ne sont quasiment pas mentionnés par les personnes interrogées. Il est donc tout à fait logique qu’aucun parti ne fasse campagne en faveur d’une réduction des dépenses publiques, ce qui entraînerait de toute façon des mesures douloureuses et impopulaires. Ce qui ne veut évidemment pas dire que ce n’est pas une question essentielle.

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Midas : Alors que le budget de l’Etat est déjà voté pour 2024, les élections législatives vont-elles remettre en cause ce budget ?

Le futur gouvernement aura toujours la possibilité d’adopter un projet de loi de finances rectificative pour ajuster le budget 2024, et éventuellement introduire de nouvelles mesures fiscales. Le RN comme le NFP ont déjà annoncé qu’ils présenteraient cet été un budget rectificatif en cas de victoire, avec des mesures emblématiques des deux côtés – la baisse de la TVA pour le RN, et du côté du NFP la suppression des retraites et la réforme de l’assurance chômage, l’augmentation de 10 % du point d’indice des fonctionnaires, ainsi que les aides au logement.

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Cammile Bussière

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