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Au Tchad, l’arrivée d’un influenceur russe le jour du scrutin alimente les spéculations

Lundi 6 mai, alors que les Tchadiens étaient appelés aux urnes pour élire leur président, N’Djamena a reçu la visite d’un sinistre personnage. Sous les sanctions des États-Unis et de l’Union européenne, Maksim Shugaley est connu pour être le directeur de la Fondation pour la protection des valeurs nationales, un groupe de réflexion russe autrefois lié au groupe Wagner et à son défunt leader, Eugène Prigojine.

Malgré la mort de ce dernier en août 2023 et la reprise de ses activités par le Kremlin, les opérations d’influence russe continuent de tourner à plein régime sur le continent africain.

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M. Shugaley se présente comme un spécialiste des campagnes d’influence politique en Afrique. En 2021, les résultats d’une de ses études étaient affichés dans des 4×3 dans les rues de Bangui, la capitale centrafricaine. On pouvait lire que plus de 90% des Centrafricains soutiendraient la présence russe dans leur pays ainsi que l’action du président Faustin Archange Touadéra. Quelques mois plus tard, il réapparaît dans le plus grand stade de la ville pour promouvoir le film Touristiqueun long métrage glorifiant les paramilitaires russes, produit par une société liée à Wagner.

Vu ensuite au Mali, juste avant l’arrivée des paramilitaires russes, et au Soudan, voici Maksim Shugaley de nouveau au Tchad, pour la deuxième fois dit-il, casquette à l’effigie du candidat à la présidentielle Mahamat Idriss Déby vissée sur la tête et un chemise floquée de drapeaux russes et tchadiens à la main.

«J’ai mené une étude d’opinion publique»

M. Shugaley pose tout sourire pour la photo qu’il publiera quelques heures plus tard sur sa chaîne Telegram accompagnée d’un message : « Le vote à l’élection présidentielle tchadienne est terminé. Le gagnant est évident. J’ai eu l’honneur d’observer le travail de la direction de campagne de Mahamat Déby. »

La photo, repérée par le chercheur français spécialiste de la Russie Colin Gérard, a été prise dans les locaux du bureau d’appui Nouvelle Génération, une organisation qui milite en faveur du candidat Mahamat Idriss Déby en mobilisant des centaines de partisans lors de ses meetings. Son président d’honneur n’a pas répondu aux multiples appels de Monde.

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« Notre visite au Tchad a duré cinq jours, explique Maksim Shugaley à Monde. Les autorités du pays ont eu la gentillesse de me donner l’opportunité de satisfaire mon intérêt scientifique. J’ai pu rencontrer des représentants du gouvernement et ceux de l’opposition, ainsi que des citoyens du pays. J’ai mené une étude d’opinion publique dont je présenterai les résultats un peu plus tard. » Le gouvernement n’a pas souhaité réagir ; Le Premier ministre et candidat Succès Masra affirme pour sa part n’avoir jamais rencontré M. Shugaley.

Quelques jours plus tôt, sur une autre chaîne russe Telegram dédiée à l’Afrique, le blogueur Viktor Lukovenko, également lié aux organes influents de Wagner, annonçait l’arrivée de politologues et sociologues russes au Tchad. Dans le même temps, la capitale tchadienne bouillonnait de rumeurs sur l’arrivée de soldats russes, sans pour autant être confirmées.

Maksim Shugaley attaque l’Occident

Sur la photo très discutée apparaît un autre homme, identifié par Colin Gérard comme étant Samir Seïfan, également membre de la Fondation pour la protection des valeurs nationales, avec qui M. Chougalei a été emprisonné en Libye après avoir été accusé de tentative de meurtre. ingérence électorale en 2019, à la suite d’une rencontre avec Saïf Al-Islam Kadhafi, l’un des fils de Mouammar Kadhafi. En Russie, deux longs métrages ont été consacrés à cet épisode avant qu’Evgueni Prigojine lui-même n’intervienne pour leur sortie.

Dans la suite de son message, M. Shugaley dénonce les puissances occidentales, sans apporter la preuve de ses accusations : « Les États-Unis ont tenté de s’immiscer dans les élections (tchadien), mais ils ont échoué. Selon certains rapports, les États-Unis envisagent de s’employer à déstabiliser la situation dans le pays après les élections. Ils n’aiment pas les Français au Tchad. Ils estiment que les autorités françaises ont pillé le pays pendant de nombreuses années et l’ont empêché de se développer. Le Tchad a définitivement besoin de nouveaux partenaires internationaux. »

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Un appel à se rapprocher de la Russie, qui intervient déjà à travers ses paramilitaires dans quatre pays limitrophes du Tchad : la Centrafrique, la Libye, le Soudan et le Niger. De quoi donner des sueurs froides aux chancelleries occidentales, dont N’Djamena est le dernier allié au Sahel.

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Les autorités tchadiennes savent profiter de cette position et n’hésitent pas à brandir le spectre de la Russie pour obtenir des concessions de l’Occident, tout en diversifiant leurs partenariats sécuritaires (Emirats arabes unis, Turquie, Hongrie…).

Le Tchad intéresse Moscou

Concernant la visite de M. Shugaley, comme celle du président de la transition à Moscou en janvier, une source proche du gouvernement s’est exprimée sous couvert d’anonymat. « événement insignifiant. Pourquoi ne commente-t-on jamais l’arrivée d’un Turc ou d’un Chinois ?, feint-elle de se demander. Les Occidentaux sont obsédés par la Russie au point d’oublier que nous disposons d’une armée suffisamment puissante pour ne pas avoir recours aux paramilitaires..

A N’Djamena, les résultats du premier tour de l’élection présidentielle sont attendus dans un climat de suspicion mêlé d’excitation. Les partisans de chaque camp revendiquent la victoire sur les réseaux sociaux et soupçonnent l’autre d’être soutenu par des puissances étrangères. Ce contexte pourrait-il être exploité par les opérateurs d’influence ?

De par sa position et ses relations ambiguës avec l’ancienne puissance coloniale, le Tchad suscite l’intérêt de Moscou. « Le potentiel des relations entre la Russie et le Tchad est bien supérieur à leur niveau actuel », » répond Sibyllin Maksim Shugaley lorsqu’on l’interroge sur l’avenir de cette coopération, avant d’ajouter qu’il envisage de « retour au Tchad très prochainement pour l’investiture du nouveau président ».

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Eleon Lass

Eleanor - 28 years I have 5 years experience in journalism, and I care about news, celebrity news, technical news, as well as fashion, and was published in many international electronic magazines, and I live in Paris - France, and you can write to me: eleanor@newstoday.fr
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