Au Soudan, le corps des femmes est devenu un champ de bataille et le viol une « tactique de guerre »
Ils forment une rangée serrée, enveloppés dans des abayas noires et des foulards émeraude. Un drapeau soudanais à moitié déchiré flotte au-dessus de leurs têtes, dans la cour d’une école primaire pour filles transformée en centre de formation pour aspirants soldats. Sur la terre battue du camp Hay El-Shati, à Omdurman, une centaine de femmes apprennent la discipline militaire, le maniement des armes, le karaté et le tir.
Ils s’entraînent cinq fois par semaine, trois heures par jour, sous la supervision d’officiers à la retraite revenus du service suite à la guerre qui déchire le Soudan depuis le 15 avril 2023. Cela oppose les forces armées soudanaises (FAS) les unes aux autres. autre. , dirigés par le général Abdel Fattah Abdelrahman Al-Bourhane, et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), du général Mohammed Hamdan Daglo, dit « Hemetti ». Dans les zones contrôlées par l’armée régulière, des dizaines de centres de formation de ce type ont vu le jour et des milliers de recrues féminines, appelées « mustanfeerat », a répondu à l’appel.
« J’espère qu’ils m’enverront en première ligne. Je suis prêt à donner mon âme pour la patrie »» lance Rana Othman, une ancienne enseignante de 42 ans, avec un air de défi. En réalité, les chances que ces femmes rejoignent le champ de bataille sont minces. A la fin de leur formation, ils ne seront pas armés. Au mieux, certains peuvent espérer rejoindre l’administration militaire en tant qu’officiers de communication ou infirmiers. Les nombreux panneaux au bord des routes les incitant à s’enrôler en témoignent : le recrutement de plus en plus de femmes soudanaises dans le FAS sert plus la propagande que l’effort de guerre. Cependant, chacun ici prétend être venu de son plein gré.
Dans la cour de l’école, le régiment, composé de femmes âgées de 18 à 60 ans, entonne à l’unisson l’hymne national. Pour la plupart d’entre eux, ces formations représentent avant tout un moyen de se protéger. « On apprend à se défendre. On prend confiance en soi, et puis on se retrouve entre sœurs à une époque où les femmes soudanaises vivent un enfer”explique Riham El-Hadi, une des plus jeunes filles. « Nous sommes devenus des cibles. Nous ne voulons plus vivre dans la peur”poursuit cette lycéenne de 18 ans, mascara et gloss sur les lèvres.
Ils sont unanimes : la guerre qui dure depuis dix-huit mois les fait se sentir plus vulnérables que jamais face à une explosion de violences sexistes et sexuelles commises par les deux camps. Les cas de harcèlement, de viols (parfois collectifs), de mariages forcés, d’enlèvements, d’esclavage sexuel et autres abus se multiplient. Dans un rapport publié le 23 octobre par des experts des Nations Unies, les FSR ont été tenus pour responsables de la plupart des exactions commises.
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