Le cinquième président du Sénégal est âgé de 44 ans. Il est à la fois le plus jeune président de l’histoire du pays, et le plus jeune chef d’État élu du continent. Ce mardi, Bassirou Diomaye Faye a prêté serment devant des centaines de responsables sénégalais et plusieurs dirigeants africains invités au parc des expositions de Diamniadio, la nouvelle ville née sous le mandat de son prédécesseur, Macky Sall. « C’est presque un miracle, a commenté le président du Conseil constitutionnel, Mamadou Badio Camara, en introduction à la cérémonie d’investiture. Sauf que nos institutions, loin d’être en crise, s’inscrivent dans le cadre de la Constitution, expression la plus complète de la volonté populaire. Une référence à la profonde crise politique qu’a traversée le pays dans les semaines précédant le scrutin, dont le Sénégal est finalement sorti vainqueur. L’élection présidentielle a été organisée à temps, dimanche 24 mars, son déroulement a été impeccable, et personne n’a contesté les résultats : l’opposant Bassirou Diomaye Faye a obtenu 54,28% des suffrages exprimés.
Mardi, le nouveau président a prononcé un bref discours de remerciement, lisant ses notes d’une voix légèrement élevée : « L’État de droit a parfois été ébranlé, mais il est toujours debout. » a rappelé le candidat du parti des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), sous les yeux de son mentor, le leader du mouvement, Ousmane Sonko, sorti de prison le même jour que lui, le 14 mars. « Les résultats des sondages expriment un profond désir de changement systémique, a insisté Bassirou Diomaye Faye. Le Sénégal, sous mon enseignement, sera un pays d’espoir, un pays paisible avec une justice indépendante et une démocratie renforcée. C’est ma promesse.
Symbole de réconciliation
Dans l’après-midi, il s’est rendu au palais présidentiel pour la passation du pouvoir. Macky Sall, 62 ans, l’attendait sur les marches, tout de blanc vêtu, au bout du tapis rouge. Symbole fort de réconciliation nationale. Ousmane Sonko et Macky Sall se sont embrassés tête-à-tête. Ils incarnent deux générations de dirigeants sénégalais qui se sont affrontés pendant trois ans, parfois violemment. La crise ouverte entre Pastef et le gouvernement a fait plus de 60 morts. Bassirou Diomaye Faye a passé onze mois en prison, sans jamais être jugé. Finalement, Macky Sall a perdu la bataille électorale : son héritier désigné, le Premier ministre Amadou Ba, n’a obtenu que 35,79 % des voix. Le président sortant a immédiatement félicité Bassirou Diomaye Faye pour sa victoire.
« Ce que Macky n’a jamais compris, c’est qu’on n’attend pas des ponts, des échangeurs, des stades, mais un nouveau type de leader. Nous voulons plus d’éthique, plus de rigueur, un président qui gouverne vertueusement, qui lutte contre la corruption, contre le clientélisme politique. explique Idrissa Ndaw, 63 ans, en se balançant sur les deux pieds de sa chaise en bois. Le vendeur de pneus, situé à l’angle de la Grande Mosquée de Dakar, surveille le travail de ses apprentis. « Diomaye et Sonko sont jeunes, il faut leur laisser un peu de temps pour réformer le pays, il a dit. Mais ils disent qu’ils font la politique différemment, alors voyons s’ils respectent leurs engagements. Cela nous changera des autres présidents !
Lors de leur guerre éclair, à travers le pays, de jour comme de nuit, Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko ont attiré sur leur passage des foules spontanées et enthousiastes. Le soir des élections, le 24 mars, leurs partisans sont descendus dans les rues de Dakar pour célébrer leur victoire historique. Aucun opposant n’a jamais remporté une élection présidentielle dès le premier tour. Les deux dirigeants de Pastef ont promis « rupture » avec l’élite politique, religieuse et économique traditionnelle sénégalaise. Les attentes de leurs électeurs seront à la mesure des espoirs qu’ils ont suscités – immenses. Au risque de décevoir ?
« Les Sénégalais attendent beaucoup »
« Cela mettra fin à l’injustice, à la corruption et surtout donnera du travail. » veut croire Fallou Sidibé, 32 ans, vendeur ambulant au marché Petersen. Comme des dizaines de milliers de jeunes Sénégalais, il rentre chez lui pour s’occuper de ses récoltes pendant l’hiver et arpente les trottoirs de la capitale dix heures par jour – tout habillé – pendant la saison sèche. « Bassirou Diomaye Faye est différent des autres : il est jeune, il est modeste, il vient du monde rural, nos expériences sont les mêmes, il a dit. En priorité, il doit aider l’agriculture, avec des subventions pour les engrais et les semences, les systèmes de forage et d’irrigation.» La composition du nouveau gouvernement est attendue cette semaine. Il donnera des premiers indices sur les priorités du président Diomaye.
« Les Sénégalais attendent beaucoup. Plus que pour une alternance classique, reconnaît Jean-Charles Biagui, professeur de sciences politiques à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar. Pour agir vite et fort, Diomaye devrait d’abord annoncer des changements symboliques. Cela pourrait, par exemple, garantir que le niveau de vie de l’État soit réduit, que la masse salariale soit réduite, que certaines agences publiques soient fusionnées et que la taille du gouvernement soit réduite. Son grand défi sera de briser la logique de prédation institutionnalisée au sein de l’administration.»
En revanche, les réformes économiques et monétaires – Pastef a fait campagne sur un agenda souverainiste – prendront plus de temps, estime le politologue. « La question de la sortie du franc CFA, de la renégociation des contrats avec les partenaires étrangers, de la gestion de l’argent du pétrole et du gaz (dont l’exploitation doit débuter cette année, ndlr) sont des sujets complexes et sensibles, il se souvient. Diomaye le sait et les Sénégalais devront être patients.