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Au Sénégal, le Premier ministre relance le débat sur le foulard islamique à l’école

L'Institution Sainte-Jeanne-d'Arc, école privée catholique de Dakar, en septembre 2019.

Au pays de « Téranga » (« hospitalité » en wolof), le Premier ministre Ousmane Sonko vient de relancer un débat sensible. Mardi 30 juillet, lors d’une cérémonie récompensant les meilleurs élèves du Sénégal, il a relancé le sujet du port du foulard islamique dans les écoles francophones. Interrogé par la lauréate, elle-même voilée, sur la difficulté des élèves arabophones à s’intégrer dans le cursus traditionnel, M. Sonko a prôné l’inclusion.

« Certaines choses ne peuvent plus être tolérées dans ce pays. En Europe, on nous parle sans cesse de leur mode de vie, mais ça, c’est leur affaire. Au Sénégal, on ne permettra plus que certaines écoles interdisent le port du voile », a-t-il ajouté. a déclaré le chef du gouvernement, avant de préciser : « Quand une enfant est bannie d’une école parce qu’elle porte un voile, je pense que ce n’est pas normal, il faut que ces pratiques cessent. L’élève qui porte le foulard et celle qui ne le porte pas doivent bénéficier des mêmes droits et être traitées de manière égale. »

La déclaration, accueillie par une salve d’applaudissements au Grand Théâtre national de Dakar, a suscité la colère de certains opposants et responsables catholiques, qui y ont vu une attaque contre leurs établissements. « Mon cher jeune politicien nouvellement promu ! » a déclaré le père André Latyr Ndiaye, curé de la paroisse de l’île de Gorée, dans une lettre publiée samedi : « Vous avez été élus pour lutter contre la vie chère, contre la pauvreté, contre le chômage des jeunes, mais pas pour lutter pour Dieu, pour lutter pour un symbole religieux. » Le ton non œcuménique de la lettre a enflammé les réseaux sociaux et généré une cascade de réactions.

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« Les écoles catholiques privées doivent avoir la liberté de faire leur travail, exhorte Philippe Abraham Birane Tine, président du Conseil national des laïcs (CNL), un regroupement d’associations et mouvements catholiques, qui appelle au calme. « Ils ont donné à ce pays ses meilleurs cadres, dont beaucoup sont musulmans. Sur les 119 000 étudiants inscrits, seulement 28% sont catholiques. Cela prouve que les familles musulmanes nous font confiance. »

Cette controverse met en lumière les spécificités de la laïcité sénégalaise. Inscrite dans le préambule de la Constitution héritée de l’ancien colonisateur français, elle se distingue par la perméabilité entre les mondes politique et religieux. « Le Sénégal n’a jamais conçu sa laïcité sur la base d’une séparation des affaires étatiques et religieuses, car l’ordre social n’est pas pensé en termes d’exclusion, mais d’inclusion, observé Ndèye Astou Ndiaye, professeur de sciences politiques à l’Université Cheikh-Anta-Diop de Dakar. Ce modèle offre une place aux religions, même sur le plan politique. Lors de la récente crise électorale, elles ont ainsi manifesté leur opposition au report de l’élection présidentielle.

L’affaire « Jeanne d’Arc »

Si la question suscite autant de passion, c’est aussi parce que le pays garde en tête le cas de l’Institution Sainte-Jeanne-d’Arc. En 2019, cette école privée catholique réputée de Dakar avait exclu, le jour de la rentrée, 24 élèves voilées. Créée en 1939 et placée sous la tutelle de la congrégation des sœurs de Saint-Joseph de Cluny, en France, l’institution avait fait valoir que son nouveau règlement intérieur imposait aux élèves d’avoir « tête découverte, pour les filles comme pour les garçons ».

Rarement depuis l’indépendance la cohabitation religieuse pacifique n’avait été aussi ébranlée dans un pays dont le premier président, Léopold Sédar Senghor (1960-1980), était issu de la minorité chrétienne (5%), alors que les musulmans représentent près de 95% de la population. L’affaire « Jeanne d’Arc » a finalement été close grâce à l’intervention des autorités et du Vatican. Les étudiantes exclues ont pu être réintégrées avec le foulard. « aux dimensions adaptées fournies par l’établissement ».

Depuis cet incident, le mot d’ordre est la tolérance du port du voile dans les écoles catholiques. « Le débat actuel n’a plus lieu d’être. Depuis cinq ans, les écoles privées catholiques se montrent clémentes envers les élèves voilées », a-t-il ajouté. Remarques Cheikh Tidiane Sy, ancien président du Cadre uni de l’islam au Sénégal (Cudis), une organisation musulmane.

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L’entourage du Premier ministre s’est dit surpris par l’ampleur des réactions. « Ousmane Sonko n’a pas pointé du doigt les écoles catholiques, répète Moustapha Guirassy, ​​ministre de l’Éducation nationale. Nous ne sommes pas dans un débat religieux, mais sur la conformité du règlement intérieur des écoles avec notre Constitution. Imaginez des écoles coraniques qui refuseraient les élèves qui ne sont pas voilées ou qui portent une croix ! Nous protégeons tous les élèves « Et de reconnaître ne pas avoir « connaissance du règlement intérieur de l’école interdisant le port du voile », même au sein des 18 établissements français du pays.

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Toutefois, dans une lettre confidentielle datée du 2 août et consultée par Le mondel’Office national de l’éducation catholique (ODEC) demande aux directions des établissements de « mettre à jour leur règlement intérieur pour prévenir toute provocation et tout conflit éventuel sur la question du voile. »

Pour contourner ce sujet  » très sensible « le directeur diocésain, le père Georges Diouf, les appelle à interdire d’autres  » comportements «  considéré comme problématique. « Sans parler du voile, le règlement intérieur devrait préciser ce que nous n’acceptons pas, comme refuser de : serrer la main d’un ami du sexe opposé, faire de la gymnastique en uniforme scolaire, s’asseoir sur le même banc qu’un ami du sexe opposé (…) Tout cela constitue un obstacle au vivre ensemble.c’est répertorié.

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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