Le 19 mars, tout juste passé du statut de prisonnier à celui de candidat à la présidentielle, Bassirou Diomaye Faye était déterminé : « Je veux provoquer une rupture »déclaré alors à la Monde Le candidat antisystème de 44 ans, à cinq jours du scrutin qui l’a porté au pouvoir. Cent jours après son investiture le 2 avril, l’ancien opposant, quasiment inconnu des Sénégalais, n’a pas fait table rase du passé, comme l’espéraient ses partisans, mais opère cette rupture à pas mesurés, soucieux d’apaiser un pays endeuillé par trois années de répression, notamment judiciaire, menée par le précédent régime.
Rien ne prédisposait cet inspecteur des impôts calme et discret, issu d’un milieu rural modeste, pour accéder au pouvoir par les urnes. Lui, le plan B du parti Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef) à ce scrutin, désigné après la disqualification de son leader et mentor, le charismatique Ousmane Sonko.
« Diomaye mooy Sonko » (« Diomaye, c’est Sonko » en wolof), proclamaient les partisans de Pastef lors de leur campagne électorale éclair. Cent jours plus tard, le slogan a perduré et le duo au pouvoir intrigue au point qu’un éditorialiste sénégalais s’interroge « Qui est le pilote de l’avion ».
Les deux hommes, amis depuis dix ans, militants panafricanistes et syndicalistes dans la haute fonction publique, sont inséparables depuis l’arrivée au pouvoir de M. Faye. Au lendemain de son investiture, le président sénégalais a nommé Ousmane Sonko à la tête du gouvernement. Quand le premier est quasiment absent de la scène intérieure, le second est omniprésent.
« Leur duo est un renversement complet du pouvoir au Sénégal, le signe d’une rupture notable avec le régime précédent »affirme Alioune Tine, directeur du think tank Afrikajom Center. « Avant, notre pays était dirigé par un hyper-président et un premier ministre fantocherésume l’homme qui a servi de médiateur entre Macky Sall et les nouveaux dirigeants, hier opposants emprisonnés depuis plusieurs mois avant l’élection présidentielle du 24 mars. Aujourd’hui, nous avons un hyper-Premier ministre qui s’agite et gouverne, et un président qui n’a pas encore réussi à trouver son espace. »
« C’est la fin de l’hyper-présidentialismeajoute Babacar Ndiaye, analyste politique à Wathi, un think tank citoyen basé à Dakar. Ils essaient d’imprimer un style différent » de celui de leurs prédécesseurs.
Le chef de l’État a pour mission d’incarner une politique étrangère plus africaniste, comme promis dans son programme électoral, et d’apparaître moins attaché à la relation historique avec l’ancienne puissance coloniale, la France. Quand son prédécesseur Macky Sall a mis deux semaines et demie pour se rendre à Paris et demander une aide budgétaire de 130 millions d’euros, Le président Faye, pour sa part, n’a pas capitulé. à l’Elysée que deux mois et demi plus tard, et seulement après avoir visité neuf pays africains.
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