Alors que le Sénat doit débattre ce mercredi après-midi d’un projet de loi visant à lutter contre les ingérences étrangères, l’actualité en Nouvelle-Calédonie donne une résonance particulière au texte.
L’examen mercredi par le Sénat d’un projet de loi visant à renforcer l’arsenal de lutte contre les ingérences étrangères arrive de plein fouet à l’actualité en Nouvelle-Calédonie, où l’influence de l’Azerbaïdjan dans le contexte des récentes émeutes est dénoncée par le gouvernement.
Registre national d’influence, gel des avoirs financiers, surveillance algorithmique élargie : plusieurs mesures phares sont soumises à la chambre haute dans le cadre d’un projet de loi macroniste, déjà largement adopté à l’Assemblée nationale à la fin du mois de mars.
Si l’examen par les députés avait pour toile de fond la campagne des élections européennes et notamment la posture des oppositions envers la Russie, les débats au Sénat se déroulent en pleine crise calédonienne et promettent également d’être animés.
Alors qu’une vague de violence touchait l’archipel du Pacifique Sud, Paris a publiquement accusé l’Azerbaïdjan d’ingérence – ce que Bakou a immédiatement rejeté -, critiquant notamment le mémorandum de coopération signé en avril entre le Congrès de Nouvelle-Calédonie et l’Assemblée nationale d’Azerbaïdjan ou une campagne de désinformation. diffusé ces derniers jours sur les réseaux sociaux.
Plusieurs élus s’étaient également inquiétés de l’influence croissante de la Chine dans l’archipel, alors que le réseau social TikTok, dont la maison mère est chinoise, y a été interdit, une décision inédite en France.
« Conscience »
« Cela illustre l’urgence de légiférer sur ce sujet »soutient la sénatrice Agnès Canayer, rapporteure sur le texte. « On voit en Nouvelle-Calédonie un terreau très favorable pour déstabiliser la France, car c’est un territoire en éruption »renchérit l’élu rattaché au groupe Les Républicains (LR), satisfait d’avoir vu le projet de loi « étendu aux territoires d’outre-mer ».
Dans ce contexte, les objectifs du texte semblent avoir l’assentiment consensuel du Palais du Luxembourg, même si les sénateurs de nombreux bancs ne le considèrent que comme « une première approche » dans la lutte contre les ingérences étrangères.
« Il a malheureusement fallu des événements dramatiques en Nouvelle-Calédonie pour que cette prise de conscience surgisse soudainement, pour que certains se rendent compte que quand on parle d’ingérence de l’État, ce n’est pas un mythe », regrette la sénatrice socialiste Gisèle Jourda. Grâce à un « requête préliminaire »ce dernier demandera également le report de l’examen du texte, en attendant la fin des travaux d’une commission d’enquête sénatoriale lancée sur ce sujet sensible et dont le rapport est prévu pour le mois de juillet.
« Nous n’en sommes qu’au début de l’abandon du déni face à cette réalité qui nous oppose, mais ce projet de loi va dans le bon sens. L’expérience d’autres pays qui ont mis en œuvre ces mesures nous montre que des progrès considérables peuvent être réalisés.affirme de son côté le sénateur Les Indépendants – République et Territoires, Claude Malhuret.
En substance, le projet de loi entend instaurer une obligation pour les représentants d’intérêts étrangers qui font du lobbying en France de s’inscrire sur un registre national, avec un régime de sanctions pénales pour les contrevenants. Ce registre sera géré par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).
Autre mesure sensible, l’extension aux cas d’ingérences étrangères d’un système expérimental de surveillance algorithmique lancé en 2015, destiné à identifier les données de connexion sur internet. Cet outil, contesté par une partie de la gauche qui craint une atteinte à la vie privée, n’est pour l’instant autorisé que pour la prévention du terrorisme. Le texte prévoit également la possibilité de geler les avoirs financiers de personnes, sociétés ou entités se livrant à des activités d’ingérence définies.
En commission, le Sénat a également présenté un « circonstance aggravante » dans le code pénal pour les crimes et délits « engagé dans le but de promouvoir les intérêts d’une puissance étrangère, d’une entreprise ou d’une organisation étrangère ».