Un plébiscite à 99,18% : le tout-puissant président rwandais, Paul Kagame, a été réélu pour un quatrième mandat, selon les résultats provisoires annoncés jeudi 18 juillet, prolongeant de cinq ans son règne à la tête du pays qu’il dirige depuis trente ans. Le chef de l’Etat sortant, âgé de 66 ans, réalise un score encore supérieur à ses 98,79% à la présidentielle de 2017, après avoir obtenu 95,05% en 2003 et 93,08% en 2010.
Paul Kagame est l’homme fort du Rwanda depuis qu’il a renversé en juillet 1994 le gouvernement extrémiste hutu et la rébellion du Front patriotique rwandais (FPR), instigateur du génocide qui a fait, selon l’ONU, plus de 800 000 morts, principalement parmi la minorité tutsie. Premier vice-président et ministre de la Défense mais considéré comme le dirigeant de facto du pays, il est devenu président en 2000, élu par le Parlement après la démission de Pasteur Bizimungu, alors quatre fois au suffrage universel.
On lui attribue le spectaculaire redressement économique du Rwanda après le génocide, mais on lui reproche aussi le manque d’ouverture démocratique du pays. Plusieurs voix anti-Kagame n’ont pas pu se présenter à l’élection présidentielle, notamment Victoire Ingabire, qui, dans un message envoyé à l’AFP après l’annonce des résultats, a déclaré que « Gagner continuellement l’élection présidentielle avec près de 100 % des voix n’est pas un signe de popularité mais d’absence de concurrence. » Seuls deux candidats ont été autorisés à se présenter : Frank Habineza, leader du seul parti d’opposition autorisé – le Parti démocratique vert (DGPR) – et l’indépendant Philippe Mpayimana, qui ont obtenu respectivement 0,50% et 0,32% des voix.
Les élections législatives, qui se sont déroulées simultanément, ont confirmé l’hégémonie du FPR, qui a recueilli 68,83% des voix. Ses alliés du Parti libéral et du Parti social-démocrate ont obtenu respectivement 8,66% et 8,62% des voix. Les autres partis n’ont pas franchi le seuil des 5%, notamment le DGPR (4,56%), qui ne devrait pas conserver ses deux sièges. Les résultats définitifs doivent être annoncés d’ici le 27 juillet.
Une « victoire sans triomphe »
Paul Kagame est l’un des chefs d’Etat les plus clivants du continent africain. Il jouit d’une forte popularité pour avoir relancé le pays, exsangue après le génocide, avec une croissance solide (7,2 % en moyenne entre 2012 et 2022) accompagnée du développement des infrastructures (routes, hôpitaux, électricité…) et des progrès, notamment dans les domaines de l’éducation et de la santé. Mais son régime est critiqué, notamment à l’étranger, pour son ingérence en République démocratique du Congo (RDC), où plusieurs milliers de soldats combattent aux côtés des rebelles du Mouvement du 23 mars (M23), selon un récent rapport d’experts de l’ONU, et sa répression des voix dissidentes.
Figure historique de l’opposition, Victoire Ingabire n’a pas pu se présenter à la présidentielle après avoir vu la justice rejeter sa demande de rétablissement de ses droits civiques, dont elle avait été déchue avec sa condamnation en 2013 à quinze ans de prison pour « minimisation du génocide ». Elle a été libérée en 2018. Diane Rwigara, de son côté, a vu sa candidature invalidée par la commission électorale en raison de documents non conformes. Elle a été exclue de la dernière présidentielle, accusée de falsification de documents et arrêtée, avant d’être blanchie par la justice en 2018.
Dans une déclaration, Bernard Ntaganda, qui n’a pas pu être présent en raison de condamnations passées, a regretté une « victoire sans triomphe politique » à l’issue d’une élection marquée par « l’absence totale d’une opposition légitime et indépendante capable de faire de l’ombre au président Paul Kagame ».
Paul Kagame a remercié les Rwandais dans un discours lundi soir, après l’annonce des résultats partiels affichant un score de 99,15% sur 79% des bulletins dépouillés. « Les résultats présentés indiquent un score très élevé. Ce ne sont pas que des chiffres (…) Ces chiffres montrent la confiance et c’est ce qui est le plus important »Plusieurs dirigeants régionaux, dont l’Ethiopien Abiy Ahmed, le Kenyan William Ruto, la Tanzanienne Samia Suluhu Hassan et l’Ougandais Yoweri Museveni, lui ont depuis adressé des messages de félicitations sur le réseau social X.
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Après avoir atteint la limite de deux mandats de sept ans, le président Kagame a pu se représenter en 2017, grâce à une révision constitutionnelle controversée en 2015, qui a introduit le mandat de cinq ans (tout en maintenant un maximum de deux mandats). Cette modification avait suscité de vives critiques car elle remettait à zéro le nombre de mandats de Paul Kagame et l’autorisait également à briguer un mandat transitoire de sept ans de 2017 à 2024. Cette réforme lui permet donc, en cas de réélection, de rester au pouvoir jusqu’en 2034.