Au Rwanda, enquête sur les dérives du régime de Paul Kagame, l’autocrate qui fascine l’Occident
Les années passent, mais le rituel reste le même. Le 7 avril, trente ans jour pour jour après le déclenchement du génocide contre les Tutsi au Rwanda, Paul Kagame a rallumé la flamme du souvenir au Mémorial de Gisozi, où reposent les dépouilles de 250 000 personnes sur les quelque 800 000 hommes, femmes et enfants qui ont survécu. ont été méthodiquement massacrés pendant cent jours en 1994.
Pendant le génocide, « C’est la communauté internationale qui nous a tous laissé tomber, que ce soit par mépris ou par lâcheté », a déclaré le président rwandais quelques heures plus tard devant un parterre de hautes personnalités, l’Américain Bill Clinton, le Français Nicolas Sarkozy, le président de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, et de nombreux chefs d’Etat africains. Tous responsables de la passivité complice dont font preuve plusieurs pays, au premier rang desquels la France.
Des pays dont Paul Kagame exige d’autant plus de comptes qu’il est devenu un partenaire incontournable. En trente ans, sous son règne inflexible, le Rwanda s’est en effet transformé. Parti d’un Etat structurellement en faillite, exsangue, ravagé par les pires actes de barbarie qu’une population ait subi depuis la Shoah, le pays est aujourd’hui un modèle à l’échelle continentale. Stable, sûr, pauvre, mais ancré dans une dynamique de développement planifié.
» Chaos «
À quel prix ? Pendant plusieurs mois, Le monde, Forbidden Stories et un consortium de médias internationaux ont enquêté sur la face sombre du régime rwandais, ce partenaire privilégié de nombreux pays occidentaux. Ce pays dont le nom apparaît sur les maillots du PSG mais qui surveille et traque toutes les voix dissidentes, y compris à l’étranger, notamment à l’aide de logiciels espions. Ce pays qui s’est rendu indispensable aux missions des Nations Unies en Afrique, mais joue un rôle clé dans la guerre qui fait rage à l’est de la République démocratique du Congo (RDC) en soutenant activement un mouvement rebelle, au prix de morts, de centaines de milliers de personnes déplacées et d’une des crises humanitaires les plus graves du pays. monde.
« Rwanda Classified », une enquête sur le régime de Kagame
L’enquête « Rwanda Classified », enquête sur le régime de Paul Kagame, a mobilisé 50 journalistes de 17 médias dans 11 pays, coordonnés par le collectif Forbidden Stories. Partant de la mort suspecte du journaliste John Williams Ntwali à Kigali en janvier 2023, l’enquête vise à révéler les mécanismes répressifs mis en œuvre par le Rwanda, y compris hors de ses frontières, loin de l’image de pays modèle promu à l’étranger. Le 15 juillet, l’élection présidentielle rwandaise devrait ramener Paul Kagame à la tête du pays pour un quatrième mandat, trente ans après le génocide de 1994.
Si le Rwanda fascine tant, c’est aussi parce qu’un homme incarne cette métamorphose : Paul Kagame, libérateur du pays en 1994, lorsqu’à la tête d’une rébellion il vainquit les forces armées du gouvernement génocidaire, et leader singulier depuis, avec ses faux airs de moine-soldat. Enfant tutsi d’une famille décimée, héritier d’une histoire dramatiquement complexe dont il n’entend pas rester prisonnier mais au contraire écrire le cours, sans contestation ni protestation. Une histoire qui pèse lourdement sur la dérive autoritaire d’un régime qui ne tolère aucune opposition.
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