Au Royaume-Uni, la victoire illusoire des antiracistes
Londres (Royaume-Uni), correspondance
Le Royaume-Uni est en pleine gueule de bois. Depuis une dizaine de jours, de Plymouth, sur la côte sud, à Sunderland, dans le nord de l’Angleterre, en passant par Belfast, en Irlande du Nord, des émeutes racistes secouent violemment le pays, les pires, selon certains, depuis un siècle, par leur ampleur et leur portée.
Le 29 juillet, trois jeunes filles ont été assassinées à Southport lors d’une attaque au couteau attribuée à tort sur les réseaux sociaux à un migrant musulman récemment arrivé par bateau. Armés de battes, de briques et de bouteilles, des émeutiers d’extrême droite ont attaqué des mosquées et des maisons abritant des demandeurs d’asile, scandant des slogans islamophobes et racistes. Ils ont vandalisé des magasins appartenant à des musulmans, incendié des voitures et même une bibliothèque à Liverpool. La police a arrêté plus de 1 000 personnes, âgées de 11 à 69 ans, dont près de 600 ont été poursuivies en justice et 120 ont été condamnées à ce jour. Leurs visages, noms et âges circulent depuis dans les médias.
Manifestations antiracistes
Une date a marqué un tournant : le mercredi 7 août. Ce soir-là, alors que la police avait recensé de possibles émeutes dans une centaine de lieux du pays, des contre-manifestants antiracistes — rejoints par le député antifasciste français Raphaël Arnault — se sont mobilisés par milliers. « La nuit où les manifestants anti-haine ont tenu tête aux voyous »titré le Courrier quotidien.
Depuis lors, les émeutiers, qui ont fait honte à 73 % des Britanniques restent silencieux et les associations antiracistes organisent des manifestations avec des pancartes « Les réfugiés sont les bienvenus ! » (« Les réfugiés sont les bienvenus ! ») Une victoire ?
Des militants antiracistes se sont rassemblés à Shrewsbury en prévision d’une manifestation d’extrême droite. Environ 200 personnes ont scandé sur la place « les réfugiés sont les bienvenus ». pic.twitter.com/EBkc6bjukS
— Dominic Robertson (@DRobertson_Star) 10 août 2024
« C’est merveilleux de voir cet élan d’amour et de solidarité envers les communautés musulmanes et les demandeurs d’asile. Nous avons vu des locaux, y compris des Blancs, aider à nettoyer les rues et à reconstruire les mosquées.déclare Rohini Kahrs de la fondation pour la justice raciale Runnymede Trust. Mais je ne pense pas qu’il s’agisse d’une victoire antifasciste. C’est une période effrayante pour les personnes de couleur, et les musulmans en particulier, qui sont intimidés dans la rue. » Le maire de Londres, Sadiq Khan, a également déclaré : « ne pas se sentir en sécurité en tant que musulman ».
« Racisme institutionnel »
Selon plusieurs associations, ce racisme exacerbé n’est pas une surprise. Le Royaume-Uni n’a pas su lutter contre le racisme institutionnel, accuse un rapport publié par Runnymede Trust et Amnesty International le 12 août. « C’est le résultat d’années de rhétorique hostile de la part de certains médias et de certains hommes politiques, qui nient complètement l’humanité des personnes ayant besoin d’asile. »confirme Leila Zadeh, directrice exécutive de Rainbow Migration, qui apporte un soutien psychologique aux demandeurs d’asile LGBTQI+.
Ainsi, en 2007, le gouvernement travailliste a introduit la notion de« environnement hostile » contre les travailleurs illégaux, largement amplifiée sous les conservateurs. « Un changement important a commencé en 2013 lorsque l’équipe de Theresa May – alors ministre de l’Intérieur – a eu l’idée de faire circuler des camionnettes dans les quartiers défavorisés de Londres avec le slogan : « Rentrez chez vous ou risquez d’être arrêté ». »souligne Parth Patel, chercheur à l’Institut de recherche publique (IPPR).
Puis est arrivé le Brexit et son lot de promesses anti-immigration. « Face à la montée du vote populiste, les conservateurs ont ajusté leur politique »Le parti voulait ainsi expulser les migrants vers le Rwanda. ; un échec. Le slogan de Rishi Sunak était : « Arrêtez les bateaux » (« Arrêtez les bateaux »). Suella Braverman, une ancienne ministre de l’Intérieur aux sorties controversées, a mis en garde contre l’arrivée d’un « ouragan migrant » et a appelé aux marches pro-palestiniennes « marches de la haine »Une rhétorique reprise dans les médias, aussi bien traditionnels que tabloïds.
Face à son premier test majeur, le Premier ministre travailliste Keir Starmer incarne-t-il l’espoir du changement ? ? « Dans l’immédiat, il a su faire face à la phase aiguë de la crise.répond Parth Patel. Reste à voir quelles réponses cela apportera à long terme. »
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