Le premier témoin appelé à la barre au procès de Donald Trump, l’ancien patron d’un tabloïd américain, a détaillé mardi devant le tribunal de New York comment il s’était mis au service de sa campagne en 2016 pour traquer les scandales, affirmant avoir discuté de ce plan devant lui.
Cravate rose pâle, moustache, cheveux dégarnis et gominés en arrière, David Pecker, propriétaire de The National Enquirer, un de ces magazines aux Unes choquantes qu’on trouve dans les rayons des supermarchés, a emmené les jurés dans les coulisses de la conquête de la Maison Blanche en son ami « Donald ».
Un témoignage clé pour l’accusation, qui souhaite voir le candidat républicain en 2024 condamné pour la dissimulation du versement de 130 000 dollars à l’ancienne star du porno, Stormy Daniels, à la fin de la campagne 2016.
L’argent a servi à acheter le silence de l’actrice qui affirme avoir eu une relation sexuelle en 2006 avec le milliardaire républicain – ce qu’il nie -, alors qu’il était déjà marié à Melania Trump.
Cependant, David Pecker a joué un rôle dans ce type de marchandage, connu sous le nom de « catch and kill ».
– Rendez-vous –
Les deux hommes se connaissent depuis 1989 et s’aiment bien, précise David Pecker. Le patron de presse de 72 ans a racheté The National Enquirer en 1999 et son journal a bénéficié du succès de l’émission de télé-réalité « The Apprentice », puis de sa déclinaison auprès des stars du show-biz.
En 2015, après l’annonce de la candidature de Donald Trump à la Maison Blanche, « je le voyais plus fréquemment, peut-être une fois par mois », expliquait-il aux jurés, sous les yeux de l’ancien président des Etats-Unis, présent chaque jour dans dans la salle d’audience, les traits tirés et l’air fatigué mardi.
Août 2015, David Pecker a rendez-vous à la Trump Tower à New York. Sont présents Donald Trump, son avocat personnel Michael Cohen et sa conseillère Hope Hicks.
« Donald Trump et Michael Cohen m’ont demandé ce que je pouvais faire, ce que mes magazines pouvaient faire pour aider sa campagne (…) J’ai dit que je publierais des articles positifs sur Trump, et des articles négatifs sur ses adversaires », raconte M. Pecker.
« Et j’ai aussi dit que je serai les yeux et les oreilles », pour surveiller l’environnement sur tout scandale prêt à surgir, ajoute-t-il.
« D’après mon expérience, il était clair que lorsque quelqu’un se présente à une fonction publique comme celle-ci, les femmes appellent un magazine comme le National Enquirer pour essayer de vendre leur histoire », explique-t-il.
« Tout ce que j’ai dit, c’est que j’irais voir Michael Cohen », a-t-il poursuivi. « Quand je l’informais d’un article négatif, il essayait de voir si c’était vrai ou non. Il contactait alors la publication concernée pour s’assurer que l’article était enterré », assure David Pecker.
– Indignation –
Comment Donald Trump a réagi à cette offre de service, se demande le procureur. « Il était satisfait », souligne David Pecker.
L’homme de presse se met au travail lorsqu’il apprend qu’un portier de la Trump Tower « (vend) une histoire sur un enfant illégitime » de Donald Trump. « J’ai immédiatement appelé Michael Cohen. »
Par la suite, 30 000 $ ont été versés au portier pour qu’il se taise. 150 000 dollars ont également été versés à une ancienne mannequin du magazine Playboy, Karen McDougal, pour son silence sur sa relation avec le candidat à la Maison Blanche.
Pour l’accusation, ces épisodes sont cruciaux pour montrer qu’un stratagème existait pour dissimuler tout scandale. Donald Trump est poursuivi pour 34 chefs d’accusation de falsification de documents comptables de son groupe de sociétés, la Trump Organization, pour dissimuler des paiements à Stormy Daniels.
L’avocat de Donald Trump, Todd Blanche, a insisté sur la légalité des paiements. Loin d’un complot, il y voyait le fonctionnement normal d’une « démocratie ».
Mardi, le tribunal a également examiné d’éventuelles sanctions contre Donald Trump pour outrage, en raison de ses attaques, via internet et les réseaux sociaux, contre des témoins et des jurés. Les procureurs estiment que le candidat républicain à l’élection présidentielle de 2024 a violé à plusieurs reprises l’interdiction du magistrat de s’en prendre à eux.
Ils ont demandé que des amendes maximales soient imposées (1 000 dollars par publication incriminée) et qu’il soit rappelé à Donald Trump que l’incarcération reste « une option si nécessaire ». Le juge n’a pas pris sa décision.
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