Au procès pour viol de Mazan, la vision glaçante du consentement délivrée par l’accusé
BENOIT PEYRUCQ / AFP
Croquis du procès pour viol de Mazan à la cour d’assises du Vaucluse, le 10 septembre 2024. (Photo de Benoit PEYRUCQ / AFP)
JUSTICE – Le procès pour viol de Mazan, au cours duquel sont jugés une cinquantaine d’hommes pour avoir violé Gisèle Pelicot, 71 ans, droguée à son insu par son mari Dominique Pelicot, permettra-t-il d’inscrire dans la loi la notion de consentement ? C’est en tout cas le souhait de Didier Migaud. Interrogé à ce sujet ce vendredi dans la matinale de France Inter, le nouveau ministre de la Justice s’est prononcé en faveur d’un changement de la définition pénale du viol.
En écho aux débats, qui se sont tenus cette semaine devant le tribunal correctionnel du Vaucluse, et au cours desquels les accusés ont livré des définitions ou une manipulation du consentement réduisant Gisèle Pelicot à un simple objet à la merci de son mari.
Si certains reconnaissent le caractère intentionnel du viol, pour d’autres, le consentement était de facto acquis, puisqu’ils avaient obtenu l’accord de Dominique Pelicot pour avoir une relation sexuelle avec son épouse. Comme si ce dernier pouvait « consentir à sa place ». D’autres disent avoir cru qu’il s’agissait d’un jeu libertin, durant lequel Gisèle Pelicot faisait semblant de s’endormir.
« J’avoue que je n’ai pas fait attention »
Le témoignage de Fabien S. est particulièrement évocateur du manque d’attention portée au consentement sexuel. « Dans l’excitation, je n’ai pas fait attention » qu’elle ne s’est pas réveillée, a déclaré cet homme de 39 ans, entendu jeudi. « Les plans où la femme dort ne m’intéressent pas du tout. Mais j’avoue que je n’y ai pas prêté attention. »il a essayé d’expliquer.
Grand utilisateur de coco.fr, depuis fermé en juin par la justice française, Fabien S., incarcéré depuis son arrestation en 2021, a déclaré s’être rendu au domicile du couple à Mazan en août 2018, après quelques échanges sur coco.fr avec Dominique. Pélicot.
Là, il retrouve Gisèle Pelicot, apparemment endormie. «J’étais d’humeur, je ne pensais pas qu’elle se droguait. Je pensais qu’elle était complice. »a-t-il précisé, expliquant qu’il était resté » un quart d’heure »plutôt que de s’enfuir, car il se disait qu’elle « j’allais me réveiller ». « Je reconnais les faits mais je ne suis pas allé la violer, je n’étais pas au courant » qu’elle serait inconsciente, a-t-il assuré. Il s’est ensuite excusé auprès de Gisèle Pelicot, assise dans la salle, pour « on aurait pu croire qu’elle était complice ».
« J’ai dit : ‘Ta femme est morte' »
Même ligne de défense adoptée par Husamettin D. Appelé à la barre mercredi 25 septembre, l’homme de 43 ans « confirmé » ne reconnaissant pas les faits. Selon lui, il a rencontré fin juin 2019, sur le site coco.fr, un homme se présentant comme membre d’un « couple libertin » à la recherche d’un autre partenaire pour participer à un scénario où la femme « faire semblant de dormir ».
Husametin D. a déclaré avoir demandé, sur la messagerie du site : « Où est ta femme ? ». « Elle est à côté de moi »aurait répondu son interlocuteur. Dans la foulée, il aurait reçu un autre message : « Je suis bien sa femme, j’accepte de vous recevoir ».
Le soir même, il se rend au domicile Pelicot à Mazan (Vaucluse), où Dominique Pelicot l’emmène dans la chambre du couple. « J’ai commencé les préliminaires, j’ai vu qu’elle n’avait aucune réaction. J’ai dit : « Votre femme est morte ». Il m’a dit : « Non, tu fais des films ». Il l’a pénétrée et elle a un peu relevé la tête. »dit-il.
Les événements se poursuivent pendant au moins une demi-heure, jusqu’à ce qu’il entende clairement les ronflements de Gisèle Pelicot et décide de « casser « . Mais il dit : « Les gens me disent que je suis un violeur, c’est fou. Je ne suis pas un violeur, c’est trop dur à supporter pour moi. C’est son mari, je n’aurais jamais pensé que ce type puisse faire ça à sa femme. ».
Un magistrat du tribunal lui a fait remarquer qu’il avait été « étant donné la définition du viol »selon le Code Pénal toute pénétration sexuelle ou acte bucco-génital commis » par la violence, la coercition, la menace ou la surprise ». « Maintenant, je reconnais que c’est un viol »lâche l’accusé.
« J’ai pris conscience en garde à vue »
Interrogé mercredi, Mathieu D., 53 ans, a immédiatement reconnu les faits. Selon lui, Dominique Pelicot lui avait fait comprendre que son épouse serait « endormi par les somnifères qu’il lui a administrés »parce que le couple « je regarderais ensuite les vidéos ensemble ». S’il dit qu’il a « a pris conscience en garde à vue » Du manque de consentement de Gisèle Pelicot, Mathieu D. assure que lui aussi n’a pas eu l’impression de « commettre un viol » pendant les faits. « C’est le problème de la reconnaissance qui n’est pas une reconnaissance »a commenté Stéphane Babonneau, avocat de Gisèle Pelicot.
De son côté, Dominique Pelicot affirme que tous les autres hommes venus chez eux étaient « pleinement conscient » que sa femme serait droguée à son insu. Les cinquante hommes, qui comparaissent pour viol aggravé, risquent jusqu’à vingt ans de prison.
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