L’ex-médecin de 76 ans, frère aîné de l’accusé, n’accorde « aucun crédit » aux déclarations de son cadet et s’efforce de décrire un père « juste », quand Dominique Pelicot le décrit comme violent et incestueux.
Il connaît bien l’histoire familiale. A 76 ans, face au tribunal correctionnel du Vaucluse, Joël Pelicot se targue d’avoir « un excellent souvenir » et le montre, tout au long de l’audience, mardi 8 octobre. Appelé comme témoin, le frère aîné de Dominique Pelicot déroule son histoire avec une grande aisance, égratignant son cadet chaque fois qu’il en a l’occasion.
«Quand Dominique est née en 1952, ma sœur Ginette avait 12 ans, mon frère André 9 ans et moi 4 ans», explique ce médecin généraliste à la retraite, aux cheveux châtains légèrement grisonnants et au costume sombre. Il cherche à décrire « jours heureux »notamment dans une maison située à proximité d’un château en Haute-Marne. « Dominique passait son temps à jouer au ballon dans la forêt à côté« , relate Joël Pelicot, nostalgique lorsqu’il évoque la télévision achetée par ses parents à l’époque. « Nous regardions ‘L’Homme du 20e siècle’ (un jeu télévisé de l’époque), mais surtout les matchs de football, que Dominique suivait avec son père »détaille le retraité.
Ce père, Denis Pelicot, décédé en 2004, était dépeint comme « violent, jaloux, égoïste et paresseux » par Dominique Pelicot lors de son enquête de personnalité, avec « un tempérament très rigide, qui rendait impossible tout dialogue avec lui ». Ce n’est pas l’image que Joël Pelicot s’en fait. L’aîné concède « des châtiments corporels relativement fréquents » du patriarche, mais assure que c’était « monnaie commune » à ce moment-là. Pour lui, leur père « C’était quelqu’un de juste », décide l’ancien médecin.
Au-delà des violences physiques, Dominique Pelicot accuse son père d’avoir violé une petite fille déficiente mentale, prénommée Nicole, adoptée par la famille lorsqu’elle était enfant. Joël Pelicot tourne autour du pot, retrace le parcours de la petite fille, qui « J’ai vécu avec 21 familles d’accueil en cinq ans, avant d’arriver chez moi », et qui finalement « j’ai appris à écrire, à compter, à lire ». Il finit par admettre, détail parmi d’autres de son récit, que leur père l’a bel et bien violée, « à partir de 1987 »selon ses observations.
Ginette, la demi-sœur de la fratrie, issue d’une précédente union de la mère, a rapporté devant le tribunal qu’elle avait elle-même subi des avances de la part de son beau-père, « ce qui a précipité son départ de chez lui » a l’âge de 17 ans, rappelle l’avocat général, interrogeant Joël Pelicot à ce sujet. « Ginette a toujours eu une rancune contre Denis : elle n’a jamais accepté qu’il remplace son père », analyse-t-il en écartant poliment ses déclarations.
De même, il ne croit pas que Dominique Pelicot ait été violée par une infirmière à l’âge de 8 ans, comme le prétend l’accusé. Il a ensuite été hospitalisé après avoir reçu une pierre au visage, lancée par Joël. Celui-ci dit : « (Dominique) rentré chez lui le lendemain à midi. Denis (le père) lui a dit : ‘nous avons commandé une table et des chaises de cuisine en Formica et comme tu dois payer les soins médicaux pour ta bêtise, tu n’auras qu’un tabouret’. »
La petite Dominique se met alors à pleurer, « et a dit qu’il avait été touché. » « Nos parents ont contacté la communauté hospitalière qui leur a dit : ‘c’est surprenant : c’était une infirmière ce soir-là’. » Joël Pelicot enfonce le clou, affirmant que son frère ne lui a plus jamais reparlé de ce viol par la suite, preuve, selon lui, que cela n’a pas eu lieu. « Ce n’est pas vrai! »dit Dominique Pelicot depuis sa loge.
« Pourquoi n’accordez-vous aucun crédit à ce que votre frère peut raconter aux événements traumatisants qu’il a subis dans son enfance et son adolescence ?» demande l’avocat général de Joël Pelicot. « Parce que Dominique nourrit sa famille de mensonges depuis plus de trente ans. Il ment quand cela est nécessaire et selon les circonstances. c’est le témoin qui décide. Ces déclarations confortent les arguments de la défense, qui affirme inlassablement que la plupart des accusés ont été manipulés par Dominique Pelicot.
Depuis la révélation des faits en octobre 2020, Joël Pelicot dit se poser la question « beaucoup de questions » pour découvrir ce qui a pu causer « la balançoire » criminel de son frère. Pour lui, les réponses ne se trouvent pas dans leur enfance, mais plutôt dans « la pénétration de la pornographie dans son quotidien ».
« Comment le garçon que j’ai connu, aimé et un instant adoré lorsqu’il jouait au football a-t-il pu devenir cette chose, cet auteur de monstruosités ? »
Joël Pélicotdevant le tribunal correctionnel du Vaucluse
Après presque deux heures d’audience, Dominique Pelicot prend la parole dans sa loge, et laisse s’échapper sa colère. « Je voudrais m’adresser à l’homme que j’ai connu autrefois, avec qui nous avons eu une enfance heureuse, mais aussi une enfance très malheureuse, dont il cache bien les effets »déclare-t-il d’une voix forte. Son frère ne le regarde pas un seul instant et se tourne ostensiblement vers la cour.
L’accusé se concentre notamment sur l’épisode de son hospitalisation lorsqu’il était enfant. « Je suis rentré à la maison, je ne l’ai dit à personne, les parents n’ont jamais su ce qui s’était passé ! Je ne pouvais le dire à personne… », dit-il en pleurant. Avant de se ressaisir. « J’accuse mon frère d’avoir couvert mon père pendant des années au sujet de l’inceste envers Nicole »déclare-t-il solennellement. Et de conclure : «Le premier à avoir ruiné la famille fut notre père. J’en prends la responsabilité et je paierai. Mais notre père n’a jamais payé.