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au procès pour viol de Mazan, Dominique Pelicot raconte la façon dont il a drogué sa femme

Le président du tribunal correctionnel du Vaucluse a longuement interrogé vendredi matin le principal accusé du procès. Le septuagénaire a fourni une description clinique de son mode d’action.

C’est un rituel sordide, voire machiavélique, qu’il a maintenu pendant près d’une décennie. Le soir, alors qu’il préparait le repas de son ex-femme, Dominique Pelicot a discrètement glissé le médicament qu’elle allait ingérer, à son insu, avant d’être violée par des hommes rencontrés sur internet. Quelques comprimés de Temesta, un anxiolytique puissant synonyme de soumission chimique derrière les portes closes de cette maison de Mazan (Vaucluse).

Entre 2011 et 2020, Dominique Pelicot a fait comparaître au moins 50 hommes (sans doute beaucoup plus en réalité, les enquêteurs ayant dénombré plus de 80 auteurs potentiels), jugés à ses côtés pour des faits de viols sur la victime endormie. Vendredi 18 octobre, le principal accusé du procès a détaillé, pendant plusieurs heures, son mode d’action.

Le président du tribunal correctionnel, Roger Arata, interroge Dominique Pelicot sur l’usage de comprimés sur sa compagne de l’époque : « Considérez-vous que la démarche était récurrente, systématique, raffinée ? Auriez-vous pu connaître des échecs ? Un conseil ? » « En 2010, j’ai découvert ce qui était pour moi autre chose qu’une infirmière : au moins un médecin », répond le septuagénaire. Au cours de l’enquête, il a en effet expliqué avoir communiqué sur internet avec une infirmière, qui lui a indiqué la quantité de comprimés de Temesta nécessaire pour droguer sa victime et s’assurer qu’elle ne se réveille pas pendant les actes infligés.

« Il m’a fallu du temps pour me décider » assure-t-il. Il dit alors qu’il « utilisé le traitement progressivement ». « Sur certaines scènes de 2014, 2015, 2016, jusqu’en 2018, je crois, il y a des moments où ma femme réagit », il expose, en référence aux plus de 20 000 photos et vidéos des sévices infligés à Gisèle Pelicot retrouvées par la police sur son disque dur. Le sous-entendu est aussi lourd que clair : la quantité d’anxiolytiques n’était pas suffisante, Dominique Pelicot a dû augmenter les doses pour atteindre ses objectifs.

« Je suis désolé d’insister, mais vous êtes deux dans cette maison : ce n’est pas un château de cinquante pièces. Concrètement, comment avez-vous procédé ? » insiste le président. « Il s’agissait de doses préparées à l’avance, en fonction du rendez-vous », répond l’homme de 71 ans. Le Temesta était stocké sous forme de « poudre », « dans une petite pipette ».

L’accusé affirme avoir administré le médicament en préparant les repas. « Je cuisinais. Elle avait parfois des doutes. Mais dans la majorité des cas, cela a été relativement facile. »détaille-t-il sans sourciller, dans une description purement clinique des faits.

Dominique Pelicot décrit par la suite le déroulement des soirées avec son ex-femme. « La plupart du temps, elle était dans la chambre, elle avait déjà dîné, elle avait bu le produit. Si c’était plus tard, c’est dans une glace que je lui ai préparé : je le lui ai apporté devant la télé »continue-t-il.

Roger Arata l’interroge sur les autres étapes de son mode d’action. « Madame Pélicot a expliqué qu’elle dormait toujours en pyjama »note-t-il. Or, « nous avons pu voir (sur les vidéos diffusées lors de l’audience) qu’elle était vêtue de certains sous-vêtements, bas, tantôt noirs, tantôt blancs »ajoute le magistrat.

« Je l’ai déshabillée, selon les souhaits de chacun. »

Dominique Pélicot

devant le tribunal correctionnel du Vaucluse

« Comment as-tu enlevé son pyjama sans qu’elle se réveille ?», interpelle encore le président. « Quand elle dormait profondément, c’était très facile, c’est honteux. Même pour les bas. Il m’est arrivé d’enfiler ceux qu’on m’avait apportés »assume Dominique Pélicot. « On m’a demandé si je les lavais : programme éco, Soupline, lessive 30 minutes. »

Le président lui demande si, lors de la préparation des actes, il a commencé « je vis déjà ce moment comme quelque chose d’excitant ». « C’est un mélange des deux : plaisir et malaise. » il répond. « Inconfort? »demande le magistrat. « Oui, parce que c’est quelqu’un qui… », le septuagénaire s’arrête une seconde, avant de poursuivre, la voix tremblante : « Ce que j’aime énormément, même si cela vous paraît paradoxal ». Face à lui, de l’autre côté de la pièce, les larmes coulent sur les joues de Gisèle Pelicot.

Dans les vidéos de viol diffusées à l’audience, la victime est « une chose, une chose qui est maltraitée », souligne Stéphane Babonneau, l’un des avocats de la partie civile. « Reconnaissez-vous qu’il y a de la violence dans ces viols ? « Oui bien sûr »répond Dominique Pélicot. « Mais pas de haine ? » « Pas avec elle », assure le septuagénaire, visiblement ému.

Des images insupportables, illustrant l’état altéré de conscience de Gisèle Pélicot sous les effets de Temesta, ont ensuite été diffusées à l’audience à la demande d’Isabelle Crépin-Dehaene. Cet avocat des deux prévenus a estimé que la vidéo d’un viol commis par Dominique Pelicot sur son épouse était « particulièrement éclairant »ce dernier contestant « que Madame Pélicot s’est réveillée ».

Les images sont projetées. Durant les premières secondes, les murmures de Gisèle Pelicot sont perceptibles : « Aïe, laisse-moi partir ! », « Tu me fais mal maintenant ! ». Dominique Pelicot saisit la caméra, la tourne vers elle, les images apparaissent quelques instants, insupportables. La victime se réveille, les yeux mi-clos, au milieu de ce viol infligé par son mari. Elle semble hébétée, elle qui prétendait ne pas se souvenir de ce moment.

« Ce n’est certainement pas pour humilier Madame Pélicot que j’ai demandé cette diffusion », justifie Isabelle Crépin-Dehaene. « Oh oui ?! »s’agace Stéphane Babonneau. « Pour moi, cette vidéo crie la vérité. M. Pelicot la considère comme quelque chose, de manière perverse, on est dans la brutalité », observe l’avocat.

Elle ajoute : « Certains hommes (de l’accusé) sont en douceur, en caresses ». La partie civile, indignée, l’interrompt. « Il y a du viol et du viol », ironise Stéphane Babonneau, reprenant la phrase polémique d’un avocat de la défense. «C’est insupportable!»dit Isabelle Crépin-Dehaene, exaspérée. L’audience se poursuit avec l’interrogatoire d’un autre accusé, entendu cette semaine. Sur sa chaise, Gisèle Pelicot regarde fixement dans le vide.

Cammile Bussière

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