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Au procès des viols de Mazan, le cas particulier de Jean-Pierre M., qui a drogué et violé sa femme, avec Dominique Pelicot

Père de cinq enfants, aujourd’hui âgé de 63 ans, il avait pour habitude d’endormir sa femme à l’aide d’anxiolytiques fournis par son complice. « Rien ne me laissait penser qu’il s’était passé quelque chose », a expliqué la victime mercredi au tribunal.

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L'épouse de Jean-Pierre M. témoignant devant la cour d'assises du Vaucluse, à Avignon, le 11 septembre 2024. (BENOIT PEYRUCQ / AFP)

« Ce que j’attends, c’est de savoir pourquoi il a fait ça, c’est inconcevable. C’était une personne merveilleuse. Il nous a détruits. » En pleurs, l’épouse de Jean-Pierre M. est venue raconter, mercredi 11 septembre, les actes inimaginables de ce mari dont elle porte encore le nom. Comme un écho au récit glaçant de Gisèle Pelicot six jours plus tôt, devant le même tribunal correctionnel départemental du Vaucluse, à Avignon. Cette fois, la victime n’est pas le retraité de Mazan, mais une petite femme aux cheveux courts, le regard embué derrière ses lunettes.

Elle paraît minuscule dans la salle d’audience bondée. Jean-Pierre M. est le seul des 50 coaccusés âgés de 26 à 74 ans à ne pas être poursuivi pour le viol de Gisèle Pelicot. Il doit en revanche répondre des viols de sa propre femme, certains en compagnie de Dominique Pelicot, sur une période de cinq ans.

Visiblement tiraillée entre l’horreur des événements et l’attachement, la témoin de 53 ans assure n’avoir « je n’ai jamais eu à dire quoi que ce soit » contre celui qu’elle décrit comme un « adorable père ». Elle a refusé de porter plainte, malgré l’insistance de la police. Elle n’a pas non plus rejoint la procédure civile. « protéger » leurs cinq enfants. « Ils ont assez souffert et ils aiment leur père, car avant tout cela, c’était quelqu’un de gentil, de merveilleux », elle insiste.

« JEJ’ai toujours de l’affection pour lui »« Elle ajoute en larmes, après s’être tournée vers le box pour faire face à l’homme qu’elle a épousé en 1997. Quelques mètres les séparent. Il se lève, la regarde. Le temps se fige quelques instants dans la salle d’audience. C’est la première fois que Jean-Pierre M. voit sa femme depuis son arrestation le 8 mars 2021. Toute la famille était présente lorsque la police est venue l’arrêter, à la surprise générale. Face aux policiers, Jean-Pierre M. a dit avoir mérité « la réclusion criminelle à perpétuité, comme Dominique Pelicot. »

Comme Gisèle Pelicot, son épouse a été abasourdie par les photos d’elle nue et visiblement endormie que lui ont montrées les enquêteurs. Pourtant, elle ne s’est jamais endormie dévêtue. Ces photos ont été découvertes plusieurs mois plus tôt, sur le disque dur de Dominique Pelicot, saisi lors d’une perquisition à son domicile. Selon les enquêteurs, deux hommes se sont rencontrés sur le site Coco, sous les pseudonymes de « dompteur » ou « pervers » pour le retraité de Mazan, et de « Rasmus » ou « Pierre » pour Jean-Pierre M. À plusieurs reprises, Dominique Pelicot a invité le père à venir violer sa femme, ce que son interlocuteur a refusé. L’histoire aurait pu s’arrêter là. Mais le schéma s’est inversé.

Dominique Pelicot explique à Jean-Pierre M. sa méthode pour endormir sa femme, avant de lui suggérer de faire de même. Il lui donne des comprimés anxiolytiques puissants, les mêmes que ceux utilisés pour droguer Gisèle Pelicot. Jean-Pierre M. commence par lui administrer « un timbre et demi »Selon le récit qu’il a fait au psychiatre Laurent Layet, qui a procédé à son expertise, il craignait, a-t-il assuré, de mettre en danger la mère de ses enfants en recourant à une dose trop élevée. Mais sa femme n’a pas dormi assez profondémentJean-Pierre M. a augmenté les doses.

Au total, la PJ d’Avignon a recensé — photos et vidéos à l’appui — 12 scènes sexuelles impliquant l’épouse de Jean-Pierre M., dont « au moins trois d’entre eux avec Dominique Pelicot »a déclaré le commandant Stéphan Gal, l’un des directeurs d’enquête, lors de son témoignage devant le tribunal. Les sévices ont débuté en 2015 et ont pris fin une nuit de juin 2020, lorsque la victime s’est réveillée en sursaut.Je vois un homme debout contre la fenêtre, avec une lampe clignotante, mon mari à côté de moi. Je demande qui c’est, je n’ai pas le temps de me lever : l’homme est déjà parti »se souvient à la barre l’épouse de Jean-Pierre M. Elle demande des explications. « C’était pour voir mes sous-vêtements », il bégaie. « Ce que je ne crois pas, bien sûr. Ensuite, il se perd dans ses mensonges, me dit qu’il a amené cet homme pour trouver un prétexte pour divorcer. Je ne croyais pas tout ça, évidemment. Mais soupçonner qu’il s’agissait d’un viol… Non, c’était impensable. »assure-t-elle, précisant qu’elle s’est réveillée habillée. « Rien ne me laissait penser qu’il s’était passé quelque chose. »

Tous les parents de Jean-Pierre M. entendu par le tribunal le décrit comme extrêmement modeste. Sa femme souligne qu’il prenait même sa douche avec la porte verrouillée, pour ne pas être vu. «Quand j’étais petite, il ne me faisait pas faire pipi» explique son fils aîné, également cité comme témoin. « Il ne nous a jamais fait prendre une douche »ajoute sa fille.

L’homme de 63 ans, aujourd’hui à la retraite, a également gardé secret une grande partie de son enfance. Il a simplement dit qu’il avait été élevé « parmi les cochons » avec qui il « j’ai couru dans les bois ». Deuxième d’une famille de dix enfants, ayant grandi dans une ferme au sein d’une famille très pauvre, Jean-Pierre M. a en réalité été élevé par une mère alcoolique. Les enfants étaient battus,« attaché nu aux arbres toute la nuit », rapporte son avocat, Patrick Gontard. « Ils se sont réfugiés dans les clapiers à lapins » pour échapper au père.

Devant le juge d’instruction, Jean-Pierre M. a confié avoir été victime d’inceste, ce qui semble avoir été le cas pour tous les enfants de la famille. Auparavant, l’accusé n’avait pas pu en parler au psychiatre qui l’avait examiné pendant plusieurs mois. L’un de ses frères a révélé le secret. Assez, maintenant il faut dire à quoi ressemblait notre vie », Il a dit à l’enquêteur de personnalité. Sa femme n’en savait rien. « Ce sont des scènes atroces qu’il a vues. Comment voulez-vous qu’elles ne réapparaissent pas par la suite ? »elle a dit au public.

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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