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Huit personnes sont jugées depuis lundi devant la cour d’assises spéciale de Paris pour leur implication présumée dans l’attentat qui a coûté la vie au professeur d’histoire-géographie le 16 octobre 2020.
« Un corps décapité, avec une tête disjointe à côté. » La voix du président de la cour d’assises spéciale de Paris, Franck Zientara, résonne dans une salle d’audience silencieuse, lundi 4 novembre. Au premier jour du procès pour l’assassinat de Samuel Paty, ses propos soulignent les violences dont a été victime le professeur. « A 300 mètres du collège du Bois d’Aulne à Conflans-Sainte-Honorine, sur le trajet qu’il a emprunté pour rejoindre son domicile »Le 16 octobre 2020 dans les Yvelines, « vers 16h54 Il rappelle que l’agresseur, Abdoullakh Anzorov, un jeune réfugié de 18 ans originaire de la république russe de Tchétchénie, islamiste radical, est « neutralisé à 17h04 »après avoir « a pointé une arme de poing » et je me suis dirigé vers la police, « malgré la convocation ». Tué sur le coup, l’agresseur est ostensiblement absent de cette audience, comme dans de nombreux procès pour terrorisme.
Le magistrat continue de raconter les faits pendant deux heures et demie, sans faute, préambule nécessaire à l’audience. Il détaille également les enquêtes qui ont conduit à l’arrestation des suspects qui seront jugés. Huit adultes sont accusés d’être impliqués, à des degrés divers, dans la mort du professeur d’histoire-géographie.
Deux d’entre eux, Azim Epsirkhanov et Naïm Boudaoud, amis de l’assassin, sont licenciés pour complicité d’assassinat terroriste et risquent la réclusion à perpétuité. Les deux jeunes hommes, originaires d’Evreux, en détention provisoire, ont pris place dans le box des accusés en verre transparent lundi matin, juste avant l’ouverture du procès.
A l’appel du président de la cour d’assises spéciale, Azim Epsirkhanov se lève. L’apparence de ce jeune homme de 23 ans est soignée : il porte un costume bleu foncé et une cravate sur une chemise blanche, une barbe bien taillée. Quant à Naïm Boudaoud, 22 ans, mince, en pull gris moulant, il déclare qu’il était inscrit en BTS et vivait avec sa mère avant d’être incarcéré.
D’autres visages de mineurs figurent parmi les six autres prévenus jugés pour association de malfaiteurs terroriste, mais qui paraissent libres. Certains, comme Louqmane Ingar, sont encore étudiants. Une seule femme apparaît : Priscilla Mangel, 36 ans, « sans métier »qui a échangé de nombreux messages avec Abdoullakh Anzorov, notamment dans les jours précédant l’attaque.
Chacun à une extrémité du banc des accusés, Abdelhakim Sefrioui et Brahim Chnina, deux hommes âgés aux cheveux blancs courts sur la tête, sont accusés d’avoir participé « la production et la diffusion de vidéos présentant des informations fausses ou déformées destinées à susciter un sentiment de haine » à l’égard de Samuel Paty.
Car l’enquête menée par les juges d’instruction montre que ce sont ces derniers « vidéos » qui a attisé la haine et conduit à l’assassinat du professeur d’histoire-géographie, comme le raconte le tribunal dans son rappel des faits. Ainsi, dès le 7 octobre 2020, Brahim Chnina désigne, dans ses publications sur les réseaux sociaux, Samuel Paty comme « un professeur voyou », en réaction aux confidences de sa fille. L’écolière affirme que son professeur a montré des caricatures de Mahomet nu lors d’un cours d’éducation morale et civique intitulé « Situation dilemme : être ou ne pas être Charlie ». En réalité, l’adolescent était absent ce jour-là. Jugé à huis clos avec cinq autres anciens collégiens par le tribunal pour enfants de Paris, elle a été condamnée il y a un an à 18 mois de prison pour dénonciation calomnieuse. Elle sera entendue comme témoin lors du procès fin novembre.
Deux jours après la diffusion des vidéos de Brahim Chnina, Abdoullakh Anzorov l’a contacté, ainsi que Priscilla Mangel. Les discussions se poursuivent jusqu’au jour de l’incident. Parallèlement, l’agresseur poursuit sa quête meurtrière et, la veille de l’assassinat de Samuel Paty, se rend avec Azim Epsirkhanov et Naïm Boudaoud à Rouen pour acheter un couteau trouvé sur les lieux du crime. « C’est dans ces conditions que l’accusé » sont renvoyés devant la cour d’assises spéciale de Paris, souligne son président en fin de lecture.
« Les responsables sont là »affirme, de son côté, face aux journalistes, l’avocat de la famille Paty. Virginie Le Roy estime que ce procès devrait permettre de comprendre « l’équipement » ce qui a conduit à l’assassinat de l’enseignant. Ses clients, notamment la mère de Samuel Paty, seront entendus vendredi après-midi. Certains de ses anciens collègues ont également fait le déplacement. « J’ai besoin de réponses, c’est un peu thérapeutique »» déclare un professeur d’EPS à l’issue de cette première journée. « Est-ce que (l’accusé) assumer la responsabilité de la montée de la haine en leur sein ? Et puis l’attaque, comment a-t-il été préparé au niveau opérationnel ? Des accusés ont-ils donné des conseils ? » se demande-t-il.
Vincent Brengarth, avocat d’Abdelhakim Sefrioui, militant islamiste qui se retrouve sur le banc des accusés, affirme pour sa part que son client « n’a absolument rien à voir avec la commission de cet attentat, ni directement ni indirectement ». Pour faire la lumière sur la séquence des événements ayant conduit à l’assassinat de Samuel Paty, le tribunal a jusqu’au 20 décembre.