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au plus haut des sondages, l’extrême droite peut-elle devenir un poids lourd dans les institutions européennes ?

au plus haut des sondages, l’extrême droite peut-elle devenir un poids lourd dans les institutions européennes ?

Plus de députés, mais pour quoi faire ? Les partis d’extrême droite pourraient connaître une forte poussée lors des élections européennes du 6 au 9 juin, si l’on en croit les dernières enquêtes d’opinion. Le Rassemblement national (RN) pourrait ainsi passer de 18 à 30 sièges, le Fratelli d’Italia du Premier ministre italien Georgia Meloni de 10 à 22. Quant au PVV néerlandais de Geert Wilders, il pourrait remporter huit sièges, contre aucun aujourd’hui, selon les projections deL’Europe élitdaté du 31 mai. De quoi déplacer le centre de gravité du Parlement un peu plus vers la droite.

Concrètement, que changerait un afflux de députés nationalistes et eurosceptiques à Bruxelles et à Strasbourg ? Jusqu’à présent, « L’influence de l’extrême droite était relativement faible, la plupart des textes ont été adoptés par la majorité composée de la droite, du centre et du centre-gauche », souligne à franceinfo Gilles Ivaldi, chargé de recherche au CNRS et au Cevipof (Sciences Po). La capacité d’action des élus RN au sein de l’institution est ainsi limitée par un « cordon sanitaire », les autres partis empêchent les membres du groupe Identité et Démocratie (ID) d’accéder à des responsabilités, comme celles de président de commission. Un état de fait régulièrement dénoncé par les principaux intéressés, comme le rappelle Mediapart.

La faiblesse du rôle de l’extrême droite tient aussi à sa division. Les députés européens de ce camp sont répartis en deux petits groupes politiques. D’un côté, ID, au sein duquel siègent le Rassemblement national et jusqu’à récemment l’AfD allemande, défend une ligne très eurosceptique et pro-Moscou. En revanche, les Conservateurs et Réformistes (CRE), dont Fratelli d’Italia et le PiS polonais, sont plus favorables à l’UE et fervents défenseurs de l’Ukraine.

Une tentative de rapprochement au début de son mandat, en 2019, a également échoué, rapporte Euronews. En cause notamment les positions prorusses du RN, répulsif pour les élus d’Europe de l’Est, ainsi que le refus des députés britanniques pro-Brexit, qui siégeaient encore au Parlement, de s’allier avec le parti de la Marine. Le Pen, dont l’image était très négative outre-Manche. Cette division « réduit l’impact que ces partis peuvent avoir sur la politique européenne », souligne Sabine Volk, chercheuse associée à l’université de Passau (Allemagne). D’autant plus que ces partis nationalistes ont des vues « très hétérogènes et ne votent pas forcément de la même manière »y compris au sein d’un même groupe, ajoute Gilles Ivaldi.

A quelques jours des élections, des signes indiquent pourtant que ces partis pourraient s’allier, ce qui renforcerait considérablement leur influence. D’abord, l’exclusion de l’AfD du groupe Identité et Démocratie, après des propos révisionnistes de la tête de liste allemande sur les SS, fin mai. Le parti était devenu encombrant pour l’entreprise de diabolisation du RN. Très anti-UE, l’AfD prône une sortie de l’euro et a suscité plusieurs polémiques ces derniers mois, notamment en évoquant un projet de « rémigration » ce qui a déclenché de grandes manifestations outre-Rhin. Autre signal, la présence de Marine Le Pen à un grand rendez-vous des conservateurs et des réformistes à Madrid, le 19 mai, en présence du parti d’extrême droite espagnol Vox et de la Première ministre italienne Georgia Meloni.

Qu’est-ce qui préfigure la dissolution d’ID et l’entrée du RN dans un grand groupe CRE ? Il faudra d’abord décider du sort du parti Reconquête d’Eric Zemmour, en concurrence avec le RN en France et dont le seul élu siège actuellement à la CRE. Se pose aussi la question de l’intégration des députés Fidesz du Premier ministre hongrois Viktor Orban, sans groupe depuis leur exclusion du Parti populaire européen (PPE) en 2021. Faire coexister des élus pro-Moscou aux côtés des partisans de l’Ukraine ne suffit pas. allez sans dire.

La formation d’un groupe unique d’extrême droite devra de toute façon passer par Georgia Meloni. Depuis son arrivée au pouvoir en 2022, la dirigeante italienne est devenue une figure centrale du jeu européen en modérant son discours, notamment sur l’UE et le soutien à l’Ukraine face à la Russie, rappelle le Temps Financier. Un modèle que certains partis d’extrême droite, comme le RN, sont tentés de les suivre, dans l’espoir de gagner en influence au niveau européen et d’accéder au pouvoir. « En collaborant avec eux, cela pourrait redonner de la crédibilité aux partis les plus radicaux »souligne Gilles Ivaldi.

Même s’il apparaît « difficile »selon le parti Vox cité par Euractiv, une coalition de forces populistes de droite « irait dans le sens de l’histoire »observe le chercheur. En tout cas, ce serait l’aboutissement logique de «La stratégie de normalisation de Marine Le Pen, notamment face aux critiques envers l’UE» précise-t-il. Sabine Volk, moins convaincue, estime que « Même s’il n’y a pas de groupe unique, nous assisterons à une nouvelle étape dans la diffusion des idées extrêmes à droite ». Une dynamique déjà « apparent en matière d’immigration, même chez certains partis de gauche »souligne le chercheur.

Au-delà de l’hémicycle, la montée de l’extrême droite influence l’ensemble de la classe politique européenne, notamment la droite. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, n’a pas exclu la possibilité de travailler avec le groupe CRE, lors du débat des têtes de listes européennes le 30 avril, rappelle Euractiv. « C’est le Parlement qui fait les majorités.», s’est-elle justifiée, suscitant l’indignation des écologistes et de la gauche. La Commission n’a pas besoin pour l’instant des votes de l’extrême droite pour faire adopter ses textes, mais la situation pourrait changer lors du prochain mandat.

Alors que sa réélection à la tête de l’exécutif européen n’est pas encore garantie, la femme politique de droite allemande doit chercher du soutien ailleurs et pourrait avoir besoin que Georgia Meloni soit reconduite dans ses fonctions après les élections de juin. Signe que le sujet n’est plus tabou au niveau européen, à l’image des coalitions droite-extrême droite qui gouvernent en Suède, en Finlande et bientôt aux Pays-Bas. « On voit bien que la droite classique n’hésite plus à coopérer avec l’extrême droite, dans sa version la plus respectable »souligne Gilles Ivaldi.

« Il y a deux mouvements à la fois : une extrême droite qui se normalise et une droite qui légitime ses idées. »

Gilles Ivaldi, chercheur au Cevipof

sur franceinfo

La campagne européenne suggère un changement dans les priorités politiques de l’UE. « L’influence de l’extrême droite se fait sentir, notamment sur le Green Deal », ajoute le chercheur. Rejoignant l’extrême droite, la droite dénonce désormais ce paquet de mesures qui vise la neutralité carbone de l’UE en 2050, alors même qu’Ursula von der Leyen en avait fait la pierre angulaire de son action lors de son premier mandat.

En conséquence, l’ambition climatique européenne pourrait être revue à la baisse, s’inquiète un article de Conseil européen des relations internationales publié fin mai. Plus généralement, « nous nous dirigeons vers des politiques plus conservatrices »estime Gilles Ivaldi. « Même si c’est compliqué de faire un pronostic, je pense qu’on va assister à un focus sur l’immigration et un nouveau tour de vis sur ce sujet », ajoute Sabine Volk. Plus largement, un Parlement plus conservateur entraînerait une lutte pour moins de règles et de normes, notamment en matière environnementale, résume Politique.

Mais tout ne se joue pas dans l’hémicycle du Parlement. Les priorités politiques de l’Europe seront également guidées par les élections nationales des États membres dans les années à venir. « Le Conseil européen (qui rassemble les 27 dirigeants des États membres) pourrait comptez trois ou quatre chefs de gouvernement d’extrême droite, notamment les Pays-Bas, mais aussi la France si Marine Le Pen remporte l’élection présidentielle de 2027″, note Gilles Ivaldi. Un résultat qui modifierait profondément l’équilibre de l’institution européenne.

Plusieurs chefs d’État eurosceptiques pourraient-ils s’allier au Hongrois Viktor Orban et entraver l’action européenne ? « L’UE peut absorber ce choc, tout dépendra de sa force », répond le chercheur. Selon lui, « L’expérience montre que la plupart du temps, la realpolitik s’impose aux dirigeants eurosceptiques ». Aux Pays-Bas, l’accord de gouvernement signé par Geert Wilders avec la droite promet par exemple un soutien indéfectible à l’Ukraine, alors que le populiste avait fait campagne contre elle. Sabine Volk le confirme : « L’histoire nous apprend que l’UE sort généralement plus intégrée des crises, mais cette fois, la menace vient de l’intérieur. Je crois que l’intégration se poursuivra, mais la question est : à quelle vitesse et sous quelle forme ? »

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