Au Musée Guimet, les Ming dans toute leur splendeur
En chinois, le mot ming signifie « brillant, éblouissant ». Aucun doute à ce sujet lorsqu’on visite l’exposition « L’or des Ming », nouveau jalon de l’Année de la Chine organisée par le Musée Guimet, à l’occasion du 60e anniversaire des relations diplomatiques franco-chinoises. « Après le raffinement des céramiques présentées cet été en Au coeur de la couleurplace au bling-bling !résume avec humour le président Yannick Lintz. Voici donc, venus de Chine, les trésors du musée des Beaux-Arts de Qujiang, dont les bronzes et quelques objets d’orfèvrerie ont été découverts il y a treize ans au musée du président Jacques-Chirac à Sarran en Corrèze.
Cette collection, baptisée Dong Bo Zhai, a été constituée en quelques décennies par un homme d’affaires d’origine vietnamienne devenu magnat de la banque à Hong Kong et propriétaire de plusieurs prestigieux vignobles bordelais. Grand mécène des musées parisiens consacrés à l’Asie, Peter Vien Kwok a fondé en 2012 un musée dans le nord-est de la Chine, à Xi’an, l’une des plus anciennes villes du pays. Un lieu hautement symbolique car considéré comme le « véritable début de la Route de la Soie et carrefour des civilisations asiatiques »selon l’explication du directeur de l’établissement Zhou Tianyou.
Un matériau rare
Comment ces pièces inestimables, conçues dans les ateliers impériaux, ont-elles fini sur le marché de l’art ? « Après la chute des Ming, la dynastie Qing (1644-1912) conserva les pièces les plus remarquables et offrit les autres en cadeaux diplomatiques, d’où leur présence aujourd’hui dans les collections du musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg ou du British Museum à Londres.»D’autres œuvres auraient disparu pendant la seconde guerre sino-japonaise (1937-1945) et se seraient retrouvées entre les mains d’antiquaires de Hong Kong, a précisé Zhou Tianyou.
Ces vestiges sont d’autant plus précieux qu’au fil des siècles, les objets en or ont souvent été fondus pour réaliser de nouvelles créations. Pendant longtemps, cette matière fut rare dans l’Empire du Milieu : si quelques mines furent exploitées dès le VIIIe siècle dans le sud-est du pays, l’or provenait essentiellement du commerce avec les populations des steppes du nord. L’ouverture des routes maritimes entre l’Europe et l’Asie par Vasco de Gama, Magellan et le grand navigateur chinois Zheng He allait changer la donne et fournir une nouvelle source d’approvisionnement : les Amériques.
Dentelle dorée
Les dynasties qui ont précédé les Ming avaient déjà un goût pour ce métal dont les reflets sont associés à la lumière du soleil. Les empereurs mongols utilisaient notamment de la vaisselle en or et en argent, comme le décrit Marco Polo. Mais jamais les orfèvres chinois n’atteignirent un tel degré de maîtrise qu’au XVIe siècle.
Sur la longue table qui ouvre l’exposition, on peut admirer la manière dont ils ont su tirer parti de la malléabilité de la matière : travaillé en filigrane, l’or se transforme en une délicate dentelle façonnée en adorables petits paniers remplis de fleurs, en vases décorés de dragons furieux, en boîtes surmontées de daim, serties de jade, de rubis ou de saphirs.
Dans la rotonde, une élégante vitrine en bois bleu installée par les scénographes de l’agence Nathalie Crinière laisse entrevoir, à travers ses ouvertures en forme de motif traditionnel stylisé, des bijoux et parures d’une incroyable finesse. Ici, des épingles à cheveux imitant une branche noueuse d’abricotier en fleurs, des crabes, symboles de réussite, des lanternes ou des papillons, qu’un astucieux système d’accroche rend mobiles, comme s’ils allaient s’envoler. Là, une bague gravée d’un phénix aux ailes déployées, divinité bouddhiste à accrocher dans sa coiffe ou un pendentif de parfum orné de chrysanthèmes.
Symboles et énigmes
Le choix des motifs et des couleurs des gemmes n’était pas aléatoire, la parure révélant le rang social, la richesse, et répondant à une symbolique très codifiée. Si dragons et phénix étaient réservés à l’entourage impérial, les artisans rivalisaient d’invention pour imaginer de fabuleux décors.
Les lois somptuaires, édictées au début de la dynastie au nom d’un retour à la rigueur confucéenne, furent vite oubliées pour satisfaire la riche clientèle de marchands et de financiers. Les orfèvres aimaient aussi faire des puzzles et jouer sur l’homonymie : ils associaient sur une même pièce une chauve-souris, dont le nom chinois se prononce comme le mot « bonheur », au personnage shou signifiant « longévité ». De quoi garantir de bons présages à son propriétaire.
« L’or des Ming. Splendeurs et beautés de la Chine impériale », jusqu’au 13 janvier 2025 au Musée national des arts asiatiques – Guimet, 6 place d’Iéna, Paris. Infos : guimet.fr
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Les dates clés de l’Empire Ming
1406-1421. Transfert de la capitale de Nankin à Pékin et construction de la Cité interdite.
1405-1433. Expéditions de l’eunuque Zheng He, chargé d’ouvrir une route maritime vers l’Occident. Sa flotte d’une centaine de jonques ira jusqu’au Moyen-Orient et à l’Afrique de l’Est.
XVe-XVIe siècles. Stabilité politique, prospérité économique et émergence d’une élite cultivée en quête de luxe.
1644. Catastrophes climatiques, famines et fin de l’empire Ming.
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