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Au Mali, l’armée et le groupe Wagner manœuvrent dans la région de Kidal

Les deux convois de l’armée ne sont pas passés inaperçus dans le désert. Surveillés par les rebelles indépendantistes du Cadre stratégique permanent (CSP), ils ont quitté Gao, dans le nord-est du Mali, à quelques jours d’intervalle. Cap vers le nord, en direction de Kidal, bastion historique des rébellions touarègues.

Après un voyage laborieux ralenti par de fortes pluies qui ont endommagé les pistes, à l’affût de la moindre embuscade, les premiers sont arrivés au camp de Kidal, jeudi 12 septembre. En tout, une cinquantaine de véhicules : des camions, des pick-up et près d’une vingtaine de véhicules blindés. Les seconds, un peu moins conséquents, ont franchi les portes du camp le 19 septembre. Là aussi, plus d’une vingtaine de véhicules militaires.

Ce dernier, visible sur des images satellites vérifiées par Le mondeont également été remarqués par le compte spécialisé @casusbellii sur le réseau social X.

Une trentaine de nouveaux véhicules sont visibles sur la base de Kidal au Mali le 19 septembre 2024.

A bord de ces convois se trouvaient des militaires maliens et des mercenaires russes du groupe Wagner. Leur nombre, difficile à estimer, se chiffrerait à plusieurs centaines. Ont-ils été envoyés à Kidal dans le cadre de la célébration de la fête de l’indépendance, le 22 septembre, ou en vue d’opérations futures ? Plusieurs sources, tant au sein de l’armée que parmi les rebelles du CSP, estiment que leur objectif pourrait être de prendre Tin Zaouatine, à la frontière algérienne, et de se racheter de l’affront qu’ils y ont subi fin juillet.

A l’époque, les Forces armées maliennes (FAMa) et leurs supplétifs russes étaient tombés dans des embuscades de rebelles du CSP puis de jihadistes du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM, affilié à Al-Qaïda). Le bilan avait été sanglant : au moins 47 soldats maliens et 84 mercenaires Wagner, selon un communiqué du CSP.

Plusieurs véhicules ont quitté la base militaire de Gao entre le 24 août et le 9 septembre 2024.

Après la prestigieuse reprise de Kidal aux rebelles touaregs en novembre 2023, cette défaite à Tin Zaouatine a été comme une gifle pour la junte du colonel Assimi Goïta, qui a fait de la reconquête du territoire national l’une de ses priorités depuis sa prise de pouvoir par un coup d’Etat en 2020. Mais aussi pour le Groupe Wagner, qui, en plusieurs années de déploiement en Afrique, n’avait jamais subi de telles pertes sur le continent.

« C’est une défaite qui fait mal. Depuis, Tin Zaouatine est devenu un enjeu symbolique », a-t-il ajouté. glisse un officier malien. Dans les jours qui ont suivi, le groupe paramilitaire russe avait envoyé des renforts à Bamako. Certains soupçonnaient déjà qu’ils étaient destinés à revenir venger leurs frères d’armes tombés dans l’extrême nord du Mali.

Un camouflet pour Wagner

Pour le colonel Goïta et ses alliés russes, la nécessité de remporter une victoire éclatante est d’autant plus urgente qu’une autre humiliation doit être expiée : le double attentat de Bamako, le 17 septembre, qui a fait au moins 70 morts et 200 blessés dans les rangs des forces de défense et de sécurité – l’un des pires bilans de ces dernières années. Ce jour-là, deux commandos du GSIM avaient attaqué une école de gendarmerie du centre de la capitale et l’aéroport, où d’importants dégâts (quatre avions militaires détruits et l’avion présidentiel incendié) avaient été causés par les jihadistes après en avoir pris le contrôle pendant quelques heures.

L’attaque a également été un camouflet pour Wagner, qui dispose d’un détachement logistique sur la base aérienne 101, à côté de l’aéroport. Ses hommes sur place, comme les soldats maliens, n’ont pas pu repousser l’attaque. Selon une source militaire malienne, une dizaine de mercenaires russes ont été tués à l’aéroport.

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« Les FAMa ont intérêt à tenter une opération pour redorer leur blason », « Nous sommes dans une situation difficile, mais nous sommes prêts », explique Jean-Hervé Jézéquel, directeur Sahel à l’International Crisis Group (ICG). En fin de semaine dernière, un convoi d’une quarantaine de véhicules est arrivé à Aguelhok, à 130 km à vol d’oiseau au nord de Kidal. Face à une éventuelle offensive d’ampleur de l’armée, les rebelles du CSP, en pleine réorganisation depuis qu’ils ont été chassés de Kidal fin 2023, se disent prêts et restent sur leurs gardes. «  Nous les surveillons « , commente sobrement un commandant rebelle.

De l’autre côté de la frontière, ces mouvements de troupes sont mal perçus par les dirigeants algériens, en conflit larvé avec les autorités de transition maliennes depuis plusieurs mois. Alger ne veut pas voir des troupes étrangères se regrouper à quelques kilomètres de sa frontière et craint d’éventuels troubles. Fin juillet et début août, l’aviation malienne, avec l’appui de ses alliés burkinabés, a mené plusieurs frappes de drones dans la région de Tin Zaouatine, obligeant des centaines de civils à chercher refuge d’urgence côté algérien.

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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