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Au Liban, le ministère du Travail estime qu’il y a 250 000 travailleurs domestiques, principalement des femmes originaires d’Éthiopie, du Kenya, des Philippines et du Bangladesh.
LIBAN – Ils font partie des grands oubliés de la guerre. Alors que les frappes israéliennes se poursuivent au Liban et qu’une invasion terrestre aurait commencé dans le sud du pays, le nombre de personnes déplacées a franchi la barre du million. Parmi eux, de nombreux travailleurs domestiques, pour la plupart des femmes étrangères, se retrouvent abandonnés, démunis et sans passeport, tandis que les familles qui les emploient fuient les bombes sans eux.
Les associations libanaises alertent sur leur situation, dans le chaos des flux de population en quête d’abri. Certaines travailleuses domestiques ont été laissées pour compte par leurs employeurs. » Les familles sont parties en voiture, puis ont ouvert la porte et les ont jetées sur le bord de la route. », raconte Hélène*, de l’association REMAN (Regroupement des Migrants d’Afrique Noire).
Elle évoque notamment le cas d’une Camerounaise, accueillie par l’ONG. Son employeur l’a enfermée chez elle lorsqu’elle est partie. » Elle le laissait enfermé chez elle, à Hamra (ndlr : un quartier de Beyrouth) lorsqu’elle partait en voyage, parfois pour plusieurs mois. C’est inhumain », s’indigne cette ancienne employée de maison, également originaire du Cameroun, arrivée au Liban en 2018.
60 migrants expulsés d’une école à Tripoli
Même si leur nombre est difficile à quantifier, selon les acteurs du terrain, plusieurs milliers de travailleurs immigrés seraient concernés, originaires d’Ethiopie, du Soudan, du Burkina Faso, du Bangladesh, de Sierra Leone, des Philippines… » Certains ont été abandonnés sans passeport, sans argent, confirme Manar, de l’ONG Migrant Workers’ Action (MWA). Dans le Sud, ils se retrouvent à la rue. À Tyr, par exemple, beaucoup d’entre eux ont fini par dormir sur la plage ou trouver refuge dans des églises. »
Ce scénario était prévisible, car ce n’est pas la première fois que cela se produit dans le pays. « La même chose s’est produite lors de l’effondrement économique et lors de la fermeture des banques au Liban.» déclare Maya Chams Ibrahimchah, de Beit el Baraka, une ONG caritative locale. Beaucoup de gens ont laissé ces dames sans rien. À l’époque, nous avons dû rapatrier 2 640 femmes qui travaillaient dans les foyers. » Ces dix derniers jours, l’association a collecté une quarantaine de femmes et trois bébés.
Dans certaines écoles, transformées en refuges depuis le début des grèves israéliennes, les travailleurs immigrés ne sont pas les bienvenus. » Hier, 60 migrants, dont de nombreux enfants, originaires de Sierra Leone et du Bangladesh, ont été expulsés d’une école à Tripoli.dénonce Manar, du MWA. Il s’agissait d’un arrêté de la municipalité, stipulant que les abris étaient réservés en priorité aux citoyens libanais. »
«Ils préfèrent faire nettoyer leurs toilettes»
Le groupe a été renvoyé à Beyrouth et dort à nouveau sur le trottoir, ce qui constitue une vulnérabilité supplémentaire. « Nous avons vu qu’à Beyrouth et à Dawrah, beaucoup d’entre eux qui étaient dans la rue ont été agressés, battus »confie Manar. » Ils ne veulent pas de nous dans les maisons. Ils préfèrent faire nettoyer leurs toilettes », conclut Hélène.
Le média indépendant en ligne Megaphone a réalisé un reportage vidéo à ce sujet, que vous pouvez voir ci-dessous.
Au Liban, le ministère du Travail estime le nombre de travailleurs domestiques à 250 000, principalement des femmes étrangères. Ils représentent 4% de la population et sont majoritairement présents dans les ménages relativement aisés, qui ont les moyens de les employer.
Leurs droits sont régis par le « kafala » (« garant »), sorte de parrainage auquel sont soumis les travailleurs étrangers peu qualifiés. Selon ce système, c’est l’employeur qui signe les permis de travail, autorise la sortie du territoire et décide de renouveler le contrat. Il n’y a pas de salaire minimum ni de quota d’heures de travail. « Ils prennent nos passeports à notre arrivée, à l’aéroport. Et puis on se retrouve directement dans les foyers, à la merci de nos employeurs. C’est de l’esclavage. résume Hélène.
Pas de passeport et peu de vols
Pour quitter le pays, ces travailleurs étrangers, sans papiers, peuvent demander un laissez-passer aux autorités libanaises, une démarche qui prend normalement plusieurs mois. Et qui, dans le contexte actuel, risque d’être encore plus longue. De plus, il ne reste quasiment plus de vols et ceux qui sont encore disponibles ont des prix exorbitants. Seule Middle East Airlines continue de fonctionner. « Le rapatriement est un sujet délicat car tout le monde a-t-il envie de rentrer chez lui ? demande Manar, du MWA. Peut-être que certains d’entre eux espèrent encore que la situation se calmera et qu’ils pourront alors reprendre leur travail. »
L’ONG appelle le gouvernement à faciliter l’obtention de papiers pour ceux qui souhaiteraient quitter le Liban et surtout à ouvrir davantage de centres d’accueil pour les personnes déplacées, qu’elles soient étrangères ou libanaises. « Les ambassades et consulats de différentes nationalités devraient se mobiliser et apporter leur soutien à leurs citoyens, mais ce n’est pas toujours le cas, regrette Manar, du MWA. Il est nécessaire que les grandes organisations internationales de l’ONU intensifient leur action. »
Une cagnotte en ligne a été lancée par un groupe d’associations, qui viennent en aide aux personnes les plus vulnérables. » Africains, Syriens, Palestiniens, tous ceux que le Liban ne reconnaît pasListe Hélène. Le Liban nous a tellement traité comme rien que certaines personnes ont peur de demander de l’aide. Cela dure depuis des années et nous ajoutons la guerre à tout ce que nous vivons déjà. »
* le prénom a été modifié à la demande de la personne interrogée
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