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au large de la Norvège, un premier site de stockage souterrain de CO2 va ouvrir ses portes

au large de la Norvège, un premier site de stockage souterrain de CO2 va ouvrir ses portes

jeIl est loin le temps où Total – pas encore complété par « Énergies » – expérimentait le captage et le stockage du dioxyde de carbone (CO2) entre une chaudière spécialement conçue à Lacq, dans les Pyrénées-Atlantiques, et un site d’injection en sous-sol à Jurançon, 27 kilomètres plus loin. De 2010 à 2013, l’opération pilote a consisté à stocker, au lieu-dit La Chapelle-de-Rousse, 51 000 tonnes de ce gaz qui réchauffe le climat. Ce 26 septembre, TotalEnergies joue à une autre échelle. Associée au norvégien Equinor et au britannique Shell depuis 2017, la multinationale française inaugure les installations norvégiennes de sa joint-venture Northern Lights, dédiée au transport et à l’enfouissement du CO2.

A Øygarden, près de Bergen sur la côte sud-ouest du pays, Terje Aasland, le ministre norvégien de l’Énergie, célèbre l’événement. Si plusieurs sites de stockage souterrain ont fonctionné ou fonctionnent dans le monde, Northern Lights revendique la première de sa solution : une offre commerciale pour les industriels européens qui captent le CO2 au lieu de l’émettre dans l’atmosphère. La chaîne complète comprend le transport du CO2 liquéfié par bateau jusqu’au terminal d’Øygarden, son stockage, son transfert vers un pipeline sous-marin et son injection à 110 kilomètres du rivage dans des roches poreuses, à 2 600 mètres sous le niveau de la mer. de la mer du Nord.

1,5 million de tonnes à injecter chaque année

Terje Aasland, ministre norvégien de l'Energie, visite le site de Northern Lights le 26 septembre.


Terje Aasland, ministre norvégien de l’Energie, visite le site de Northern Lights le 26 septembre.

JONATHAN NACKSTRAND / AFP

Le circuit est prêt, il ne reste plus qu’à le faire. Les premiers chargements de CO2 à enfouir sont prévus pour 2025, sans plus de précisions calendaires. Northern Lights a déjà signé un contrat avec une usine d’ammoniac dirigée par la chimiste Yara Sluiskil aux Pays-Bas et avec la société énergétique Ørsted pour deux centrales électriques à biomasse au Danemark. Le premier apportera 800 000 tonnes de CO2 par an, le second 430 000 tonnes. Avec deux clients supplémentaires, Northern Lights pourra injecter chaque année 1,5 million de tonnes de CO2 dans la formation saline sélectionnée. L’entreprise parie sur l’enfouissement de 37,5 millions de tonnes de gaz sur une période de vingt-cinq ans, avec la possibilité d’augmenter la cadence à 5 millions de tonnes par an si la demande suit.

Détenue à parts égales par les trois géants pétroliers et gaziers, Northern Lights reste muette sur le montant de l’investissement. L’Ifpen, institut français de recherche et de formation dans les domaines de l’énergie et des transports, l’estime à 640 millions d’euros. Seule certitude : l’entreprise n’est économiquement viable qu’avec le soutien massif des pouvoirs publics. « 80 % des coûts sont pris en charge par l’État norvégien », précise TotalEnergies. La Norvège a fait de cette question un emblème de sa politique climatique. Après un vote parlementaire, le gouvernement du pays a lancé en décembre 2020 un vaste projet de captage et de stockage du CO2, baptisé Longship. Il est complété à hauteur de 2,6 milliards d’euros, dont les deux tiers proviennent de financements publics. Northern Lights est la pièce incontournable.

La Norvège, un pays schizophrène

Cet engagement fort souligne toute l’ambivalence, voire la schizophrénie, du pays scandinave. Rendue immensément riche grâce aux ressources pétrolières et gazières de la mer du Nord, la Norvège reste le plus grand producteur d’hydrocarbures d’Europe occidentale et n’a pas l’intention d’entrer dans une phase de retrait. Les sociétés pétrolières et gazières prévoient des investissements records en 2025. Dans le même temps, la Norvège détient la palme de l’électrification de son parc automobile – 94 % des véhicules neufs vendus en août – et se lance donc dans une marche forcée vers la capture. et le stockage du CO2.

Bien que technologiquement mature, cette solution est loin d’être compétitive. Soumis au marché européen du carbone (EU ETS), les industriels du continent paient actuellement une somme comprise entre 60 et 70 euros par tonne de carbone – l’équivalent d’un droit à polluer. Le coût du captage, du transport et de l’injection d’une tonne de CO2 sous terre reste bien plus élevé. « Dans les configurations techniques les plus favorables, l’ensemble des coûts y compris le transport et le stockage sont estimés entre 60 et 150 euros par tonne de CO2 », écrit le Haut Conseil pour le climat dans un avis publié il y a un an.

Le premier défi, selon l’Ifpen, consiste à réduire les coûts de captage à la sortie des cheminées industrielles, « l’étape la plus coûteuse du secteur ». « Ce qui changera vraiment la donne, c’est si nous pouvons mettre cela en œuvre à grande échelle. Nous devons compter sur un nombre suffisant d’émetteurs de CO2 qui décident avec nous que c’est la voie à suivre », reconnaît Tim Heijn, directeur de Northern Lights.

Une solution très discutée

Le choix des aquifères salins en mer, autrefois exploités pour leurs ressources pétrolières et gazières, permet d’éviter un problème qui s’était rapidement posé sur le chemin de Total lors de son expérimentation pilote en Béarn : l’opposition d’une partie des populations locales. Mais les protestations contre le captage, le stockage et la mise en décharge du CO2 industriel ont une portée plus large. Pour de nombreux militants du climat, cette solution est une imposture. Elle ne concerne qu’une infime partie des émissions de gaz à effet de serre et sa généralisation rapide nécessiterait d’énormes investissements.

Le projet Northern Lights, avec ses 1,5 millions de tonnes de CO2 par an, est à comparer aux seules émissions de la France : 373 millions de tonnes en 2023. La capacité totale de captage de CO2 sur la planète représente 0,1% des émissions mondiales annuelles, selon à l’Agence internationale de l’énergie (AIE).

En principe, le captage et le stockage du CO2 sont critiqués pour dissuader les industriels et les sociétés humaines de réduire drastiquement leurs émissions de gaz à effet de serre. Face à ce débat quasi philosophique, l’AIE comme le GIEC – le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat – adoptent des positions factuelles : les scénarios de neutralité carbone à l’échelle mondiale doivent prendre en compte les techniques de captage et de séquestration. CO2 atmosphérique.

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