Au palais présidentiel de Libreville, sur la même tribune où il avait été investi huit mois plus tôt à la tête de la transition, le général Brice Oligui Nguema a revêtu son uniforme d’officier pour ce moment qu’il considère comme une étape décisive dans la construction d’un « nouveau Gabon. A la tête du coup d’État qui a renversé Ali Bongo Ondimba en août 2023, le nouvel homme fort du pays a présenté, mardi 30 avril, par l’archevêque de Libreville qui a présidé les travaux, le rapport établi à l’issue de la Conférence inclusive. Dialogue national. Une consultation d’un mois au cours de laquelle 580 personnes désignées par le général lui-même ont débattu du contenu de la prochaine Constitution.
Comme la congrégation chantait « Oligui, président » et que le Président de la République Centrafricaine, Faustin-Archange Touadéra, désigné facilitateur de la transition gabonaise, a salué le travail qui permettra, a-t-il dit, « poser les bases d’un Gabon nouveau, solide, solidaire, démocratique et plus solidaire que jamais »dans l’une des salles du palais balnéaire, quelques hauts responsables du régime ont découvert officiellement les propositions de réformes avancées par les participants.
» Séparation des pouvoirs «
La veille, certaines recommandations comme celle suggérant la suspension des partis politiques ou l’inéligibilité des cadres du Parti démocratique gabonais (PDG, parti du président déchu Ali Bongo) aux prochaines élections avaient fuité dans la presse, suscitant de nombreux commentaires. Cependant, sur les 580 participants, plus de 300, civils et militaires, étaient issus d’administrations désignées par la junte dans laquelle de nombreux dirigeants des régimes d’Omar Bongo, président pendant quarante et un ans, et de son fils Ali, resté au pouvoir, depuis plus de quatorze ans.
Si des investigations sont recommandées contre « ancien et actuel » cadres du PDG, le dialogue ouvre en outre la voie au maintien au pouvoir du général Oligui Nguema, dont l’ambition d’être élu lors du scrutin prévu en août 2025 semble de plus en plus évidente.
Parmi les mille propositions, aucune n’aborde l’éligibilité de l’actuel chef de la transition. En revanche, celle de supprimer le poste de Premier ministre pourrait conduire le Gabon vers un régime hyper-présidentiel. « Si le président détient l’intégralité du pouvoir exécutif, l’équilibre des pouvoirs sera fortement compromis et cela aura un impact sur le principe même de la démocratie », critique Franck Djimbi, membre de la commission agriculture au Dialogue national.
Au-delà de ces propositions de réformes institutionnelles, il y a un thème qui a traversé ce mois de consultation : celui de la préférence nationale. Les propositions visant à instaurer un quota d’étrangers au Gabon, à restreindre l’éligibilité ou encore à renforcer les conditions d’accès à la nationalité ont été parmi les plus applaudies par l’assemblée réunie au palais présidentiel.
» Légion étrangère «
Le coup d’État d’août 2023 a pris la justification d’une lutte contre » Légion étrangère « , qui dirigeait le pays. En premier lieu, Sylvia, l’épouse française du président déchu, et Nourreddin, leur fils, tous deux accusés de s’être approprié les richesses de ce petit Etat pétrolier et de contrôler sa vie politique.
« Les Gabonais ont été blessés et veulent désormais confiner et sécuriser leur administration et leur vie publique qu’Ali Bongo avait mis à la disposition des étrangers »Le juge François Ndong Obiang, premier vice-président de l’Assemblée nationale de la Transition, tout en estimant que« il ne faut pas tomber dans les excès protectionnistes et créer des nationaux de deuxième catégorie » « .
Le président Brice Oligui Nguema a annoncé que, dans les prochains jours, un comité de suivi et de suivi des conclusions du Dialogue national inclusif sera nommé par lui. Selon le calendrier promis par le chef de la transition, cette commission disposera d’un mois et demi pour rédiger la Constitution qui sera soumise à référendum fin juin ou début juillet.