Au Festival de Cannes, avec « La Substance », un liquide crachant éclabousse la Croisette
SÉLECTION OFFICIELLE – EN COMPÉTITION
Exit Julia Ducournau, Palme d’or en 2021 pour Titaneplace à Coralie Fargeat, repérée avec le foutu vengeance (2017) et qui, dans la case « cinéma de genre féminin », entend frapper plus fort, plus lourd, plus fort. La réalisatrice française entre sur les rangs de la compétition avec son deuxième long métrage, Projection horreur du corps (« horreur organique ») et coproduction américano-anglaise destinée au marché international.
Elisabeth Sparkle (Demi Moore), présentatrice vedette d’une émission d’aérobic, atteint l’âge d’être remplacée par un candidat plus jeune, comme l’exige son producteur Harvey (Dennis Quaid). Elle ordonne alors un mystérieux protocole de rajeunissement à base d’injections, baptisé « La Substance ». Après l’injection d’activation, elle se divise à la manière de la mitose en une version plus jeune d’elle-même appelée Sue (Margaret Qualley).
Mais plutôt que de suivre le contrat – tous deux devant se relayer une semaine sur deux pour mieux se régénérer – ce dernier prend de plus en plus de son indépendance, provoquant, à force de tirer sur la corde, le vieillissement. vue accélérée d’Elisabeth, progressivement remplacée par son double.
Un gros dessin animé bêta
Variation sur la disparition des actrices et la cruauté du star system, quelque part entre Veille (1950), par Joseph L. Mankiewicz, et La photo de Dorian Gray (1945), d’Albert Lewin, La substance nous fait vite comprendre de quel côté il va tourner la métaphore : en tank conquérant de la pop culture régressive, les deux pieds dans l’explicite, sans une once de suggestion ni de contournement. Non seulement le film s’empare de codes horrifiques, mais il les magnifie à la loupe.
Les intentions seront donc plâtrées, les jeux d’acteurs outranciers (le bien nommé Harvey en clone de Weinstein, mangeant des crevettes au restaurant comme un cochon), les plans ultra léchés et les dialogues criés. Ce registre immédiatement parodique, digne d’un gros dessin animé bêta, ne laisse à l’horreur qu’une fonction programmatique, celle de la surenchère.
Même un film en roue libre peut finir par sécréter une image précise de lui-même. Ici, il pourrait s’agir de la créature immonde qui résulte des injections chimiques : une masse aberrante, déformée et maladroite d’organes mal reliés les uns aux autres, d’où de n’importe quel orifice un sein peut soudain surgir.
La substance on dirait que cette ampoule s’effondre sur elle-même. Mais Coralie Fargeat nous raconte aussi son rapport au spectateur : à quelques encablures de la fin, un public réuni pour une soirée de gala est aspergé de puissants geysers d’hémoglobine. La « substance » est le liquide crachant qui éclabousse. Bref, tout ce qui peut attirer l’attention du spectateur.
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