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Au-delà des frontières – Chronique de Pauline Londeix – 14 septembre 2024

Par Pauline Londeix, chercheuse et écrivaine

L’heure n’est pas à l’ouverture aux autres et à la différence. Mais plutôt à la glorification de ceux qui nous ressemblent, dans une période de chauvinisme exacerbé, illustrée par la course aux médailles aux Jeux olympiques. Pourtant, plus que jamais, c’est la compréhension de la complexité des existences et des autres qui ouvre à l’empathie, à l’humanité et à une multitude de mondes. Une diversité qui a toujours été à l’honneur à la Fête de l’Humanité. Regarder au-delà des villes que l’on connaît, au-delà des régions, mais aussi, à l’image de la protagoniste de « Langue étrangère », le nouveau film de Claire Burger, au-delà de la frontière française, plus précisément franco-allemande.

La vie en zone transfrontalière a toujours été un thème cher au réalisateur quadragénaire originaire de Forbach. Ce nouveau film touchant évoque la vérité, le mensonge, l’attachement, la jeunesse, la découverte de l’amour, la complexité – et la richesse – de l’identité quand on grandit au milieu de plusieurs cultures. Comme toujours dans les films du réalisateur, cette question resurgit avec subtilité, notamment lors d’une scène de fête rythmée par la musique… turque, l’une des principales cultures d’Allemagne. Le film brille par sa simplicité et la qualité de sa narration tout en cultivant une forme de mystère, ses personnages et ses scènes, dont on retiendra particulièrement la séquence sous hallucinogènes. Dès les premières minutes du film, les différences culturelles entre la France et l’Allemagne émergent à travers la langue mais aussi dans les teintes et les couleurs à l’écran. On ne parle pas une langue uniquement à travers les mots, mais aussi à travers l’ancrage du corps. C’est pourquoi l’intelligence artificielle ne remplacera jamais le fait de parler une langue étrangère, d’y rêver, de comprendre une autre culture dans toutes ses dimensions.

Au contraire, une langue étrangère peut être une barrière qui affecte profondément les relations les plus intimes entre deux personnes. Comme dans le film du cinéaste chinois Jia Zhangke, « Au-delà des montagnes », où deux des protagonistes se trouvent en Australie et le fils, qui a grandi dans le pays anglophone, ne comprend pas son père, qui ne parle que le mandarin. Tous deux ne parviennent tout simplement pas à communiquer. Au-delà de la question de la langue, le cinéma de Jia Zhangke, comme celui de Claire Burger, nous montre que sans communication entre les peuples dans un monde aussi globalisé, nous irons tout droit à la faillite.

La pandémie de Covid en 2019 nous l’a rappelé de la manière la plus brutale : sans collaboration internationale, nous signons notre fin collective. Le cinéma de Jia Zhangke est un hommage à la Chine, lieu de production de nombreux produits vitaux que nous consommons, un pays-continent symbole des relations mondiales et d’une géopolitique en mouvement permanent, où l’Occident n’est plus au centre mais refuse de le voir. Cette complexité est esquissée par Claire Burger à travers le personnage incarné par Chiara Mastroianni, interprète franco-italienne au Parlement européen de Strasbourg. La communication, les échanges entre cultures et la diplomatie sont coûteux, en termes d’efforts et d’apprentissage, mais ils sont aussi fondamentaux pour préserver la paix. La vague réactionnaire actuelle nous oblige à redoubler d’efforts pour ne pas céder à un repli sur nous-mêmes qui ne conduit qu’à une simplification de la perception des autres cultures et des différences.

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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