C’est l’histoire d’une mise à jour parfaitement intéressée. Un an à peine après son arrivée sur le trône du Danemark après l’abdication de sa mère la reine Margrethe II, le monarque Frederik X a décidé, en ce début d’année 2025, de modifier les armoiries officielles du royaume. Un acte rare qui n’avait, jusqu’ici, eu lieu qu’à trois reprises depuis 1819. Désormais, les trois couronnes symbolisant l’Union de Kalmar – réunissant le Danemark, la Norvège et la Suède sous le contrôle d’une seule couronne jusqu’en 1523 – n’apparaissent plus sur le blason. «Elles ne sont plus pertinentes», justifie la famille royale. A l’inverse, l’ours polaire et le bélier symbolisant le Groenland et les îles Féroé, présents jusqu’ici en format minuscule, occupent désormais une place bien plus importante. Un choix qui ne relève pas seulement de l’esthétisme.
Cette modification des armoiries intervient en effet dans une période de fortes tensions entre le Danemark et le Groenland, pays constitutif du royaume qui possède son propre gouvernement et sa propre capitale, mais qui garde bien comme chef d’Etat le roi Frederik X. Lequel compte bien garder dans son giron cette île grande comme quatre fois la France. «Nous sommes tous unis et chacun d’entre nous s’engage pour le royaume du Danemark. De la minorité danoise du Schleswig du Sud jusqu’au Groenland. Nous sommes tous ensemble», a lancé le roi lors de son discours pour la nouvelle année.
Une vision qu’est loin de partager le Premier ministre groenlandais, Múte Bourup Egede. Dans sa prise de parole du Nouvel an, ce dernier a rappelé son souhait d’indépendance. «L’heure est venue d’avancer pour notre pays, a-t-il déclaré le 1er janvier. Comme d’autres pays dans le monde, nous devons retirer les obstacles à la coopération – que nous pouvons décrire comme les chaînes de l’ère coloniale – et passer à autre chose.» L’occasion de mettre sur la table l’idée d’un vote dans le courant de l’année sur le futur de l’île.
«Le Groenland n’est évidemment pas à vendre»
La mise à jour des symboles officiels voulue par Frederik X ne vise pas seulement à montrer son attachement au territoire situé au nord-est du Canada. Elle vise aussi à envoyer un message au président américain Donald Trump, qui retrouvera officiellement la Maison Blanche le 20 janvier. Ce dernier a toujours convoité l’île allant jusqu’à proposer de l’acheter. Ce serait «une grosse transaction immobilière et stratégiquement, pour les Etats-Unis, ce serait sympa», avait-il affirmé en 2019 à quelques journalistes après avoir demandé à ses conseillers s’il était possible d’acquérir le Groenland contre des gros sous. «Le Groenland n’est évidemment pas à vendre», rétorquait alors le gouvernement.
Une phrase qu’a été contraint de répéter Múte Bourup Egede il y a quelques jours puisque Trump a répété, le 22 décembre, que «pour la sécurité nationale et la liberté dans le monde entier, les Etats-Unis d’Amérique estiment que la propriété et le contrôle du Groenland sont une nécessité absolue». Idéal pour refroidir les relations avec l’île et le Danemark avant même son investiture.