Au Daghestan, nouveau « dysfonctionnement » des services obsédés par l’Ukraine
Cinq assaillants ont également été abattus, ont indiqué les autorités, sans indiquer si d’autres étaient en fuite. L’attaque n’a pas encore été revendiquée, mais rappelle le mode opératoire des groupes islamistes qui avaient déjà mené une insurrection meurtrière dans le Caucase russe dans les années 2000.
Une semaine plus tôt, des membres de l’organisation djihadiste État islamique (EI) avaient été tués après avoir pris en otage deux gardiens de prison dans une prison de Rostov-sur-le-Don, dans le sud-ouest de la Russie. Surtout, fin mars, l’Etat islamique a revendiqué le massacre commis au Crocus City Hall, une salle de concert de la banlieue de Moscou, qui a fait plus de 140 morts.
Ces attaques rappellent les heures sombres de la fin des années 1990 et du début des années 2000, lorsque les combats armés dans le Caucase et les attentats à Moscou se sont multipliés, après la radicalisation islamiste du mouvement indépendantiste tchétchène.
Un danger sous-estimé ?
Moscou était parvenue à étrangler progressivement les groupes jihadistes du Caucase, en les combattant, mais non sans multiplier les exactions. Mais cette focalisation sur le danger islamiste a peu à peu cédé la place à l’obsession de Vladimir Poutine, héraut du pouvoir russe, pour l’Ukraine, culminant avec l’invasion de février 2022. Désormais, l’armée, la police et les services de sécurité se consacrent à la lutte contre les « saboteurs », les « terroristes » et les « traîtres » à la solde de Kiev.
« Le dysfonctionnement des autorités (russes) est évident, elles sont occupées à d’autres missions liées à +l’opération militaire spéciale+ (en Ukraine) et à l’Occident » présentée désormais comme l’ennemi existentiel, estime Grigori Chvedov, rédacteur en chef de chef du média indépendant Kavkazski Ouziol (www.kavkaz-uzel.eu), désigné « agent étranger » en Russie.
Pour lui, les attentats du Daghestan démontrent une « situation explosive » dans tout le Caucase russe. Mais Moscou « estime que la source du terrorisme est l’Ukraine et non les terroristes qui ont grandi au Daghestan. (…) Le danger est de sous-estimer l’hypothèse d’une menace islamiste», souligne M. Chvedov.
Les autorités russes, sans jamais fournir de preuves, ont par exemple accusé Kiev et l’Occident d’avoir joué un rôle dans l’attaque de l’hôtel de ville de Crocus, pourtant revendiquée par l’EI.
Plus de coopération
Pour Alexandre Baounov, expert russe au Carnegie Center, un groupe de réflexion que la Russie a forcé à fermer à Moscou, le conflit en Ukraine a aussi fortement affaibli la coopération russo-occidentale en matière de renseignement. « La guerre en Ukraine a compliqué et réduit au minimum les échanges entre les services spéciaux occidentaux et russes, qui auparavant échangeaient des informations sur les islamistes radicaux pendant près de trois décennies », a-t-il écrit dans une note publiée sur Facebook.
En mars, quelques jours avant l’attentat de Moscou, Washington avait publiquement averti le Kremlin de la possibilité d’un attentat terroriste dans la capitale. Des déclarations ensuite balayées par les autorités russes, qui les avaient qualifiées de tentative de déstabilisation avant l’élection présidentielle russe.
« Ce qui se passe dans le Caucase est un nouvel exemple montrant que le régime a perdu le contrôle de certaines zones, ce qui est inattendu pour lui, alors que la guerre (en Ukraine) est censée l’avoir consolidé », souligne M. Baunov. Pour lui, le retour des attentats, comme celui du Crocus et les attentats contre la police dans le Caucase, typiques des années 1990-2000, a une « raison principale ».