LETTRE DE MONTRÉAL
Dans quelques jours, quelques semaines au plus tard, Prairie Green Landfill, l’immense décharge à ciel ouvert située au nord de Winnipeg (Manitoba), au cœur des grandes plaines du Canada, sera scrutée. De lourds engins de terrassement, des brigades de chiens renifleurs et des hommes recouverts de combinaisons imperméables pour les protéger des gaz toxiques et de tout risque de contamination traqueront, au milieu de millions de mètres cubes de déchets et de boue, les moindres traces d’os et de tissus organiques.
Comme dans la série, des « experts » vérifieront, le cas échéant, si ces échantillons sont susceptibles d’appartenir à deux femmes : Marcedes Myran et Morgan Harris. Tous deux ont officiellement porté disparu, à quelques jours d’intervalle, en mai 2022. Ils étaient respectivement âgés de 26 et 39 ans.
Deux morts sans corps. Deux femmes autochtones, isolées, vulnérables, qui vivaient dans la rue ou dans des refuges d’urgence à Winnipeg, capitale de la province du Manitoba, où elles ont été vues pour la dernière fois.
Tueur en série
Les enquêteurs sont persuadés qu’ils ont été victimes d’un tueur en série : Jeremy Skibicki, 35 ans au moment des faits, arrêté le 18 mai 2022 après avoir assassiné une femme indigène, Rebecca Contois, dont le corps, cette fois, a été retrouvé. . La police lui reproche également le meurtre d’une autre femme, qu’elle n’a pas pu identifier, mais que les communautés autochtones de la province ont surnommée » Femme buffle ». L’homme sera jugé le 29 avril à Winnipeg pour répondre de ces quatre meurtres.
Dès le début de l’enquête, la police a suggéré que les corps des femmes disparues auraient pu être abandonnés à la décharge. Jugeant les recherches trop coûteuses et risquées en termes de sécurité, ils avaient renoncé à lancer des fouilles. Les familles des victimes ont mené un combat de près de deux ans pour obtenir gain de cause : le 22 mars, le gouvernement fédéral de Justin Trudeau et le premier ministre du Manitoba, Wab Kinew, seul autochtone à diriger une province canadienne, ont débloqué la somme de 40 millions de dollars (27,4 millions d’euros) pour fouiller, enfin, chaque centimètre du site.
« C’est un soulagement de savoir que je pourrai peut-être ramener maman à la maison » a déclaré Cambria, la fille de Morgan Harris. Elle y voit également l’opportunité d’offrir réparation à toute une communauté. « Il s’agit de montrer aux femmes et aux peuples autochtones que nous valons, que nous sommes aimés et que nous valons la peine d’être désirés. » a-t-elle expliqué lors d’une conférence de presse organisée en mars.
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