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Au Cameroun, le taux de réussite au baccalauréat plafonne à 37%, le pire depuis vingt ans

L'entrée du lycée Général-Leclerc de Yaoundé, en mars 2022.

Au lycée d’Evodoula, Dans un établissement d’enseignement général situé à une cinquantaine de kilomètres au nord de Yaoundé, la capitale du Cameroun, le bulletin de résultats du baccalauréat littéraire, spécialité espagnol, est barré de l’inscription suivante : « Rien. » Aucun des 42 élèves ayant passé leur baccalauréat dans cette série n’a été admis. Dans la série littéraire spécialité allemand du même lycée, c’est à peine mieux, avec seulement 5 élèves sur les 20 inscrits ayant réussi leur examen.

Ces résultats catastrophiques, révélés le 19 juillet, n’ont rien d’exceptionnel : cette année, ils sont ceux affichés dans la plupart des établissements d’enseignement général camerounais.

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Selon les chiffres publiés par l’Office du Baccalauréat du Cameroun (OBC) chargé de l’organisation des épreuves, sur les 132 920 élèves de la classe de terminale qui ont passé le baccalauréat cette année, seuls 49 521 ont été déclarés admis, soit un taux de réussite de 37,2%, le plus bas depuis vingt ans. En effet, il faut remonter à 2004 pour enregistrer une performance aussi médiocre. C’est d’autant plus notable qu’en 2023, le taux de réussite était de 75%, le plus élevé jamais enregistré.

En représailles aux sujets divulgués

Pour plusieurs enseignants contactés, ces chiffres s’expliquent principalement par le respect des consignes de  » la hiérarchie « c’est-à-dire le ministère de l’Enseignement secondaire. Ce dernier a demandé aux enseignants de ne pas sélectionner les élèves dont la moyenne est inférieure à 10/20 lors des délibérations des examens.

En fait, le gouvernement décide chaque année jusqu’à quel point les jurys d’examen peuvent reléguer les élèves en dessous de la moyenne de 10, comme l’explique un enseignant sous couvert d’anonymat : « En général, ceux qui ont une note de 10/20 sont admis automatiquement. Mais parfois, on considère que des élèves n’ont pas pu être en forme lors des épreuves, alors on repêche parfois des élèves qui ont 8,50. L’année dernière, on est descendu à 9,50 », il continue.

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Cette sévérité exceptionnelle a apparemment été décidée en représailles aux fuites d’examens. En effet, certains sujets ont été largement partagés sur WhatsApp avant le début des épreuves, un phénomène devenu récurrent et que les autorités ne parviennent pas à endiguer. Une partie du corps enseignant explique le niveau insuffisant des élèves par la pandémie de Covid-19 en 2020. Depuis plusieurs mois, pour respecter la distanciation sociale, le gouvernement avait limité le nombre d’élèves par classe à 50, en instaurant un système de mi-temps.

« Retrouver sa crédibilité »

Les classes pourraient être divisées en deux et le professeur enseignerait la même leçon aux deux groupes, le matin et le soir. « Ces élèves ont eu moins d’heures de cours à cause de ce système de mi-temps. Ce sont eux qui ont passé les examens cette année. »dit un professeur d’espagnol au lycée Akwa de Douala, qui a demandé l’anonymat.

Selon le professeur Jacques Evouna, enseignant à l’école normale supérieure et à l’université, la baisse soudaine des résultats cette année est liée à une décision politique. « Le ministère ne veut pas que les résultats soient trop bons mais qu’ils correspondent au niveau réel des élèves. C’est une tentative de regagner de la crédibilité. L’inconvénient est que cela révèle la réalité du système éducatif. »il croit.

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Le rôle des réseaux sociaux, qui distraient les élèves accusés d’être plus intéressés par les vidéos en ligne que par leurs cours, est également mis en avant par certains parents. Une explication que rejette le professeur Evouna, qui souligne que certains établissements continuent d’afficher des taux de réussite proches de 100 %, « comme le collège Vogt à Yaoundé ou Libermann à Douala ». Des établissements privés religieux, connus pour leur rigueur, mais qui imposent des frais de scolarité très élevés et n’acceptent donc que les enfants des familles les plus aisées du pays.

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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