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Au Burkina Faso, l’impasse des déplacés fuyant les jihadistes

Le camp de personnes déplacées de Wendou 2, près de Dori, au nord-est du Burkina Faso, le 29 mai 2024.

Sous 43°C, quelques maigres arbres peinent à fournir de l’ombre aux tentes et aux abris de fortune des camps près de Dori. Au nord-est du Burkina Faso, des milliers de déplacés ont fui les violences jihadistes vers ces refuges précaires où leur avenir semble désespéré.

Dans le camp de Wendou 2 – une extension de l’immense camp éponyme qui abrite à lui seul quelque 3 000 déplacés – Hawa Mama avoue ne pas avoir « Je n’ai même plus la force de bouger ». « Même si c’est difficile ici, là-bas (dans les villages) C’est pire. Nous n’avons pas d’autre choix que de rester ici. Il ne nous reste plus rien là-bas. Nous sommes venus ici, nous devons rester dans ces conditions”» dit cette quinquagénaire en fulfulde, la langue de l’ethnie peule, un pagne rouge lui enveloppant la tête.

Kirissi Sawadogo a elle aussi fui son village de Lelly, dans la région du Sahel (Nord-Est), pour sauver sa vie. «C’est à cause de la situation que traverse le pays. Ils sont venus dans notre village, ils nous ont menacés, ils ont volé notre bétail, ils ont tué des gens. C’est pourquoi nous avons dû fuir et sommes arrivés ici. »explique-t-elle à l’Agence France-Presse (AFP) en émiettant du tô brûlée, une pâte à base de farine de mil.

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Rarement nommés par les déplacés, ces hommes armés sont généralement des combattants jihadistes liés à Al-Qaïda ou à l’État islamique (EI), qui terrorisent les populations avec des attentats sanglants depuis près de dix ans au Burkina Faso. La région du Sahel paie un lourd tribut : un quart des 2 millions de personnes déplacées internes au Burkina Faso en proviennent, selon les chiffres officiels de mars 2023 (qui n’ont pas été actualisés depuis). Le camp de Wendou a même été attaqué en septembre 2023 et au moins huit personnes déplacées ont été tuées.

Au début de l’année, 85 % des écoles et 69 % des infrastructures sanitaires de la région du Sahel étaient fermées, selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA). Selon un classement du Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC) publié lundi 3 juin, le Burkina Faso connaît pour la deuxième année consécutive la crise de déplacement la plus négligée au monde. « Le Sahel est une région systématiquement négligée »insiste Jan Egeland, secrétaire général du NRC, en visite dans les camps près de Dori fin mai : « Et maintenant, en plus de cela, il y a une crise diplomatique et politique entre les donateurs occidentaux et les nouveaux gouvernements militaires à travers le Sahel. »

Comme le Mali et le Niger, pays voisins également en proie aux violences jihadistes, le Burkina Faso est gouverné par un régime militaire arrivé au pouvoir par un coup d’État en 2022 et dont les relations avec les puissances occidentales – notamment la France – sont tumultueuses. Les autorités prétendent régulièrement obtenir des victoires sur les jihadistes, mais les attaques se poursuivent et une partie du territoire reste échappe au contrôle de l’armée.

Point chaud

« Nous sommes là, sans rien, nous devons compter sur nous-mêmes pour survivre », déplore Amadou Dicko, arrivé il y a six mois avec sa famille à Torodi, un autre camp près de Dori, où le paysage de désolation est le même qu’à Wendou. Pour gagner quelques milliers de francs CFA, certains hommes pratiquent l’orpaillage illégal aux alentours malgré les risques sécuritaires.

Assise sur une natte au sol, dans un abri d’environ 3 mètres carrés fait de secco (une clôture végétale), de bois et de bâches, Aissetou Amadou est arrivée au même moment. Avec sa famille, elle a dû fuir son village, situé près de Gorgadji, menacée par « des hommes armés ». « Ce sont les enfants qui essaient de rapporter de la nourriture. Hier ils ont pu rapporter deux kilos de riz (acheté en ville). Nous avons cuisiné la moitié le soir et le reste ce matin »» dit-elle, sans savoir quand le prochain réapprovisionnement serait possible.

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Grande ville du nord-est du Burkina Faso proche de la route nationale 3 (RN 3) qui mène à Ouagadougou, Dori est un centre névralgique de l’approvisionnement de la région. Mais si l’aide humanitaire pour les besoins essentiels arrive par voie aérienne grâce aux vols du Programme alimentaire mondial (PAM), la nourriture, l’essence et les intrants agricoles transitent toujours par la route, sous escorte militaire.

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Le long de la RN 3, des dizaines de camions sont garés en attendant le feu vert pour partir en convoi sur ce tronçon dangereux régulièrement ciblé par les jihadistes qui se trouvent aux portes de Dori. « Avant, vous pouviez charger votre véhicule à 19 heures à Ouagadougou, et le lendemain à 5 ou 6 heures du matin le véhicule était devant votre magasin.raconte Amadou Hamidou Dicko, président des commerçants Dori. Actuellement, il faut attendre quinze, trente ou quarante-cinq jours, ça dépend, car on ne communique jamais le jour exact du départ du convoi. »

Conséquence : le coût de livraison a augmenté et se répercute sur les prix de vente. « Il y a deux ou trois ans, un sac de riz de 50 kg se vendait entre 16 000 et 17 000 francs CFA (entre 24 euros et 26 euros). Actuellement, c’est 27 000 francs CFA », explique M. Dicko. Alors parfois, les traders optent pour ce qu’ils appellent « le contournement » par d’autres itinéraires, sans accompagnement, au risque de voir leurs marchandises et camions volés ou détruits.

Le Monde avec l’AFP

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Eleon Lass

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