Une confrontation douloureuse. Le soir du 8 mai 2022, Antoine Alléno, 24 ans, quitte le restaurant où il travaille et ramène sa collègue, Anisa, en scooter. Ils chantent aux feux rouges. Soudain, ils se font percuter, entre 54 et 61 km/h par l’Audi RS6 conduite par Franky D., sans permis depuis 2018. Au volant de cette voiture volée juste avant, il roule à 120 km/h dans les rues du 7e. arrondissement, limité au 30. Il percute d’abord un VTC puis un taxi à environ 75 km/h et perd le contrôle du gros moteur. Il a pris la fuite à pied, avant d’être interpellé par un policier en congé.
« Une des soirées les plus heureuses de ma vie s’est transformée en cauchemar »» dit Anisa, la passagère, à la barre. « Antoine, tu étais unique »dit-elle en s’adressant au défunt, se demandant toujours « pourquoi lui, pourquoi pas l’inverse ». Ce soir-là, Antoine Alléno succombait à ses blessures, elle n’était que blessée. Avant de monter sur le scooter, Antoine y a attaché son casque « et puis il a attaché le sien »dit la jeune femme. Le casque du jeune homme a été retrouvé à plusieurs mètres.
Doudoune, pantalon et baskets sombres, Franky D. entre dans la salle d’audience, remplie aux deux tiers. La voix du jeune homme de 27 ans, membre de la communauté des gens du voyage, hésite, ce qui contraste avec sa carrure imposante. « J’admets tous les faits » sauf les violences, dit-il, accusé par un voiturier de lui avoir donné des coups de poing alors qu’il volait la voiture à la sortie d’un restaurant où il avait passé la soirée. Franky D. invoque sa consommation excessive d’alcool ce jour-là – contrôlée deux heures après coup avec 1,56 g/l d’alcool dans le sang – pour expliquer ses pertes de mémoire. Il ne se souvient de presque rien. Le tribunal cite des témoins et des vidéos qui montrent notamment qu’il n’a pas « Cela ne semble pas stupéfiant. » L’alcool, la passion pour « grosses voitures » et les trous de mémoire laissent le tribunal correctionnel de Paris dubitatif. Ses réponses, même fragmentaires, montrent qu’il a « conscience de la douleur et du mal » provoquée, affirme Joseph Cohen-Sabban, l’un de ses avocats.
10 ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende
Interrogé par le président, Franky D. a lâché : « Je n’aime pas particulièrement la vitesse mais j’aime les grosses voitures »notamment le RS6, avoue-t-il, dont il connaît la puissance : « 600 chevaux ». En 2018, il perd son permis pour excès de vitesse. « J’ai fait l’irréparable »regrette ce père de deux petites filles. Il assure que, sans alcool, « cela ne serait jamais arrivé » produit. « L’alcool n’est pas une circonstance atténuante » rétorque Valérie Munoz-Pons, une des avocates des parties civiles. « Je me suis allongé sur mon fils, j’ai crié » raconte, très ému, Yannick Alléno cette terrible soirée. Lorsque le chef arrive sur les lieux, il reconnaît son fils qui « porte ses chaussettes rayées ».
A l’écoute du désespoir des parties civiles, Franky D. comme ses deux coaccusés, poursuivis pour vol en réunion, restent prosternés. « C’était un gentil garçon, Antoine »dit sa mère, Isabelle Alléno, en larmes, « la vie était belle, on se voyait souvent ». « J’essaie de me mettre au service des autres pour donner un sens à ma vie » Aujourd’hui, continue-t-elle, alors que la famille a lancé une association, au nom d’Antoine.
Franky D., qui comparaît libre sous contrôle judiciaire, est notamment mis en examen pour homicide involontaire, avec deux circonstances aggravantes. Celui qui comptait déjà six condamnations à son casier judiciaire au moment du drame encourt dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende. Depuis ce drame, Yannick Alléno est devenu un ardent défenseur de la création d’un délit d' »homicide routier », un projet de loi qui devait passer en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, avant sa dissolution en juin.