« EDF ou une entreprise proche d’EDF. » En une phrase, Bruno Le Maire a réduit les options de reprise des systèmes de contrôle des centrales nucléaires hébergées dans le groupe Atos.
« Il n’est pas question que ce contrôle et cette commande des centrales nucléaires puissent aller je ne sais trop où », a déclaré mardi le locataire de Bercy, faisant référence à Worldgrid, la filiale d’ingénierie du groupe informatique, qui s’apprête à basculer. entre les mains de ses créanciers et de David Layani tandis que le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky est en embuscade.
Worldgrid « doit rester sous le contrôle des pouvoirs publics », a réitéré le ministre, préemptant de facto l’actif. La filiale Atos dont EDF est un client clé fournit des logiciels de contrôle et de supervision de plusieurs dizaines de tranches nucléaires en France, mais aussi au Royaume-Uni, en Russie et en Chine, qui représenteraient 15 % du parc mondial.
Bruno Le Maire est intervenu quelques jours seulement après une nouvelle accusation des parlementaires LR, PS et PCF sur le risque de perte de souveraineté autour des activités d’Atos. Jusqu’alors Bercy s’était bien gardé de toucher au logiciel des centrales nucléaires – il se sentait seulement obligé de prendre position sur les actifs liés à la Défense -, malgré une proposition en octobre dernier appelant à une nationalisation temporaire, notamment du nucléaire. Mais entrer dans les dernières étapes de la restructuration d’Atos l’oblige également à agir.
Du côté d’EDF, nous ne manifestons en revanche pas d’appétit vorace pour reprendre cette entité, selon des sources. Il faut y consacrer des ressources. Atos s’attendrait à au moins 250 millions d’euros, certains suggèrent même jusqu’à 300 millions, alors que la valeur comptable de Worldgrid s’élève à un peu plus de 32 millions d’euros dans les comptes d’Atos. Et EDF tente déjà avec difficulté de finaliser le rachat des turbines Arabelle hébergées à Geast à la demande de l’Etat. La transaction se heurte aux autorités de contrôle américaines.
Il n’est donc pas sûr qu’EDF veuille encore jouer le rôle de sauveur, ou du moins pour la totalité. D’autant que selon des sources, un candidat serait tout à fait intéressé, le groupe d’ingénierie nucléaire Assystem. Et avec EDF, les relations ne pourraient être plus étroites.
Le groupe de 4 000 salariés a été créé en 1966… pour accompagner EDF dans la mise en service du parc nucléaire français. La société d’ingénierie s’inscrit au cœur des enjeux de la filière nucléaire française. En 2017, en pleine restructuration financière d’Areva NP, Assystem avait accepté de prendre 5 % du capital du constructeur de réacteurs nucléaires pour 105 millions d’euros qu’EDF, lourdement endetté, ne voulait pas payer seul. Fin janvier, le groupe d’ingénierie a cédé sa participation à l’électricien pour presque le double (205 millions d’euros).
« EDF souhaite poursuivre son partenariat avec Assystem sur le long terme », a souligné à cette occasion Luc Rémont, PDG d’EDF. Autre marque de la proximité des deux groupes, Assystem a également annoncé en juin 2023 former une nouvelle alliance pour accompagner les projets nucléaires d’EDF dans toute l’Europe. « Le succès des projets nucléaires d’EDF en Europe dépend de la disponibilité d’une chaîne de sous-traitance européenne solide », souligne Thomas Branche, directeur général adjoint en charge des activités d’ingénierie chez Assystem.
C’est donc un partenaire de confiance. A-t-il le « go » de Bercy ? Interrogés, ni EDF ni Assystem, ainsi qu’Atos ou le ministère des Finances, n’ont souhaité faire de commentaires.
Les déclarations du ministre ont en tout cas été accueillies 5 sur 5 par d’autres prétendants potentiels, comme Scalian. Schneider, à un moment donné, selon des sources, n’aurait pas donné suite de sa part.
Mais aussi par les candidats au rachat d’Atos. Son premier actionnaire, favorable au maintien de la pépite nucléaire du groupe et de son précieux client EDF, a décidé de s’en séparer. « Ce que veut l’État, nous le voulons », affirme l’entrepreneur.
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