Assurance chômage : « On ne peut pas laisser passer cette réforme sans rien faire »
En lançant le 15 mai une pétition sur Change.org pour dénoncer l’échec de l’assurance chômage (signée depuis par près de 30 000 personnes), l’ancien technicien du spectacle savait qu’il allait se retrouver en première ligne. « Je ne cherche pas la lumière, il tient néanmoins à préciser. Mais nous ne pouvons pas laisser passer cette réforme sans rien faire. » Il est monté au créneau plus par solidarité que par crainte des effets de mesures à venir, qui ne le concerneront pas directement (il n’est plus indemnisé).
De l’autre, Alain incarne le calvaire vécu par les seniors sous l’ère Macron, qui ont dû subir la réduction des droits au chômage et le report de l’âge de la retraite. « En 2020, je me suis retrouvée privée d’emploi dans le cadre d’un licenciement collectif, il dit. Mon usine fabriquait du matériel d’éclairage pour les studios de télévision. Nous avons été rachetés par un groupe allemand qui a décidé de transférer toute la production en Italie. »
Le voilà sur le marché du travail, confronté à des discriminations à l’embauche. « Mon profil a été vu 464 fois par les recruteurs du site France Travail, affirme-t-il. J’ai eu deux entretiens : un emploi au Smic et un poste qui me convenait, mais j’étais trop vieux pour eux ! »
A court de droits, le chômeur ne doit sa survie qu’à la retraite de sa compagne, ancienne agente territoriale. Il lui faudra être patient : « J’ai validé 170 trimestres, mais la dernière réforme des retraites m’oblige à attendre le 1ereuh Juin 2025 pour partir ! Je vais devoir vivre des mois sans toucher aucun revenu… »
Céline, 54 ans : « Trouver huit mois de travail en Ardèche, c’est un enfer »
Depuis qu’elle a rejoint France Travail (ex Pôle emploi), il y a cinq ans, Céline n’a pas fait la fine bouche. « J’ai accepté tous les boulots merdiques qu’on me proposait »lance cette ancienne guide touristique basée en Ardèche, qui revendique vingt-cinq ans d’ancienneté et quatre langues maîtrisées sur le bout des doigts. « Je ruine ma santé en acceptant des petits boulots payés au smic, alors qu’avant je gagnais jusqu’à 3 000 euros par mois (pourboires compris) », elle explique. Récemment, elle a même été pionnière dans un collège catholique pendant six mois. Pour cette fille d’un militant communiste inscrit à la CGT, cette expérience s’apparente à « retourner à Tintin au pays des Soviétiques, mais à l’envers… »
Jusqu’à présent, elle parvenait à percevoir le chômage en prenant des CDD de courte durée, mais l’augmentation prochaine de la durée d’affiliation à huit mois au lieu de six est terriblement affligeante. « Retrouver huit mois de travail en Ardèche, ce sera un enfer pour tout le monde, elle craint. Il y a très peu d’emplois à temps plein toute l’année ici. Regardez les éleveurs vivant en couple : ils ne tiennent ensemble que parce que leur conjoint est fonctionnaire. »
A presque 55 ans, elle risque aussi de connaître le retard à 57 ans (au lieu de 55 aujourd’hui) d’entrée dans le secteur des seniors, qui permet aux chômeurs d’être indemnisés plus longtemps. Et ce n’est pas son petit ami, chauffeur de bus atteint d’une longue maladie, qui pourra subvenir seul aux besoins du couple. « Dans leur case, ils ne couvrent à 100 % que les trois premiers mois d’arrêt maladie, elle explique. Ensuite, il descend à 50 %. C’est pour ça que je dois faire le ménage. »
Guillaume P., 30 ans : « Avec la réforme, je n’aurais pas pu retrouver ce poste »
« J’ai perdu mon emploi en octobre 2022. Auparavant, je travaillais comme consultant en gestion dans de grandes entreprises, mais j’en avais marre des conditions de travail : dans ce milieu, on est constamment mis sous pression, quitte à oublier la frontière entre les deux. vie personnelle et professionnelle. Ce n’est pas pour rien que les cabinets de conseil sont frappés par une épidémie de burn-out. Le contenu du travail m’attirait également de moins en moins. Une fois au chômage, j’ai réalisé que je voulais autre chose. La fonction publique m’a tenté, à cause des conditions de travail, mais aussi parce que l’idée de servir l’Etat me parlait.
J’ai pu mettre à profit mes deux années d’indemnisation du chômage pour me reconvertir. Je voulais passer les examens de l’inspection des finances publiques, mais il fallait s’inscrire en septembre et c’était alors trop tard. Je me suis donc inscrit aux épreuves écrites en septembre 2023, puis j’ai passé l’examen oral en mars 2024. J’ai été accepté, mais ma formation de fonctionnaire stagiaire à la Direction générale des finances publiques (DGFIP) ne fait que commencer. en septembre prochain. En ce moment, je vis de mes allocations chômage : sinon, je ne pourrais pas payer de loyer à Nanterre (Hauts-de-Seine). Mais ce que j’ai pu faire sera désormais interdit aux demandeurs d’emploi, qui verront leur durée d’indemnisation réduite. La vérité est qu’avec la prochaine réforme, je n’aurais pas pu retrouver ce poste. »
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