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Arno Bertina, romancier : « Un beau et généreux projet social »

Après les résultats des élections européennes et l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron, Humanité publie cette chronique du romancier Arno Bertina.

Publié le 24 juin 2024
Mis à jour le 24 juin 2024 à 17h21

Pour moi, l’étranger, l’autre, c’est celui qui vote pour le RN. Aujourd’hui, je préférerais aborder celui-là, pour le distraire de cette violence. Aux électeurs du Nouveau Front Populaire, je n’ai rien à dire qu’ils ne sachent déjà.

Alors pourquoi répondre à cette invitation à Humanité ? Dire cela, c’est à la fois consolation et encouragement, étonnement et enthousiasme heureux. Dans la côte de Syrtes, publié en 1951, Julien Gracq en donne une longue description qui a valeur de démonstration : les populations qui consentent à la guerre ne prouvent en rien leur force ni leur vitalité ; ils n’ont plus le courage et l’énergie de lutter pour la paix, ils se livrent à la guerre, ce qui s’avère être un signe de décadence plutôt que de vigueur.

Toute la haine dont se nourrit l’extrême droite est de la même eau : elle prouve la dégénérescence – quoi qu’en pensent tous ceux qui se sentent plus forts d’avoir attaqué des bougnouls, des pédés ou des féminazis.

Et il est facile de voir cette façon de courir à la ruine :

– L’immigration expliquerait-elle l’insécurité ? Des élus RN ont été surpris par des policiers tentant de crever des pneus. Pourquoi faisaient-ils cela ? Prouver qu’il y a de l’insécurité en France. Mais les gens continuent de voter pour le RN.

– Son président annonce que le RN à Matignon ne reviendra pas, à terme, sur la réforme des retraites. Ils trahissent leurs électeurs mais la classe moyenne étranglée continue de dire aux sondeurs qu’elle votera pour le RN.

– Marine Le Pen a été adoubée par l’un des grands patrons français, Henri Proglio, ce qui fait que le CAC 40 ne la craint pas, même qu’il l’accueille. En effet, les députés RN ont voté contre l’augmentation du SMIC et la taxation des superprofits, donc l’école et l’hôpital publics continueront de ne plus être financés, et les aides sociales continueront de disparaître. Mais les gens pensent qu’ils vivront mieux avec 200 députés RN.

Tout cela est suicidaire, pas la moindre trace de vitalité chez ces électeurs qui vont se faire escroquer. Ils se sentent forts même s’ils sont comme des moutons décidés à voter pour le loup – l’image est bien connue, elle circule depuis au moins dix ans, mais elle ne cesse d’étonner.

Je parlais d’élan, d’encouragement…

Les néo-nazis défilent à Paris et à Lyon, tous leurs visages sont cachés par des foulards tête de mort et des lunettes noires. De tout temps, même sous le gouvernement de Vichy, l’extrême droite a su qu’elle n’avait pas la morale pour elle, elle a toujours su qu’elle devait se cacher derrière des foulards et des signatures anonymes au bas des lettres dénonçant les juifs et les résistants. Même au pouvoir, l’extrême droite a toujours su que c’était dégoûtant, au fond.

A l’inverse, même affligées par toute cette haine, par cette folie, les forces de gauche ont toujours été calmes. Le projet social est pragmatique et généreux, il s’agit de faire en sorte que les richesses produites soient partagées de manière plus équitable. Ce projet parle de la force de personnes qui s’ouvrent aux autres sans avoir peur de disparaître dans cette ouverture. Au moment où j’écris ces lignes, un ami publie les mots suivants sur Facebook : « Prends bien soin de toi en ce moment. Pensons à nous, pensons aux autres. » Cette douceur ne me rend pas faible ; au contraire, c’est pour me guérir de toute cette amertume qui me rend bilieux et d’extrême droite.

Je ne suis pas devin, je ne suis pas sondeur et je ne sais pas où nous serons, collectivement, le 8 juillet, mais je sais où sont la santé, la force et l’envie, l’humour aussi. Ce fut le cas dans la Résistance, ce fut le cas au Chili dans les années 1970, ce fut le cas en Iran récemment, c’est le cas aujourd’hui en France. Les anciens Gilets jaunes le disent : les échanges spontanés, la vie déverrouillée des ronds-points, des braseros leur manquent. Si l’extrême droite est si haineuse, c’est parce qu’elle considère la gauche comme rayonnante, enviable.

Face à l’extrême droite, ne lâchez rien !

C’est étape par étape, argument contre argument, qu’il faut combattre l’extrême droite. C’est ce que nous essayons de faire chaque jour dans l’Humanité.

Face aux attaques incessantes des racistes et des fauteurs de haine : soutenez-nous ! Ensemble, apportons une autre voix à ce débat public de plus en plus nauséabond.
Je veux en savoir plus.

William Dupuy

Independent political analyst working in this field for 14 years, I analyze political events from a different angle.
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