Dans le plan complet de réorganisation de la police municipale, présenté ce mardi 12 novembre par Pierre Hurmic, le maire de Bordeaux, une mesure retiendra toutes les attentions. Le maire écologiste a franchi une ligne idéologique : Bordeaux, comme une dizaine de communes de la métropole, va fournir des armes à feu à sa police municipale. Une première pour une ville écologique. « C’est une décision que je n’aurais pas prise au début de mon mandat », avoue-t-il. Une décision qui revient au seul maire : le sujet ne sera pas débattu en conseil municipal. Mais c’était, farouchement, au sein de la majorité : « Tout le monde n’est pas dans cette position mais celui qui décide, c’est moi », ajoute Pierre Hurmic.
Cinquante agents armés
Une « brigade de soutien et de sécurité » sera créée courant 2025, dotée d’une cinquantaine d’agents équipés d’armes de poing. Elle interviendra dans la journée, en soutien des autres brigades et dans toute la ville le soir, jusqu’à 2 heures du matin. « Elle s’inspire des bobbies anglais, dont certains seulement sont autorisés à détenir une arme à feu », indique Pierre Hurmic.
Les policiers amenés à travailler avec un pistolet feront l’objet d’un bilan médical et psychologique annuel, ainsi que d’une évaluation. A quoi s’ajoute une formation « exigeante, au-delà des normes fixées par la loi », précise Marc Etcheverry, adjoint à la sécurité. Outre cette mesure phare, la municipalité annonce la création d’une école de formation des policiers municipaux, et la tenue de constats généraux sur la délinquance et la précarité pour « prévenir l’entrée dans la consommation de drogue ».
Comme pour la vidéoprotection et désormais l’armement, Pierre Hurmic a réajusté le focus : « Bordeaux n’est pas épargné par les violences qui traversent notre société. Les faits et délits ont fortement augmenté de 2016 à 2019 (+ 24,3 % par an). Depuis 2021, ils augmentent de manière moins significative (+9,86%). (…) Cependant, je ne peux pas me satisfaire de ces résultats, d’autant qu’ils couvrent parfois des situations concrètes difficiles. Essentiellement, les premières victimes de l’insécurité, comme du réchauffement climatique, sont les personnes les plus vulnérables. » Ainsi, en équipant ses agents d’armes meurtrières, il avance sur un terrain qu’aucun de ses prédécesseurs de droite n’avait pris.
Réorganisation
Parallèlement, l’organisation de la police municipale sera revue du sol au plafond : « Elle doit avoir les moyens d’être une police pour tous, partout, tout le temps », argumente-t-il. Concrètement, cela passe par un redéploiement géographique. Le personnel sera affecté à cinq secteurs de la ville, chaque jour dans le même quartier pour les agents. Une manière de réinventer la « police de proximité » qui n’a pas survécu à la présidence Sarkozy. Sauf que cette fois, il sera déployé sous le drapeau municipal, non plus sous celui de la police nationale. Pour les missions d’îlotage, de prévention, de dissuasion et de répression.
« C’est une prise en compte de nos doléances, ce qui est une bonne nouvelle »
« Nous saluons cette décision. L’armement, même partiel, doit permettre à une unité équipée d’armes de poing d’être disponible à toute heure du jour ou de la nuit, afin d’agir avec une sécurité maximale. C’est une prise en compte de nos doléances, une bonne nouvelle, qui s’accompagne d’un nécessaire projet de réorganisation. Les choses vont dans le bon sens », constate Jérôme Desorthe, délégué CGT et policier municipal. Les agents relayés par le syndicat se sont mobilisés l’été dernier pour demander notamment l’armement.
La décision devrait également faciliter le recrutement. La Ville s’est engagée à embaucher 30 policiers supplémentaires d’ici 2026 dans le cadre du Contrat de sécurité intégrée (CSI) signé avec l’État : « Le problème à Bordeaux, c’est qu’on avait des agents qui venaient puis repartaient faute d’armes. C’est un critère de fidélité», ajoute le représentant syndical.
Ligne rouge
Dans le plan dévoilé ce mardi, figure une doctrine pour l’emploi de la police municipale. Un document qui souligne ses prérogatives, ses droits, ses devoirs et la répartition des rôles entre agents nationaux et municipaux.
Outre la demande d’installation d’une société CRS permanente, ce sujet sera abordé lors de la prochaine rencontre entre Pierre Hurmic et Bruno Retailleau, le ministre de l’Intérieur. En préparation pour la place Beauvau, un projet prévoit d’étendre les pouvoirs des polices municipales en leur accordant le statut d’officier de police judiciaire. Une ligne rouge, une nouvelle, pour Bordeaux.
Police municipale en Gironde
Selon les statistiques 2023 de la préfecture, 120 communes disposent d’une police municipale dans le département. 232 agents, répartis dans 80 communes, sont équipés d’armes à feu. 304 agents répartis sur 36 communes sont équipés d’un pistolet à impulsions électriques. 30 agents répartis sur quatre communes sont équipés de lance-balles de défense.