Arié Alimi : « Les avocats ont un rôle de conseil, de recours et d’accompagnement »

Depuis le début du mouvement des retraites, ce sont « Plusieurs dizaines » de personnes, interpellées dans ou autour d’une manifestation qu’Arié Alimi est allé défendre dans les commissariats, et pour certaines, jusqu’à une comparution immédiate.
Habitué de cette action de terrain qu’il mène depuis de nombreuses années, l’avocat détaille le rôle des robes noires dans la défense des libertés publiques.
Comment les avocats interviennent-ils en soutien au mouvement social ?
Tout d’abord, avant même les journées d’action, nous pouvons avoir un rôle de conseil pour rappeler aux citoyens qui manifestent quels sont leurs droits, y compris en cas d’interpellation, et quel est par exemple l’état de la jurisprudence sur des sujets comme demandes d’empreintes digitales ou de code téléphonique.
Deuxième action, en lien avec les associations : lancer des recours administratifs contre les interdictions de manifester, leur publication très tardive, voire inexistante, par la préfecture de police ou d’autres pratiques que nous estimons contraires à la loi, comme le fait de sanctionnant la simple possession de lunettes de natation en signe de protestation.
Troisième action : défendre les manifestants, et les non-manifestants, lorsqu’ils sont interpellés, sachant que la pratique des pièges par la police ne permet pas de faire la distinction entre les deux.
Comment les avocats sont-ils organisés pour ce travail ?
Il y a plusieurs collectifs, à Paris et en province, qui se mobilisent particulièrement. Ils interviennent en complément des avocats commis d’office, qui ne sont pas tous formés à ce qui est malheureusement devenu une véritable spécialité : la défense des victimes d’arrestations massives lors de manifestations.
Certaines organisations, comme Alternatiba ou Extinction Rebellion, ont aussi leurs propres avocats, car elles savent que lorsqu’elles mènent des actions très visibles, elles subiront une répression importante.
Les menaces contre ces avocats sont-elles montées d’un cran ces derniers temps ?
Oui, un seuil a été franchi. Quand le ministre de l’Intérieur dit vouloir engager la dissolution des Soulèvements de la Terre ou de la Défense collective, à Rennes, quand des poursuites sont engagées contre certains avocats, dont moi-même, à l’initiative du préfet de police de Paris, évidemment, cela veut dire que nous essayons d’attaquer les « défenseurs des défenseurs ».
C’est un classique quand il y a une dérive autoritaire. Pourtant, nous ne sommes pas si nombreux à faire ce travail, souvent à titre bénévole, alors que le contentieux est énorme. En ciblant les avocats, on cherche à fragiliser tout le tissu de défense des libertés publiques.
Quelles sont les spécificités de la répression contre ce mouvement sur les retraites par rapport à celle des gilets jaunes, par exemple ?
Certaines pratiques utilisées pour les gilets jaunes se sont renouvelées ces dernières semaines, comme les arrestations massives et illégales. C’est une spécificité de la préfecture de police-parquet dont l’objectif est de s’attaquer directement aux manifestations en limitant le nombre de ceux qui défilent.
Ensuite, si pendant les gilets jaunes, les interpellés étaient massivement renvoyés devant le tribunal correctionnel, là, la grande majorité des personnes interpellées sont relâchées sans poursuites.
Autre spécificité : alors que le LBD (lanceur de balle de défense) était fréquemment utilisé contre les gilets jaunes, cette fois, ce sont plutôt les matraques et les grenades qui sont de sortie.
Enfin, nous avons constaté qu’il y avait beaucoup plus de personnes, parmi les personnes arrêtées, qui n’ont même pas manifesté et ont été arrêtées simplement parce qu’elles se trouvaient au mauvais endroit au mauvais moment. Le filet était vraiment large. L’espace public devait être nettoyé.
Grb2