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Argentine : comment Javier Milei a réussi à dégager un premier excédent budgétaire

Argentine : comment Javier Milei a réussi à dégager un premier excédent budgétaire

C’est un premier pas, mais l’Argentine n’est pas encore sortie du bois. Pour la première fois depuis 2015, le pays a réussi à dégager un excédent budgétaire trimestriel. L’excédent a atteint 200 milliards de pesos, soit 0,2 point de PIB, sur les trois premiers mois de 2024.

A titre de comparaison, le déficit public a atteint 5,2% du PIB l’année dernière. L’ajustement est donc gigantesque. C’est une véritable thérapie de choc. Le fantasque et très libéral président argentin, Javier Milei, n’a pas manqué de souligner ce succès la semaine dernière.

L’inflation bondit

Cela est dû à trois raisons. « Premièrement, une partie des dépenses, qu’il s’agisse de certaines prestations sociales ou de cotisations universitaires, a été désindexée de l’inflation », explique Carlos Quenan, professeur d’économie à l’université Sorbonne Nouvelle et vice-président de l’Institut des Amériques.

Ensuite, « les transferts budgétaires aux provinces ont été réduits. Il y a eu également des milliers de départs d’agents contractuels de l’État. Enfin, les paiements aux fournisseurs ont été retardés, comme ceux qui devaient être effectués à Cammesa, le fournisseur en gros d’électricité du pays », poursuit l’économiste. Dans le même temps, les revenus ont été gonflés par l’inflation. Et à la suite de la forte dévaluation de décembre 2023, les taxes sur les importations ont été augmentées.

L’économie argentine étant fortement dollarisée, toute dépréciation du taux de change se traduit rapidement par une hausse de l’inflation. C’est ce qui s’est produit en décembre dernier avec les trois premières décisions de Javier Milei : la libéralisation des prix, l’arrêt des subventions et la dévaluation de plus de 50 % du peso argentin. Les prix ont bondi de 288 % en mars sur un an dans le pays, un record mondial. « L’inflation est le mal originel de l’Argentine », juge François Faure, économiste chez BNP Paribas.

Sur sa page d’accueil, l’Insee local préfère afficher le taux d’inflation mensuel : 11 % en mars par rapport à février. C’est mieux que les 25% enregistrés en janvier, mais cela n’empêche pas le FMI d’atteindre une inflation de 250% pour l’année 2024 ! Bref, les prix s’envolent et il faut vite stopper ce mouvement. Cela passe nécessairement par l’arrêt du déficit budgétaire, financé par la banque centrale, c’est-à-dire par l’impression de monnaie, technique le plus souvent inflationniste. Selon cette recette orthodoxe, la demande doit être contenue pour stabiliser l’économie.

Récession

Mais les difficultés perdureront pendant des mois, voire des années. « L’amélioration des finances publiques reste fragile car plus cyclique que structurelle », estime Ariel Emirian, économiste à la Société Générale.

Si Javier Milei souhaite que l’État argentin génère cette année un excédent budgétaire primaire, avant paiement des intérêts de la dette, de 2% du PIB, « la détérioration de l’économie pourrait remettre en question cet objectif », selon Carlos Quenan. « L’Argentine est en récession depuis près d’un an et cela va se poursuivre cette année. Le resserrement de la politique budgétaire et de la politique monétaire ne peut que réduire le PIB », selon Ariel Emirian. Le FMI s’attend à une baisse de 2,8% cette année.

Dans le même temps, « même sans majorité au Sénat et à l’Assemblée nationale, le gouvernement peut réussir à faire adopter des réformes en s’alliant avec d’autres partis. Un programme de privatisation doit être lancé. Cela peut mettre le pays sur la voie de l’assainissement mais avec un coût social très élevé », estime François Faure. D’autant que les relations avec le FMI, le banquier de Buenos Aires, se sont nettement réchauffées.

La population souffre énormément. Cette semaine, des centaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue contre la politique de Javier Milei. «Les réformes qu’il entend faire adopter se heurtent à de nombreuses résistances de la part des syndicats et de la fonction publique. C’est pourquoi le gouvernement souhaite procéder à un ajustement rapide et brutal. Parce qu’il sait que le corps social argentin ne patientera pas longtemps», explique Ariel Emirian.

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