Le spectre de la « crise suicide » plane toujours sur Orange, quinze ans après. Alors que l’ancien PDG Didier Lombard a comparu mercredi 13 novembre devant la Cour de cassation, contestant sa condamnation pour harcèlement lié aux suicides en série chez France Télécom entre 2008 et 2010, « il y a eu un autre suicide mardi », indique Valérie Guigot, élue de SUD35. union, 20 minutes.
Dans une entreprise de 65 000 salariés, « on en a eu quatre depuis le 1er octobre », constate Sébastien Crozier, président du syndicat CFE-CGC Orange, et une trentaine de suicides et tentatives de suicide en deux ans, « une série assez choquante ». « L’ambiance est très lourde », confirme Valérie Guigot, qui précise que « tous les secteurs sont concernés, de la finance aux boutiques ».
Une transformation forcée
La nouvelle stratégie, baptisée « Lead the future », vise à transformer Orange « à tout prix ». Un important plan de départs volontaires a particulièrement touché l’activité d’Orange, avec 648 suppressions de postes. « Plus de 90 % des postes concernés étaient couverts par le plan de départs volontaires. Restent une quarantaine de situations à examiner au cas par cas pour trouver une solution qui convienne à chacun. Il n’y aura pas de départs contraints, pas de licenciements », assure Orange, contacté par 20 minutes. Mais les syndicats sont sceptiques quant aux méthodes utilisées. « Des chantiers risquent de fermer en région, les déplacements de service représentent 1h40 de transport en région parisienne », énumère Valérie Guigot.
Surtout, l’équipe dirigeante semble complètement déconnectée de la période difficile que vivent les salariés. « Le salaire de Christel Heydemann, la directrice générale, a doublé par rapport à son prédécesseur. Les salaires des membres du Comex augmentent, nous explosons la distribution d’actions gratuites mais nous sommes revenus à 0 % de part salariale sur les salaires pour forcer les gens à partir », dénonce Sébastien Crozier. Autant dire qu’Orange semble bien se porter, mais ne le partage pas avec ses salariés.
Un suicide reconnu comme accident du travail
« L’industrie évolue très vite et nous devons nous adapter aux changements technologiques pour anticiper l’évolution de nos métiers », explique Orange. Mais là encore, « le cœur de métier, les réseaux et le SI, ça fait quatre suicides en un an », déplore Sébastien Crozier. « Il faut simplifier notre informatique qui est ancienne, mais de là à déstabiliser les gens à ce point… »
Des enquêtes sont en cours sur la qualification de ces suicides. En les discutant, syndicats et direction prennent toutes les précautions. « Si votre vie professionnelle est dégueulasse, votre vie amoureuse et amicale peut en ressentir les effets, et à la fin elle se brise », pointe Sébastien Crozier.
Pour la première fois depuis 2009, un suicide a été reconnu comme accident du travail en 2023, comme le révèle une enquête de France Info. La crise sociale de la fin des années 2000 est dans toutes les têtes. « On peut faire des parallèles, l’histoire risque de se répéter », estime Valérie Guigot. Mais « chaque drame humain est suivi de près par l’équipe dirigeante », précise Orange, qui précise que « plus de 500 personnes travaillent chaque jour à la prévention ». « Nous n’avons constaté, à ce jour, aucune dégradation des indicateurs de qualité de vie au travail de nos salariés », conclut Orange.