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Après plus de 15 ans de reconstruction épique, « Napoléon » d’Abel Gance ressort au cinéma

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Capture de film "Napoléon" d'Abel Gance en version restaurée (2024) (CINEMATHEQUE FRANCAISE/PATHE)

Estimée à plus de quatre millions d’euros, la restauration de ce chef-d’œuvre du cinéma français et mondial de 1927, menée par la Cinémathèque française, va enfin permettre de le présenter au public, en deux parties, à partir du mercredi 10 juillet.

C’est la fin d’une incroyable aventure qui a duré plus de quinze ans. Tout a commencé en 2007, lorsque la Cinémathèque française a demandé au réalisateur et chercheur Georges Mourier de réaliser un inventaire des différentes pièces du Napoléon d’Abel Gance, sorti en 1927, dispersé dans près de 300 cartons (il y en aura plus de 1 000 au total, en comptant ceux de la collection du CNC), sachant que 22 versions différentes du film ont existé au fil du temps, pour une mission qui n’aurait dû durer normalement que six mois. « Dès les premières boîtes que j’ai ouvertes en 2008, je comprenais déjà que, compte tenu de la situation patrimoniale du film, si on se lançait dans une restauration, les outils numériques et mécaniques dont on aurait besoin n’existaient pas encore, se souvient Georges Mourier. Nous avons donc d’abord attendu des années pour être sûrs que c’était faisable, je n’ai pas compté le nombre de rapports d’étape et d’études de faisabilité que j’ai rédigés pour la Cinémathèque française. »

Inventaire, puis expertise, et enfin place à la restauration proprement dite, qui n’a véritablement débuté qu’en 2017 au Fort de Saint-Cyr, dans les Yvelines. En attendant, il a fallu patiemment remettre le film en ordre et attendre que la technologie fournisse des appareils suffisamment modernes pour restituer les images, au nombre de 600 000, puisque l’intégralité du film, qui ressort en salles en deux parties, dure environ 7 heures 30.

Le réalisateur et chercheur Georges Mourier, chargé de la reconstitution du film "Napoléon" par Abel Gance, en juillet 2024 à Paris.  (MATTEU MAESTRACCI/ FRANCEINFO/ RADIO FRANCE)

Mais tout cela en valait la peine, car très objectivement nous sommes vraiment face à un chef-d’oeuvre et à un morceau du patrimoine cinématographique mondial. Avec cette impression très émouvante d’assister à la naissance même du septième art, c’est le cas par exemple de la première partie du film, à Brienne, l’école militaire, où Bonaparte enfant joue dans la neige.

Lorsque le film fut officiellement projeté devant un public restreint (presse et invités) d’abord au Festival de Cannes le 14 mai puis à Bercy quelques jours plus tard, le directeur de la Cinémathèque Frédéric Bonnaud ressentit un mélange d’émotion et de fierté, mais aussi une forme de soulagement : « Chaque nouveau problème ou contretemps qui se présentait, technique ou autre, nous obligeait à trouver des solutions différentes. J’avais en fait assez hâte, je dois l’avouer, de laisser le film, de le sortir au public. Et de laisser d’autres que nous s’emparer de cette version de Napoléon, l’aimer, la rejeter, la discuter, la contester ou l’idolâtrer, comme ils veulent, mais que d’autres que moi s’en occupent. Napoléon et que cela occupe leurs pensées.

« Nous avons le sentiment d’être arrivés au terme d’une aventure longue et parfois compliquée, qui nous a choisis plus que nous ne l’avons choisie. »

Frédéric Bonnaud, directeur de la Cinémathèque française

à franceinfo

Pour cette restauration hors du commun, d’un coût d’un peu plus de quatre millions d’euros, la Cinémathèque a pu bénéficier notamment du soutien de Netflix, devenu mécène Napoléon en 2019.

Si plusieurs scènes du film nous semblent inoubliables, c’est aussi grâce à sa musique. L’accompagnement musical du film – muet à l’origine – est un élément essentiel de cette version moderne, fondamental même. Là aussi, il faut saluer le travail titanesque accompli par le compositeur Simon Cloquet-Lafollye qui a puisé pendant trois ans dans 100 œuvres classiques existantes, rejouées par 200 musiciens des trois formations musicales de Radio France, à savoir « un immense poème symphonique sur sept heures de musique ininterrompue. »

« Le film de Gance est un film colossal, c’est la fin du grand cinéma muet, le parlant arrive, c’est vraiment le dernier grand film épique, souligne Simon Cloquet-Lafollye. Il fallait donc trouver une partition de son excès, d’une certaine manière, il a fallu réarranger la musique allant de Joseph Haydn, fin du XVIIIe siècle, à Krzysztof Penderecki, fin du XXe siècle, pour créer une musique qui transcende les genres et les époques, et qui ne ressemble qu’à la Napoléon par Abel Gance. »

Et dans l’une des séquences les plus incroyables du film, en musique et en chant, Rouget de Lisle et Danton apprennent ce qui va devenir La Marseillaise au peuple, au couvent des Cordeliers à Paris.

Le mercredi 10 juillet, le film sera enfin projeté en salle, aussi bien pour les cinéphiles qui connaissent déjà l’ancienne version que pour les chanceux qui le découvriront pour la première fois. Si Georges Mourier, principal artisan de ce tour de force artistique, devait encourager les gens qui hésitaient à aller voir un vieux film muet qui a duré plus de sept heures, il leur dirait « C’est une expérience cinématographique unique. Avec le délire visuel, la joie de créer qu’il y a dans ce film, qui fait qu’il reste très moderne, avec à l’intérieur plein d’idées pour le cinéma de demain. Je crois que c’est seulement dans Apocalypse Now (Francis Ford Coppola, 1978) et cette attaque en hélicoptère avec la musique de Wagner que j’ai vraiment ressentie. Donc c’est une expérience physique et sensuelle, au-delà même d’une expérience cinéphilique. »

Au fil du temps, cette reconstruction de Napoléon a même fini par devenir aussi légendaire que le film lui-même.

Malagigi Boutot

A final year student studying sports and local and world sports news and a good supporter of all sports and Olympic activities and events.
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