Après l’incendie d’une Mercedes électrique, l’Europe va-t-elle copier la Corée du Sud et imposer des restrictions sur les batteries ?
Le 1er août 2024, une Mercedes-Benz électrique a pris feu dans un parking souterrain de la banlieue de Séoul, en Corée du Sud. L’incendie a provoqué une onde de choc dans tout le pays, tant sur le plan politique que médiatique, et pourrait établir une nouvelle norme en matière de législation sur les batteries de voitures électriques. Voici ce que vous devez savoir.
Pour le grand public, la voiture électrique reste un sujet de préoccupation. En termes d’autonomie et de recharge, certes, mais aussi en termes de longévité et de sécurité des batteries.
Si les trois premiers points sont facilement réfutables, le dernier vient de provoquer un véritable tollé en Corée du Sud. Le 1er août, une Mercedes-Benz EQE a pris feu dans un parking souterrain, de quoi créer une sorte de psychose dans le pays. Voici ce qui s’est passé.
Rappel des faits
LE Corée du Nord raconte l’histoire. Une Mercedes-Benz EQE, garée depuis trois jours sans être branchée, a soudainement pris feu dans un parking souterrain d’Incheon, une banlieue de Séoul.
L’incendie a duré huit heures, détruisant 40 voitures et en endommageant 100 autres. Selon les premiers rapports, un dysfonctionnement du système anti-incendie a aggravé le bilan. Heureusement, il n’y a pas eu de victimes, mais 20 habitants ont dû être hospitalisés en raison de l’inhalation de fumée.
La cause de l’incendie n’est pas encore connue, mais l’enquête est en cours.
Réactions en chaîne
Le gouvernement s’implique
Il n’en demeure pas moins que cet incendie a créé une véritable onde de choc au niveau national – le contexte n’a rien arrangé, puisque le pays a été endeuillé en juin par un incendie meurtrier dans une usine de batteries lithium-ion, où 22 personnes ont perdu la vie.
Le gouvernement s’est donc saisi du dossier et a annoncé plusieurs mesures, dont Corée du NordLa plus importante concerne l’obligation des constructeurs de voitures électriques de communiquer leurs fournisseurs de batteries haute tension, ainsi qu’un certificat de fiabilité des batteries.
La Mercedes-Benz en question était équipée de batteries NMC (nickel-manganèse-cobalt) fournies par Farasis, un constructeur chinois… qui s’était récemment vanté de la durabilité de ses batteries. Un constructeur à la réputation douteuse en Asie, rappelle-t-on. Numeramapuisqu’un rappel a eu lieu en Chine en 2021, précisément en raison d’un risque d’incendie dans sa batterie.
La ville de Séoul a son mot à dire
Un troisième article du Corée du Nordpreuve de l’intérêt du pays pour le sujet, indique que la ville de Séoul veut aller encore plus loin en interdisant le stationnement souterrain des voitures électriques chargées à plus de 90% de leur batterie.
A noter que ce pourcentage est basé sur la capacité totale de la batterie, et non sur la capacité réellement exploitable (les constructeurs gardent toujours quelques pourcents comme « tampon » pour une meilleure autonomie de la batterie). Séoul veut donc forcer les constructeurs à augmenter cette capacité tampon, avec, là aussi, un certificat garantissant le fonctionnement.
Les bornes de recharge sont également dans le collimateur de la capitale, qui souhaite que les bornes rapides (à courant continu) des équipements publics s’arrêtent automatiquement lorsque la batterie atteint 80%. La municipalité cite les recharges excessives comme l’une des principales causes d’incendies.
La Corée a également une particularité concernant les bornes de recharge : toujours selon la Corée du Nordles bornes installées dans les parkings souterrains sont légion. 91% des bornes privées au niveau national sont situées dans les sous-sols des immeubles.
Les fabricants prennent les devants
Face aux exigences gouvernementales, les marques de voitures électriques commencent à dévoiler les fournisseurs de leurs batteries lithium-ion.
Hyundai et Kia, les constructeurs nationaux, vont plus loin et ont annoncé dans un communiqué une campagne d’inspection gratuite des batteries de toutes leurs voitures électriques.
Les deux marques, appartenant au même groupe, ont également dévoilé une nouvelle version de leur BMS (Système de gestion de batterie). Ce système est responsable de la bonne santé de la batterie, gérant sa charge et sa décharge, mais aussi ses besoins de refroidissement, etc.
Bref, un système crucial, et cette nouvelle version vise à renforcer la sécurité. La marque assure ainsi que « La probabilité de problèmes causés par une surcharge est proche de zéro pour cent ».
Les voitures électriques prennent-elles vraiment plus feu que les voitures thermiques ?
Un peu de chimie
Voilà pour ce rappel des faits. Passons maintenant à ce qui est sans doute plus intéressant : les voitures électriques ont-elles vraiment tendance à prendre feu sans raison ?
Ce qui est vrai, c’est qu’un incendie de batterie lithium-ion dans une voiture électrique est extrêmement long et compliqué à éteindre. D’une part, parce que la batterie contient d’énormes quantités d’énergie (de 40 à 120 kWh selon les modèles), mais aussi parce que ses constituants chimiques peuvent libérer de l’oxygène en brûlant, ce qui peut auto-alimenter l’incendie.
Attention, toutes les batteries ne se valent pas. Deux grandes chimies se partagent le marché des voitures électriques : la NMC, qui équipe la Mercedes en question, et la LFP (lithium-fer-phosphate).
Les batteries NMC ont une densité énergétique plus élevée, ce qui en fait le choix privilégié pour les voitures électriques hautes performances, mais elles peuvent être plus instables chimiquement. Les batteries LFP, en revanche, sont moins chères et ont une densité énergétique plus faible, ce qui en fait un bon choix pour les segments d’entrée de gamme. Elles offrent cependant un niveau de sécurité plus élevé – BYD en fait un argument de vente pour ses batteries LFP maison, les fameuses Blade.
Des chiffres parlants
Les batteries NMC sont peut-être un peu moins stables chimiquement que les LFP, mais revenons en arrière : une voiture électrique, de manière générale, brûle beaucoup moins souvent qu’un équivalent thermique.
La compagnie d’assurance américaine Assurance autoEZ a ainsi compilé les départs d’incendies aux États-Unis en 2023 par type de motorisation. Les résultats sont éloquents : pour 100 000 voitures électriques vendues, 25 d’entre elles prennent feu. Ce chiffre monte à 1 530 pour une voiture thermique… et même 3 475 pour les hybrides, bien que l’âge moyen soit inférieur à celui des voitures thermiques.
Tesla fouille également dans ses données et indique, toujours aux États-Unis, qu’une Tesla prend feu tous les 130 000 000 miles parcourus (209 214 720 km) sur l’ensemble de la flotte, alors que la moyenne américaine est d’un incendie tous les 18 000 000 miles parcourus (28 968 192 km). Une baisse de 86 %.
Des décisions bientôt en Europe ?
Au vu de ces chiffres, on peut se demander si les décisions prises par la Corée du Sud ont du sens et si elles pourraient traverser les frontières.
Notons cependant que la demande du gouvernement coréen aux industriels de fournir les noms de leurs fournisseurs de batteries aura bientôt un équivalent en Europe : le passeport batterie.
Son intérêt est avant tout écologique, permettant une meilleure traçabilité de ses différents composants, mais permet aussi de connaître le nom des fournisseurs. Il sera obligatoire en 2026, mais Volvo a pris les devants en l’introduisant sur son EX90.
L’idée d’augmenter la zone tampon des batteries pour éviter les surcharges – demandée uniquement par la ville de Séoul et non par l’ensemble du pays – est peut-être plus compliquée à mettre en œuvre. Elle obligerait les constructeurs à réduire l’autonomie annoncée de leurs voitures électriques, ce qui pourrait faire froncer les sourcils.
D’autant que les bornes communiquent avec la voiture : si le fameux BMS détecte un problème, la charge s’arrêtera automatiquement. Bref, il y a peu de chances de voir cette idée se répandre.