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Après les législatives, les électeurs de gauche en Haute-Vienne réclament des changements

Après les législatives, les électeurs de gauche en Haute-Vienne réclament des changements

A l’image des résultats nationaux de dimanche, cette région de gauche a bloqué la réélection par le RN d’un député socialiste. « C’est comme un contrat, j’attends maintenant des garanties », prévient un habitant de Saint-Junien, où franceinfo s’est rendu.

Lentement, l’agenda de Stéphane Delautrette commence à se remplir. En fin de semaine, le député est attendu dans sa circonscription, la deuxième de Haute-Vienne, pour les traditionnelles commémorations du 14 juillet. L’élu socialiste connaît la chanson, ce ne seront pas ses premières. Mais cette année, encore plus que d’habitude, une tenue correcte est de mise : « profile bas » Et « humilité ».

Au second tour des législatives, dimanche 7 juillet, il a conservé son siège à l’Assemblée nationale, devançant de 7.000 voix la candidate du Rassemblement national Sabrina Minguet (56,06% contre 43,94%). Son entourage l’a prévenu : « C’est bien, mais ce n’est pas un raz-de-marée. »

Située au sud-ouest de Limoges, la deuxième circonscription de la Haute-Vienne, territoire historiquement de gauche, affiche des résultats en miniature du bouleversement politique qu’a connu la France : une course à trois évitée de justesse après le retrait du candidat à la présidentielle, et une gauche qui résiste grâce à un front républicain solide. Réélu sous l’étiquette du Nouveau Front Populaire, Stéphane Delautrette a « pleinement » conscience : « Si je suis encore là, c’est évidemment aussi parce que le barrage a fonctionné. Je sais que les gens attendent de moi des résultats, encore plus que lors de ma première élection en 2022. Je sais que les gens ont pu hésiter. »

Evelyne, la cinquantaine, les cheveux courts et grisonnants, fait partie des 36 679 électeurs de la circonscription qui ont sauvé « Le soldat Delautrette ». « J’ai dit à mon mari que c’était un vote conditionnel, recadre l’enseignante rencontrée avant un rendez-vous chez son médecin, à Saint-Junien. C’est comme un contrat, j’attends maintenant des engagements de la part du député. Mon bulletin n’est pas seulement un spectacle. Notre quotidien doit s’améliorer. Nous leur avons sauvé la mise, maintenant ils doivent se mettre en route.

En Limousin comme ailleurs, les services publics disparaissent les uns après les autres. Les impôts ? Réduits à néant. La Poste ? Les tournées sont de plus en plus longues, et les facteurs craquent : ils étaient encore en grève début juin. La SNCF ? La liaison ferroviaire entre Saint-Junien et Angoulême a été supprimée en 2018.. Il faut prendre le bus : 1h30 les bons jours, deux heures les mauvais jours. Et pourtant, ce n’est qu’une soixantaine de kilomètres.

« En Haute-Vienne, on a appris à faire 20 kilomètres en voiture pour pouvoir bénéficier d’un minimum de services publics. On a perdu la notion de proximité. »

Evelyne, habitante de Saint-Junien

à franceinfo

Annie, commerçante du centre de Saint-Junien, est furieuse. « On nous dit de prendre les transports en commun. Très bien, mais lesquels ? Nous n’en avons pas ! » Son dentiste part à la retraite à la fin de l’année. « Après ? Je ne sais pas. Je ne sais pas qui voudra m’emmener. » L’autre jour, une cliente lui racontait qu’elle avait attendu quatorze heures dans les couloirs des urgences de l’hôpital local avant d’être prise en charge. « J’ai voté pour M. Delautresse aussi pour que ce type de problème s’améliorerépète-t-elle, avant de retourner dans sa boutique, où trois clients viennent d’entrer. « On ne peut pas jouer avec la santé des gens. »

Les urgences de Saint-Junien sont parfois contraintes de fermer par manque de personnel. « La dernière fois, c’était en avril, rappelle Ludovic Lagarde, délégué CGT et infirmier. Mais en un an, cela s’est produit une vingtaine de fois. Tout ce qui a été endommagé doit être réparé. Mais Les députés de gauche ne doivent pas faire semblant : « Nous ne voulons pas d’affichage, nous voulons quelque chose de concret. »

A « Saint-Ju », bastion historique de la gauche, on flâne place Lénine, on joue au basket au gymnase Maurice-Thorez et on étudie à l’école Jean-Ferrat. Pourtant, là aussi, le Rassemblement national monte, monte, monte. Au premier tour des législatives, Sabrina Minguet, la candidate d’extrême droite, a fait jeu égal avec Stéphane Delautrette. A Oradour-sur-Glane, village martyr de la barbarie nazie pendant la Seconde Guerre mondiale, elle a même terminé avec neuf points d’avance sur lui… Du jamais-vu.

Assise devant sa sandwicherie, en face de la collégiale Saint-Junien, Zorha demande avec désinvolture : « J’ai voté pour le monsieur de gauche. Est-ce qu’il y a des choses dans son programme pour que les gens se parlent et se respectent ? » La commerçante a beaucoup de choses en tête. Pour la première fois, elle a été victime d’une insulte raciste lors des deux tournées. « Un homme s’est arrêté dans mon restaurant et m’a dit : ‘Toi, l’Arabe, lundi, tu te perds !’ Je me suis sentie sale, humiliée. J’ai fondu en larmes. » La commerçante s’essuie les mains sur son tablier bleu : « Dites au député que tout doit redevenir comme avant. »

A l’usine, Denis Tabesse constate également que « ça s’effondre ». Comme beaucoup dans le secteur, il travaille dans le papier et le carton. Et comme ailleurs, « Les gens votent de plus en plus pour le RN. » « J’ai des collègues qui n’y arrivent pas. Un travail en trois équipes, un salaire de misère, pas assez riche pour vivre près de l’entreprise, 80 km aller-retour par jour. Mais ils ont bloqué l’autre voie, en votant pour l’extrême droite.lâche, amer, le secrétaire du syndicat local CGT. Il va falloir qu’on aille les chercher. A ses yeux, pour les députés de gauche, « Le plus dur reste à faire. Ils ont jusqu’à la prochaine élection présidentielle, pour prouver aux électeurs qu’ils ont bien fait de voter pour eux ».

Le député Stéphane Delautrette, lui-même fils d’ouvrier, acquiesce sur un ton sérieux. « Mon sentiment est qu’on nous donne une dernière chance. Si nous n’avançons pas sur la question du pouvoir d’achat, sur la peur du lendemain, sur le sentiment d’être déclassé, alors La prochaine fois, les électeurs nous feront payer cash. Ils ne nous pardonneront pas.

Son agenda devrait également se remplir à nouveau. Le syndicat local de la CGT l’invitera bientôt à « un moment d’échanges pour faire le point sur les enjeux locaux. » Dans l’invitation, Denis Tabesse précisera : « J’espère que tu as du temps libre. »

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