École renommée, fermeture du centre dédié à sa mémoire… La ville de Seine-Maritime où est enterré le fondateur d’Emmaüs depuis 2007 a été choquée par les multiples accusations de violences sexuelles portées contre lui.
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Un par un, ils ont tous été démontés. Sur les bords des routes menant au village d’Esteville (Seine-Maritime), il n’y a plus aucun panneau informant les automobilistes du lien historique de la commune avec l’abbé Pierre, qui y repose. Une association devenue encombrante depuis la publication, en juillet 2024, des premiers témoignages accusant l’homme de l’Église de violences sexuelles. Alors que neuf nouvelles accusations ont été révélés dans un reportage, lundi 13 janvier, franceinfo s’est rendu dans cette ville de 500 âmes, qui tente désormais de tourner cette page, non sans quelques réticences.
L’imposante demeure en briques rouges où il a élu domicile dans les années 1990 trône au milieu du village. Mais ses portes sont désormais fermées. Impossible, pour Emmaüs et la Fondation Abbé-Pierre, d’assumer l’entretien d’un lieu de mémoire dédié à une figure désormais contestée. Une fermeture définitive aux conséquences graves : les neuf salariés du centre ont été licenciés pour raisons économiques dans un courrier reçu quelques jours après Noël, rapporte « ici Normandie ».
Cette mesure constitue un coup dur pour la ville, dont l’attractivité reposait essentiellement sur l’aura de l’icône de la lutte contre le mal-logement. Il y a quelques mois à peine, des groupes de visiteurs sont venus « en pèlerinage » à Esteville, se souvient Guillaume, 40 ans. « Maintenant c’est triste, c’est bizarre, on ne voit plus de bus, on ne voit plus d’enfants dans la rue. » Un rugissement brise soudain la quiétude des lieux : un tracteur passe. Il remorque sur sa caravane l’un des chalets qui se dressaient dans l’immense parc attenant au manoir. Sur l’un des murs de la construction boisée apparaît le visage de l’abbé, représenté avec un enfant à ses côtés.
L’effacement ne s’arrête pas au cadre extérieur. Une partie du matériel du manoir a été reversée à d’autres centres Emmaüs ces dernières semaines. Ils y seront revendus ou serviront à les équiper. « Nous avons reçu une caisse, des tickets de caisse, deux étagères… »» énumère sans grand enthousiasme un membre d’Emmaüs de Notre-Dame-de-Bondeville, à une vingtaine de kilomètres de là. La municipalité, quant à elle, a récupéré des cabanons, des tables, des chaises, des réfrigérateurs, gracieusement offerts par la fondation Abbé-Pierre. « De quoi rendre la fin moins moche, malgré les circonstances », salue le maire d’Esteville, Manuel Grente.
La petite salle au décor monastique où l’ancien député recevait de nombreuses personnalités politiques a également été vidée. Les documents et objets personnels des religieux ne sont pas à vendre et resteront sur place, pour le moment. En attendant une décision sur l’avenir du manoir : « À ce jour, nous n’avons encore rien arrêté » fait valoir la Fondation Abbé-Pierre, contactée par franceinfo.
Non loin de là, Patricia raconte aussi les bouleversements observés ces derniers mois : « Ils sont venus et ont tout vidé, j’ai vu passer les camions », dit-elle perchée à la fenêtre de la pension d’Esteville. Par fidélité à la mission première d’Emmaüs, la fondation a décidé de ne pas fermer cet établissement construit au cœur du centre de mémoire de l’abbé Pierre. Ce qui contraint la vingtaine d’habitants en situation précaire à vivre dans un immeuble partiellement vide où le souvenir de l’icône déchue hante chaque pièce.
Pour l’école du village aussi, le patrimoine religieux entaché a pris l’apparence d’un fardeau. Le groupe scolaire Abbé-Pierre change de nom sur décision du conseiller et l’inscription en fer forgé sur la façade est supprimée. Une décision qui ne fait pas l’unanimité au moment de la sonnerie du soir. « C’est grâce à lui que nous avons eu notre école, il a fait le nécessaire », se souvient une résidente qui attendait son petit-fils. Pour le maire, le débat n’a aucune raison d’exister : « La décision de rebaptiser l’école était une évidence, et ceux pour qui ce n’est pas une évidence n’ont pas lu les différents rapports de l’Egaé »qui recense les témoignages incriminant l’abbé Pierre.
« Il n’est pas possible de laisser le nom de l’abbé Pierre, accusé d’agression sur mineur, attaché à une école. »
Manuel Grente, maire d’Estevillesur franceinfo
Il faut dire que malgré les accusations de viols et d’agressions sexuelles, l’ancienne personnalité préférée des Français compte toujours de nombreux adeptes dans la commune. Peut-être frappés par le déni, certains disent douter de la crédibilité des témoignages incriminant l’abbé. Ils déplorent une libération de la parole qu’ils jugent trop tardive. « C’est totalement stupide de diffamer quelqu’un qui n’est plus là pour se défendre »affirme un « ancien » du village, vivant ici depuis 44 ans. Celui qui côtoyait l’abbé « à différentes occasions » se souvient d’un homme « chaud, qu’on voyait aller et venir », mais refuse d’en dire plus, ayant déjà été contacté par les médias ces derniers mois.
L’arrivée massive des reporters et des caméras, après les premiers témoignages des victimes, a perturbé la quiétude du village. « C’était un cirque, il y avait même un journaliste chinois qui m’a interrogé ! » se souvient un autre habitant, les joues rougies par le froid normand. « C’était un flot de demandes, une essoreuse » acquiesce le maire. Le tout accompagné de lettres de menaces, à venir « de toute la France »et dans « grand nombre », déplore-t-il, sans avoir décidé de porter plainte.
L’édile l’admet volontiers : il ne reste plus beaucoup de traces des années passées par l’abbé Pierre à Esteville. Une fresque colorée à son effigie, située entre l’école et la salle polyvalente, subsiste, mais plus pour très longtemps. Il devrait être couvert d’ici l’été par le même artiste, aux frais de la fondation Abbé-Pierre. Même la tombe de l’abbé, installée au cimetière communal aux côtés des premiers compagnons d’Emmaüs, n’est pas sortie totalement indemne de l’examen de conscience collectif. Une plaque de marbre sur laquelle était inscrite l’épitaphe « Il a essayé d’aimer »a également été retirée.
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