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Après l’attentat qui a causé la mort de trois Espagnols, que sait-on du tourisme en Afghanistan ? – Libération

Trois Espagnols sont morts ce vendredi dans une attaque en Afghanistan contre des touristes étrangers, revendiquée par le groupe jihadiste État islamique. Quatre autres étrangers ont été blessés. Un coup dur pour le tourisme naissant dans ce pays, même s’il est déconseillé aux visiteurs.

Des touristes espagnols tués devant le bazar de Bamiyan. La fusillade qui a coûté la vie à des visiteurs étrangers pourrait également avoir porté un coup fatal au tourisme en plein essor en Afghanistan. « Encore une attaque comme celle-là et le tourisme est mort » dans le pays, explique le Britannique Joe Sheffer, fondateur de l’agence de tourisme éco-responsable Safarat, après l’agression qui a tué vendredi dernier six personnes, dont trois touristes espagnols, et blessé quatre autres étrangers.

L’attaque a été menée par un ou plusieurs tireurs contre le groupe de 13 visiteurs emmenés par une agence espagnole dans la province montagneuse de Bamiyan, au centre du pays. La première attaque contre des touristes étrangers depuis le retour au pouvoir des talibans en 2021 a été revendiquée dimanche par le groupe jihadiste Etat islamique. Elle défie l’antienne des autorités talibanes qui continuent de vanter le « sécurité » trouvés en Afghanistan depuis leur retour à Kaboul, alors que les touristes commençaient à revenir.

5 200 touristes en 2023

La province de Bamiyan, avec ses bouddhas géants dynamités en 2001 par les talibans dans la capitale éponyme, son chapelet de lacs turquoise à Band-e Amir et une relative douceur de vivre, était la première destination touristique du pays. Le gouvernement taliban, reconnu par aucun pays au monde, tenait à promouvoir le tourisme, alors que, avant même cet attentat, l’Afghanistan était une destination formellement découragée par de nombreuses chancelleries.

Et même si ce pays très pauvre manque cruellement d’infrastructures – hôtelières et routières notamment -, l’extraordinaire beauté de ses paysages et l’hospitalité légendaire de sa population attirent depuis peu un nombre croissant d’aventuriers. Le nombre de touristes étrangers a augmenté de 120% pour atteindre près de 5.200 l’année dernière, selon les chiffres officiels.

« Le problème en Afghanistan, c’est qu’on est passé de zéro touriste à 7 000, certains disent même 10 000 cette année.explique Joe Sheffer, chez Safarat. C’est trop et trop vite. Résultat, « De nombreux voyagistes qui avaient démarré très lentement et très prudemment, en utilisant des techniques de sécurité, ont un peu oublié ces précautions parce qu’elles étaient prises par des (problèmes d’)infrastructures ou de transport »il continue.

Premières annulations

« Il ne fait aucun doute que cette attaque a déjà un impactajoute Joe Sheffer. Nous avons déjà deux clients qui ont annulé. Et sur les forums Internet, un nombre important de voyageurs ont renoncé à venir en Afghanistan dans l’immédiat.» Safarat a déjà commencé à modifier ses circuits touristiques : « on va réduire la taille des groupes, renoncer aux visites des lieux isolés, limiter les sorties à pied dans les lieux publics »il explique.

Le fondateur de l’agence Untamed Borders, James Willcox, estime également que « toute attaque violente contre des touristes aura un impact ». Mais « Nous sommes présents en Afghanistan depuis plus de 15 ans et il n’y a jamais eu une période sans que des groupes antigouvernementaux n’agissent dans le pays. C’est quelque chose que tout le monde devrait considérer lors d’un voyage en Afghanistan..

Thai Phakhporn Thantadakul, directeur de l’agence de voyages Away Vacation, « veut annuler » le voyage prévu en juin-juillet pour plusieurs de ses compatriotes. Ces bouddhistes thaïlandais voulaient se rendre à Bamiyan, autrefois un grand centre d’influence bouddhiste, mais « La sécurité n’est pas bonne », dit-elle depuis Bangkok, confiante « avoir peur » pour ses clients. « Je vais leur demander leur avis car la sécurité est la priorité. Si quelque chose arrive, je ne pourrai rien faire. ».

La province de Bamiyan semblait protégée

Agence de voyages Soyons amis Afghanistan (LBFA) « a été inondé de questions sur la sécurité » ces derniers jours, affirme Mohammad Ramazan Noor, son fondateur afghan. « Ce que les touristes préfèrent en Afghanistan, ce sont les lieux animés et les interactions avec la population locale.il note, mais malheureusement, pour le moment, nous allons éviter cela.

La tuerie de Bamiyan « a déjà indéniablement un impact négatif », dit aussi le patron de l’agence de voyages qui reste, malgré tout, optimiste : « Je ne pense pas que ça va tuer » tourisme. « Nous avons déjà eu beaucoup de problèmes dans le passé en Afghanistan mais il y a toujours des touristes en quête d’aventure »dit cet Afghan qui a créé LBFA en 2015.

Il y a deux mois, le touriste français Didier Goudant skiait avec les villageois sur les pistes de Bamiyan pour la deuxième année consécutive. Il n’aurait jamais imaginé une telle tragédie. « On savait que le risque terroriste existait en Afghanistan, mais il semblait moindre à Bamiyan, une région calme et accueillante »dit cet avocat. « C’est un choc, donc on va hésiter (à y retourner), il va falloir suivre l’évolution de la situation »il ajoute.

Joe Sheffer prédit que le gouvernement taliban, qui a arrêté sept « suspects » à Bamiyan, réagira à cette attaque en imposant davantage de formalités aux touristes déjà obligés de s’enregistrer dans chaque province visitée. « Cela rendra encore plus difficile pour les touristes de profiter de ce pays.il a peur. Et cela n’empêchera pas une nouvelle attaque.»

Contactés par l’AFP à Bamiyan, la réception du plus grand hôtel de la ville, le Gholghola, un médecin et plusieurs habitants n’ont pas souhaité commenter les événements qui ont ébranlé leur ville.

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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