après la victoire contestée de Mahamat Idriss Déby à la présidentielle, la capitale N’Djamena sous haute surveillance
Une annonce précipitée, mais un résultat attendu. Jeudi 9 mai au soir, une dizaine de jours avant l’expiration des délais légaux et alors que la Cour constitutionnelle avait à peine reçu les copies des procès-verbaux des bureaux de vote, l’Agence nationale de gestion des élections (ANGE) du Tchad a proclamé la victoire au premier tour. l’élection présidentielle de Mahamat Idriss Déby, avec 61,03% des voix.
Le leader de la transition, porté au pouvoir par un groupe de généraux après le décès de son père, Idriss Déby, en avril 2021, devance largement Succès Masra (18,53%), son principal adversaire, devenu Premier ministre grâce à un accord politique. Arrivé en troisième position, l’ancien chef du gouvernement Albert Pahimi Padacké (16,91%) n’a pas tardé à féliciter le vainqueur.
« Tout le monde sait que ces chiffres ont été fabriqués »a réagi, déçu, un cadre de Transformers, le parti Masra Success, qui qualifie ces résultats de « mascarade » et de « la sorcellerie ». Peu avant la proclamation, le Premier ministre, voyant le vote lui échapper, a tenté de surprendre le corps électoral en se proclamant vainqueur : « Nous avons gagné le 6 mai (date du premier tour) avec la vision d’un Tchad debout »a-t-il déclaré lors d’un discours à la nation, retransmis en direct sur les réseaux sociaux.
Tout au long de sa campagne, l’opposant avait appelé ses militants à contrôler les résultats à la sortie des urnes, en prenant des photos des procès-verbaux du dépouillement, instillant un climat de suspicion dans une campagne qui s’est révélée plus offensive que prévu. L’ANGE a répondu en menaçant de poursuites judiciaires en cas de troubles à l’ordre public. « Un petit nombre d’individus ont décidé de s’opposer à la volonté de la majorité », a dénoncé jeudi soir M. Masra, avant d’accuser l’institution électorale de vouloir « inverser l’ordre des choses et l’ordre des nombres ».
« Toute proclamation en dehors de l’ANGE est illégale », a réagi le ministre de l’Infrastructure et cadre du parti au pouvoir, Aziz Mahamat Saleh. En peu de temps, une force militaire impressionnante a été déployée pour patrouiller à N’Djamena.
Célébrations avec rafales de coups de feu
L’annonce des résultats a été suivie de tirs d’armes automatiques dans toute la ville. Au centre, des véhicules défilaient au son des klaxons et des hululements en signe de joie. Dans les quartiers sud de N’Djamena, réputés favorables à l’opposition, les célébrations accompagnées de rafales de coups de feu ont été perçues comme de l’intimidation. Sceaux par Le monde plusieurs partisans de Succès Masra, retranchés chez eux, disent leur « tristesse »leur » déception « et leur » inquiétude « pour les jours à venir.
Les militants de la Coalition pour un Tchad uni, dirigée par le Mouvement patriotique du salut, véritable rouleau compresseur électoral fondé par l’ancien président Idriss Déby et qui a soutenu la candidature de son fils, se sont réunis pour faire la fête dans les locaux de leurs organisations respectives. « Nous avons gagné au premier tour par KO. ! La fête continuera jusqu’au petit matin ! », s’enthousiasme Ali Ouardougou, foulard jaune autour du cou. Au centre de la piste, un homme d’une cinquantaine d’années, fusil d’assaut dans une main, pistolet automatique dans l’autre, titube en tirant des coups de feu, tantôt en l’air, tantôt au sol. « Qu’est-ce que tu veux, c’est comme ça qu’on fait la fête ! » »» s’est amusé Abdel-Nasser Garboa, vice-président de l’organisation.
« C’est un jeune président, il incarne le développement, le progrès et la stabilité. Regardez le chaos dans les pays voisins, alors qu’au Tchad il n’y a pas de terrorisme”, a déclaré Alatchi Diguédé Tchémi, tout sourire. La stabilité de ce pays de 17 millions d’habitants, parmi les plus pauvres du monde, a été l’argument clé, tout au long de la campagne, de Mahamat Idriss Déby, cet officier de 40 ans qui croit avoir sauvé le Tchad du chaos, en prenant le pouvoir à à la tête d’une junte, lorsque son père a été tué lors de combats avec les rebelles, en avril 2021, après trois décennies de régime autoritaire soutenu par la France.
La junte avait alors promis de rendre le pouvoir aux civils, avant qu’une « un dialogue national inclusif et souverain », tenue à l’automne 2022, prolonge la transition de dix-huit mois et autorise Mahamat Idriss Déby à briguer la fonction suprême, provoquant un tollé dans la société civile. L’opposition dénonce « succession dynastique » pouvoir.
Essayer d’apaiser les esprits
Si le président de la transition a réussi à faire taire – au moins temporairement – la menace des groupes rebelles qui, depuis des décennies, tentaient de renverser son père, ainsi qu’à réduire le poids politique de ses opposants en les nommant à des postes de responsabilité, son Les trois premières années à la tête du pays ont été marquées par plusieurs épisodes de répression sanglante.
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Le 20 octobre 2022, entre soixante-treize et trois cents manifestants, selon des sources, réclamant la passation du pouvoir aux civils, ont été tués par la police. Le 28 février 2024, l’opposant Yaya Dillo, également cousin du président de la transition, est mort lors de l’assaut de l’armée contre le siège de son parti, au centre-ville de la capitale.
Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui craignent qu’une crise politique ne provoque de nouvelles effusions de sang. « Je suis désormais le président élu de tous les Tchadiens », a déclaré Mahamat Idriss Déby quelques heures après l’annonce de sa victoire, comme pour tenter de calmer les esprits. Les propos de Succès Masra, appelant les Tchadiens à « Mobilisez-vous pacifiquement pour la vérité lors des élections », pourrait être une période d’incertitude. Vendredi matin, aucune mobilisation n’a été signalée dans la capitale, toujours sous étroite surveillance des forces armées.