Après la tragédie de Crépol, les « auteurs de délits d’expression » face à la justice
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Après la tragédie de Crépol, les « auteurs de délits d’expression » face à la justice

Après la tragédie de Crépol, les « auteurs de délits d’expression » face à la justice

D’un côté, il y a cinq citoyens tout à fait ordinaires, vivant aux quatre coins de la France. Un ancien boucher devenu chauffeur routier, un importateur de véhicules d’occasion, un ouvrier indépendant du bâtiment, une mère au foyer et fonctionnaire au ministère de la Défense. Et puis de l’autre côté, il y a le côté peu flatteur de ces gens ordinaires. Une haine brute déversée sur les réseaux sociaux. Un racisme décomplexé surfant sur des appels, plus ou moins directs, à la vengeance populaire délivrés hors des prétoires.

C’est la réalité inquiétante mais désormais familière à laquelle le tribunal correctionnel de Paris est confronté ce mercredi 4 septembre. Avec, au cœur de l’audience, des messages haineux ou menaçants diffusés sur Internet juste après le drame de Crépol (Drôme). C’était en novembre 2023. La mort de Thomas, 16 ans, tué lors d’un bal de village, avait suscité une vive émotion et un large débat au sein de la classe politique. Quelques jours après la mort de l’adolescent, sept personnes avaient été interpellées, ce qui a marqué le début d’une longue enquête toujours en cours aujourd’hui.

Onze mois plus tard, le tribunal doit se replonger dans l’atmosphère post-Crépol. Dans cette atmosphère de frénésie médiatique et d’embrasement des réseaux sociaux face à la mort dramatique de ce lycéen de 16 ans. À l’époque, Lionel G, un Nordiste de 55 ans, regardait BFMTV et n’était pas content que la chaîne d’information ne révèle pas les noms des personnes interpellées. « Quant à la télé, ils ne donnent pas les noms, on sait très bien ce que ça veut dire. On sait, 99% du temps, que c’est parce que les noms ont une connotation orientale. »affirme ce chauffeur de camion qui, de son côté, ne semble pas avoir eu de mal à retrouver les photos des personnes arrêtées sur Twitter, devenu X. « Les bonnes têtes blanches doivent être vaccinées d’urgence avec des fusils », il a tweeté en y faisant référence « La peste noire qui sévit toujours ». A la barre, Lionel G. a expliqué que ses propos pouvaient « être déroutant » mais qu’il n’est pas très à l’aise avec les outils numériques.

Diffusion de l’identité des personnes arrêtées

C’est désormais au tour de Jean-Marie L., 40 ans, originaire du Morbihan, de s’expliquer. « Toujours le même profil. Des Suédois issus de bonnes familles avec un profond respect de la société », Il a écrit sur Facebook à propos des suspects, avec une ironie plus que douteuse. Ce chef d’entreprise affirme que c’est leur profil délinquant qu’il a voulu dénoncer, et non leurs origines. « Qui sont les Suédois pour vous ? » le président lui demande. « Des gens toujours parfaits, bien organisés, qui se lèvent à 8h et se couchent à 20h » le défendeur répond. « Mais aussi les blonds et les blancs ? » demande le magistrat. « Pas forcément des blondes, mais des blanches oui, » a déclaré Jean-Marie L., qui nie tout racisme. « À l’époque, je revenais de Guadeloupe. J’ai aussi passé quatre ans au Maroc et ma lune de miel en Tunisie… »

Les deux accusés suivants ont dévoilé l’identité des personnes arrêtées. Une mission de service public, selon eux. Comme si donner des noms et prénoms à consonance étrangère était une façon de révéler une identité  » vérité  » que les autorités au sens large, la justice, la police, la politique et les médias, cherchaient à tout prix à faire taire, selon eux. « Les noms des meurtriers que les flics ont tenté de vous cacher sont désormais connus. Toujours les mêmes. » écrit sur Twitter Luc G, 55 ans, du Finistère. « Nous voulions dire la vérité » confie Marylène R, 53 ans et résidant en Charente-Maritime.

Comme le dira la défense, ils ne sont certainement pas les seuls à avoir révélé les patronymes des accusés. Certains dirigeants politiques d’extrême droite ont fait de même à l’époque. Mais si Marylène et Luc sont poursuivis, c’est pour avoir fourni des informations ayant permis de retrouver la trace des personnes interpellées.

Luc G. a donné les noms des immeubles où ils vivaient avec leur famille tandis que Marylène a donné leurs adresses et même leurs numéros de téléphone. Là encore, des informations « trouvé sur les réseaux » une sorte de machine inépuisable et effrayante où aucun secret ne semble pouvoir le rester très longtemps.

« J’ai fait une grosse erreur »

Le problème, comme le soulignent les avocats des parties civiles, est que la divulgation de ces informations a eu des conséquences pour les familles des suspects. Certains ont été insultés ou menacés au téléphone. D’autres, terrifiés, ont été contraints de déménager au moins temporairement. « J’ai fait une grosse erreur » regrette Marylène, la seule à exprimer une contrition peu soutenue.

Dernier prévenu à témoigner, Pascal T, 50 ans, est conseiller municipal d’opposition dans une commune du Var, où il a dirigé la police municipale pendant deux ans. « Voici la liste des guérilleros venus tuer les blancs. La France aura bientôt rendez-vous avec son Histoire. Soyons prêts. » il a écrit sur Facebook. Un message dans lequel le procureur voit un appel « reprendre les armes sur le territoire national » afin de faire le « match retour de la guerre d’Algérie ».

Rien de tout cela selon Pascal T. Ceci « rendez-vous avec l’histoire » Il faisait allusion, selon lui, aux élections européennes qui devaient avoir lieu huit mois après Crépol. Il voulait inciter les citoyens à « aller aux urnes » pour éviter de tomber dans des réflexes d’autodéfense. Reste à savoir ce que le tribunal en pensera lorsqu’il rendra sa décision le 31 octobre. En attendant, le procureur a requis des peines allant de quatre mois de prison à deux mois avec sursis. Avec également « cours de citoyenneté » pour ceux-ci « délinquants en matière de discours ».

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