Après la nomination de Michel Barnier à Matignon, les électeurs du NFP expriment leur « déception » et leur « colère »
De nombreux sympathisants de gauche ont répondu à un appel à témoignages de franceinfo pour exprimer leur incompréhension après l’arrivée, jeudi, d’une figure historique des Républicains au poste de Premier ministre. Nombre d’entre eux ont l’impression d’avoir été « volés » du résultat des législatives.
« Je pense qu’on nous a volé une victoire »s’emporte Christophe, un Normand de 66 ans, militant socialiste. Comme lui, de nombreux internautes ont répondu à l’appel à témoignages lancé par franceinfo, après la nomination de Michel Barnier à Matignon, jeudi 5 septembre. Tandis que certains lecteurs ont exprimé leur satisfaction après avoir appris le choix de cette personnalité « consensuel »selon Vincent, et de « super expérience »« De nombreux témoignages de sympathisants du Nouveau Front populaire (NFP) expriment de la colère », ajoute Michel. Un sentiment traduit dans un sondage Elabe pour BFMTV publié vendredi, selon lequel trois Français sur quatre estiment qu’Emmanuel Macron n’a pas pris en compte les résultats des législatives.
« Personne n’a gagné, mais certains ont perdu moins que d’autres et comme le NFP compte le plus grand nombre de députés, la tradition républicaine voulait que nous choisissions parmi le groupe gagnant »poursuit Christophe, retraité de l’Education Nationale, qui ne cache pas son « déception ». De nombreux témoignages estiment qu’Emmanuel Macron n’a pas respecté le front républicain en optant pour l’ancien ministre RPR (l’ancêtre de LR) et en sollicitant l’avis de Marine Le Pen pour le choix de son Premier ministre. « Aujourd’hui, c’est clairement la fin de la barrière républicaine »affirme Emmanuel, 38 ans, sympathisant LFI de Rennes. « Pour une fois, nous avons une jeunesse qui s’est mobilisée dans les urnes. Enfin, nous passons d’un Premier ministre très jeune à un homme qui ne parle à personne. Le symbole est désastreux« il ajoute.
« Si nous voulions dissuader les gens d’aller voter, nous ne pourrions pas faire mieux. »
Emmanuel, sympathisant LFIà franceinfo
« Je suis assez déçu par cette décision. Michel Barnier vient de LR, un groupe assez minoritaire à l’Assemblée. (il compte 47 députés sur 577). Les élections sont convoquées, le NFP est en tête et nous ne faisons pas l’effort de nommer une personne de gauche »confirme Alexandre, étudiant en droit à Besançon. L’alliance de gauche avait proposé le nom de Lucie Castets pour occuper ce poste. « Nous avons voté et le parti perdant est nommé ? »se demande aussi Valérie, partisane de Jean-Luc Mélenchon. « Les gens diront encore que ça ne sert à rien d’aller voter. Après sept ans de Macron, on continue la même politique dont on ne voulait plus, c’est extrêmement choquant »explique cette Varoise de 53 ans.
« Tout ça pour ça, je suis un peu surpris et déçu »poursuit Barnabé, un Breton de 19 ans, qui a voté pour la première fois cette année et qui a choisi un bulletin NFP. Cet étudiant est surtout surpris par le profil de l’ancien député savoyard, 73 ans, qui a été élu pour la première fois à l’Assemblée en 1978. « Il ne représente ni la population active ni la jeunesse »il juge.
« Je suis très étonné, surpris, angoissé, enragé… » Léa, sympathisante écologiste, ne manque pas de mots pour réagir au choix d’Emmanuel Macron. « On écarte une candidate lesbienne pour choisir un Premier ministre qui a voté contre la dépénalisation de l’homosexualité… Quel est le message ? Maintenant je me dis : à quoi bon voter ? »se demande ce Parisien de 31 ans.
« Je crains que pour les prochaines élections, les Français désertent les urnes, ce qui sera favorable au RN. »
Léa, 31 ans, sympathisante écologisteà franceinfo
«Michel Barnier est la droite réactionnaire, RN compatible»juge également Aurélie, 38 ans. « Je ne vois pas comment un homme de la vieille politique comme Barnier pourra gouverner sereinement », a-t-il ajouté. estime Yoann, un Grenoblois de 29 ans. « Sa priorité absolue est la lutte contre l’immigration »s’inquiète Timothée, un Parisien de 35 ans. «Michel Barnier fait partie du groupe qui n’a pas formé de front républicain»note Abdel, 62 ans, critiquant le fait que Michel Barnier ait envoyé coup sur coup LFI et l’extrême droite au second tour des dernières législatives.
Les électeurs de gauche sont également révoltés de constater qu’Emmanuel Macron a choisi un chef de gouvernement qui n’a pas été rejeté par le Rassemblement national. « C’est un geste politique, loin des attentes des Français »confie Kilian, un sympathisant écologiste. Après le Front républicain, Emmanuel Macron se retrouve à choisir un candidat que le RN accepte »regrette ce Nantais de 40 ans.
« Le président de la République continue d’entretenir une ligne floue avec le RN, son meilleur ennemi. »
Kilian, 40 ans, sympathisant écologisteà franceinfo
« Je ne comprends pas le jeu actuel. Quel intérêt a-t-il à nommer quelqu’un qui ne fait pas partie de l’Assemblée nationale, si ce n’est pour séduire l’extrême droite afin de lui remettre le pouvoir aux prochaines élections ? »Léa s’interroge également. En 2017, Emmanuel Maron s’était également engagé à ce qu’il n’y ait pas « Il n’y a plus de raison de voter pour les extrêmes » après son mandat de cinq ans. « J’ai déposé six fois un bulletin Macron dans l’urne depuis que je suis majeur pour empêcher le RN de gagner. Et voir une sorte d’alliance entre Macron et Le Pen pour empêcher la proposition du NFP, ça m’effraie beaucoup sur l’état de notre démocratie »témoigne Quentin, habitant de Saint-Denis à La Réunion.
« On a bloqué le RN en votant et on a l’impression qu’il y a désormais une barrière anti-gauche à l’Assemblée, même si la gauche est toujours républicaine »désespère Grégoire. Une partie du camp présidentiel répète ces derniers mois que LFI ne s’inscrit pas dans « l’arc républicain ». Ce Clermontois de 29 ans compte manifester samedi mais regrette que le mouvement de contestation ne soit pas davantage soutenu, notamment par les syndicats. « Je suis extrêmement en colère, mais je reste mobilisé pour participer à d’éventuelles manifestations, je pense que la saga n’est pas terminée »ajoute Augustin, un Grenoblois de 27 ans.
Barnabé, lui, ne croit plus vraiment aux manifestations. « On a l’impression que ça ne sert plus à grand chose, on a vu que ça n’a servi à rien lors du mouvement contre les retraites »l’étudiant respire. « Je compte sur une motion de censure ou sur les prochaines élections »Vincent, un Parisien de 30 ans, espère lui aussi une réaction des parlementaires dans les prochaines semaines : « Certains députés de Renaissance ont montré leur distance avec le président Macron, on peut espérer qu’ils prennent leurs responsabilités et rejoignent le NFP pour censurer un gouvernement Barnier. »