après la mort du leader du Hezbollah Hassan Nasrallah, jusqu’où Israël peut-il aller ?
La stratégie israélienne reste une boîte noire pour la plupart des analystes. Mais après avoir tué le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah le vendredi 27 septembre, Israël a atteint « ce qui semble être un tournant historique » dans la lutte contre « ennemis »a déclaré Benjamin Netanyahu. La plupart des chefs militaires du groupe chiite libanais sont morts, selon Israël, mais l’armée israélienne ne compte pas en rester là, et la campagne de bombardements intensifs a repris samedi et dimanche sur le Liban.
Le gouvernement israélien de Benjamin Netanyahu affirme avoir un objectif de guerre simple : sécuriser la frontière nord du pays, qui borde le Liban, et permettre à ses habitants de « rentrer chez soi en toute sécurité »à l’abri des roquettes du Hezbollah, selon les déclarations du Premier ministre israélien. Mais face à des Occidentaux divisés et à un régime iranien dont la capacité de réponse est mise en doute, l’État hébreu pourrait décider de pousser un peu plus loin son avantage stratégique.
L’armée israélienne a massé ces derniers jours des troupes près de la frontière libanaise, en vue d’une éventuelle intervention terrestre. « Vos bottes, celles que vous portez, vont aller en territoire ennemi »a même déclaré mercredi le chef d’état-major de l’armée israélienne, le général Herzi Halevi, dans une opération de communication filmée par la télévision.
« L’armée israélienne agit presque toujours en deux phases : une première phase aérienne, puis une phase terrestre, ou aéroterrestre »confié à parisien l’historien et ancien colonel Michel Goya. « L’offensive terrestre est prête, les chars Merkava sont déjà à la frontière. Et à mon avis, cette offensive aura lieu.”renchérit sur franceinfo Jean-Paul Chagnollaud, président de l’Institut de recherche et d’études sur le Moyen-Orient méditerranéen (Iremmo).
« Netanyahou est dans une position qui lui permet d’établir un rapport de force. (…) Il n’a aucune pression, ni aucune limite qui lui serait imposée, ni par les Américains, ni par les Européens, ni par les Etats-Unis. nations. »
Jean-Paul Chagnollaud, spécialiste du Moyen-Orientsur franceinfo
Après une semaine de frappes contre le Hezbollah au Liban, le gouvernement israélien cherche toujours officiellement à permettre aux 60 000 Israéliens évacués du nord d’Israël depuis les jours qui ont suivi le 7 octobre de regagner leurs foyers. Mais pour Jean-Paul Chagnollaud, il souhaite aller plus loin. « Comment sécuriser une frontière ? (…) Nous pouvons effectivement établir un rapport de force, à condition d’entrer dans le champ diplomatique et de négocier »il croit. Pour l’instant, rien n’indique une volonté d’ouvrir des négociations du côté de l’Etat hébreu. « L’attaque contre l’appareil politique du Hezbollah signifie qu’Israël pense qu’il n’y a plus aucune raison de négocier quoi que ce soit avec le Hezbollah »» abonde, sur France 24, le général Dominique Trinquand.
Benjamin Netanyahu, qui a marqué des points auprès de son opinion publique avec l’assassinat de Hassan Nasrallah, « Il ira jusqu’au bout de la stratégie militaire, il a les moyens d’y aller », explique l’ancien chef de la mission militaire française auprès de l’ONU. « Le Hezbollah ne sera probablement pas éradiqué, mais pour lui, il s’agit d’éliminer la menace militaire ». Concrètement, l’armée israélienne pourrait choisir de limiter son intervention au sud Liban afin de détruire les installations militaires menaçant le nord d’Israël. « Nous entrons, nous nettoyons et nous partons. Les Israéliens appellent cela ‘tondre la pelouse' »résume Michel Goya pour le parisien.
Mais une opération terrestre reste « un risque pour Israël, car naturellement, les troupes terrestres entraînent des pertes israéliennes »prévient le général Dominique Trinquand. En 2006, la guerre entre Israël et le Liban a fait 160 victimes côté israélien, contre 1 200 côté libanais. Et le sud du Liban ne présente pas les mêmes caractéristiques que la bande de Gaza pour l’armée israélienne. « Il y a le défi du terrain : plus grand, plus important et donc plus difficile à conquérir. Et deuxième difficulté : le Hezbollah est une force mieux entraînée. » explique Dominique Trinquand sur France 24. « Que pourrait être un véritable cauchemar pour l’armée israélienne. »
Parallèlement aux opérations menées au Liban, l’armée israélienne poursuit sans répit son offensive contre le Hamas dans la bande de Gaza. Au moins 41.595 Palestiniens ont été tués dans la campagne de représailles à l’attaque du 7 octobre, en majorité des civils, selon les données du ministère de la Santé du gouvernement Hamas à Gaza, jugées fiables par l’ONU. « Nous devons également nous préoccuper du sort des deux millions de Gazaouis qui se trouvent aujourd’hui dans un dénuement total »alerte sur franceinfo Jean-Paul Chagnollaud.
« Nous sommes ici dans une terrible catastrophe humanitaire (à Gaza) et nous l’oublions. »
Jean-Paul Chagnollaudsur franceinfo
Américains, Égyptiens et Qatariens se sont engagés en vain dans les négociations pour un cessez-le-feu et la libération des derniers otages. Il est donc difficile d’envisager une fin des hostilités dans la bande de Gaza. « Ce que veut Netanyahu, c’est rester à Gaza, sécuriser Gaza, pas seulement sécuriser la frontière »estime de son côté Jean-Paul Chagnollaud. D’autant que la communauté internationale laisse le champ libre au gouvernement israélien, avec des Américains concentrés sur l’élection présidentielle et des Européens qui ne parlent toujours pas d’une seule voix. « Netanyahu a la conviction, la certitude que l’Occident ne fera rien pour l’en empêcher »selon Jean-Paul Chagnollaud.
« Netanyahu, c’est sa politique, veut que la guerre continue, il ne veut pas de solution, il ne veut pas d’un État palestinien. (…) Il a intérêt à un certain degré d’escalade»juge également l’ancien ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine sur LCI. Le Premier ministre israélien a refusé à plusieurs reprises l’hypothèse d’une solution à deux États, avec la création d’un État palestinien. « Le but de sa vie est qu’il n’y ait pas d’Etat palestinien »croit même Hubert Védrine.
« En cas d’accord futur, (…) Israël doit pouvoir contrôler la sécurité de tout le territoire à l’ouest du Jourdain »» avait encore déclaré le Premier ministre israélien en janvier. « Nous le verrons dans les mois à venir, Netanyahou veut étouffer complètement la Cisjordanie, pour qu’elle puisse poursuivre la colonisation, l’annexer »prédit encore Jean-Paul Chagnollaud. «La stratégie très claire de Benyamin Netanyahou consiste, en un mot, à dominer la région.»
Un an après le 7 octobre, le Premier ministre israélien a repris la main. « Israël a réussi à mettre complètement fin à la terreur. Ils étaient dans les cordes, traumatisés, affaiblis, discrédités. Aujourd’hui, ils font à nouveau peur.”a déclaré à l’AFP un haut responsable militaire européen, sous couvert d’anonymat. Mais les coups portés au Hamas et au Hezbollah pourraient aussi, à terme, déstabiliser la région. « Il pourrait y avoir des réactions mondiales, avec la diaspora chiite qui part de Syrie et d’Irak, mais aussi avec les Houthis qui pourraient se développer. opérations en mer Rouge« explique l’ancien colonel Peer de Jong sur franceinfo. Le vice-président de l’Institut Themiis anticipe « des réactions internationales extrêmement vives »particulièrement dans « la rue arabe ». opérations israéliennes, « Militairement parlant, c’est jouable, politiquement parlant, c’est très compliqué à gérer à moyen terme ».