Apple : « J’ai toujours été du côté des artistes qui parlent de luttes politiques et sociales »
Nommée meilleure artiste féminine aux Victoires de la musique en 2021, la chanteuse lyonnaise Claire Pommet, alias Pomme, s’impose sur la scène française. Depuis près de dix ans, cette jolie plume sème ses chansons aux paroles intimistes, sensibles et engagées entre la France et le Canada, où elle vit une grande partie de l’année. À 28 ans, l’auteure-compositrice-interprète à la voix céleste compte déjà quatre albums studio à son actif : À peu près (2017), Les Failles (2019), Consolation (2022). Et pour écrire son dernier album concept orchestral, SaisonsLa guitariste a pris du recul pour observer le monde et célébrer la nature. Devant son public, l’artiste éprise de liberté délivre également des messages de tolérance et d’espoir.
Que représente pour vous la Fête de l’Humanité ?
C’est la première fois que je vais jouer là-bas. J’aime jouer dans des festivals engagés et qui prennent position car je le fais moi-même sur les réseaux sociaux. C’est important que la musique soit accompagnée de messages positifs, surtout en ce moment.
Combiner art et engagement est-il essentiel à vos yeux ?
Que l’engagement soit écologique, politique ou qu’il s’agisse de festivals solidaires, cela a beaucoup de sens pour moi. Historiquement, les artistes ont toujours été présents dans les luttes sociales, des personnalités qui ont la capacité de rassembler, de sensibiliser d’une manière peut-être plus délicate, plus poétique et plus facile pour ceux qui trouvent la politique compliquée à comprendre.
Les artistes n’ont aucun intérêt politique, ils ne se présentent pas aux élections législatives, leurs discours sont faits avec émotion et avec le cœur. J’ai toujours été du côté des artistes qui parlent de luttes politiques et sociales.
Considérez-vous toujours la scène comme une petite maison dans laquelle le public peut se reposer ?
Oui, car ce spectacle est avant tout un lieu de réconfort. J’ai aménagé l’espace pour que tout le monde s’y sente bien. J’y joue des morceaux de mes albums Les Failles Et Consolation en intégrant des titres de mon petit opéra, Saisons. Il y a de la douceur et une aquarelle d’émotions avec des moments de joie. Surtout, dans les festivals, j’aime apporter des moments d’espoir que j’exacerbe par rapport aux salles de concert. J’invite davantage les gens à chanter, à danser, parce qu’ils viennent aussi pour ça.
Vos chansons invitent souvent à la méditation et à l’introspection. En ces temps troublés, nous en avons bien besoin…
Oui, et j’ai l’impression que ma présence dans les festivals est bonne car on arrive avec un groupe de cinq musiciens pour jouer de la musique live, sans ordinateur. Il y a une vraie scénographie avec des éléments de décor en 3D comme au théâtre, avec des sortes de collines couvertes de lichen et des champignons qui s’illuminent. Ce côté plus théâtral crée un espace de consolation, de méditation et de douceur.
Dans l’une des pièces de Saisonstu chantes: « Je ne suis pas encore là où tu t’attends à ce que je sois. » Est-ce cela que vous voulez dire au public ?
C’est une personnification du printemps qui dit : « Je n’y suis pas encore, mais attends… j’arrive ». Cette phrase a beaucoup de sens dans de nombreux aspects de ma vie, c’est cette idée d’évoluer sans cesse, de se dire que chaque jour apporte son lot de découvertes. C’est aussi s’enlever un peu de pression de savoir qui on est. Il y a aussi ce regard des autres, et dans mon cas le fait de grandir avec le regard du public puisque j’ai commencé à faire de la musique à l’adolescence. C’est aussi l’idée d’être connecté le plus possible à mon intuition sans perdre le lien avec les gens.
Année après année, vous construisez votre œuvre en vous libérant…
Absolument. J’ai pris en charge la production de mes albums, la coproduction de ma tournée, et j’ai l’impression que, depuis le début de mon projet, toute ma stratégie a été d’être la plus indépendante possible et de faire le maximum pour être libre de mes choix. Je me suis libérée de la vision commerciale et du profit qui va à l’encontre de ma vision de l’art. Au début, j’étais une enfant qui écrivait des chansons pour s’exprimer sur ce qu’elle ressentait et je ne vois pas pourquoi je devrais changer. Cela a été vital, comme manger ou dormir. Si c’est modifié pour des raisons de « boîte » alors, pour moi, cela n’a plus de sens de faire de la musique.
Le clip vidéo qui illustre Saisons et que vous ayez coproduit exprime le fait que la chanson vous permet de briser la glace et de retrouver votre identité…
Je pense que l’art et la musique sont des espaces magiques où beaucoup de choses sont possibles, parfois on sous-estime l’impact de l’art sur les enjeux sociétaux. Je suis à un moment de ma vie où j’ai envie d’explorer beaucoup plus, de sortir complètement des sentiers battus pour voir ce qui se passe. Quand on sort de sa zone de confort, on va vers les autres, et c’est là qu’on évolue, qu’on grandit.
Vous avez dit: « J’aimerais voir des gens comme moi, qui sortent de la norme, devenir de plus en plus inclus et acceptés dans la société. » Sentez-vous que cela progresse en France ?
La montée de l’extrême droite est terrifiante car elle pourrait être une catastrophe pour tout progrès social et pour toutes les personnes qui ne sont pas blanches, hétérosexuelles ou qui ne rentrent pas dans le moule. J’ai l’impression que, dans les milieux où j’évolue et les médias que je suis, les choses évoluent dans le bon sens. Par exemple, de plus en plus de personnes queer sont médiatisées, il y a plus de discussions ouvertes sur le racisme, les femmes vont dans les médias pour dénoncer le sexisme, les violences sexuelles. J’espère que la situation politique permettra que tout cela continue.
Dans quelle autre époque auriez-vous aimé vivre ?
En termes d’esthétique, de pensée, de musique, j’aurais aimé être jeune adulte dans les années 60-70, à l’époque des mouvements de libération des femmes, de libération sociale, j’ai l’impression qu’il y avait une forme de vivre ensemble et une notion d’espoir qui sont difficiles à retrouver aujourd’hui. D’ailleurs, je termine mon concert autour du même micro avec mes musiciens, c’est un message d’espoir, avec l’envie de se retrouver, de créer une pensée collective et de l’espoir pour l’avenir.
Pomme, Saisons (Soyez sage musique/Vierge
En concert à la Fête de l’Humanité, dimanche 15 septembre, sur la scène Angela Davis.
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