Anthony Turgis, vainqueur du cœur sur une étape aux décors légendaires

Anthony Turgis mange comme trois, court comme trois, sprinte comme trois : pour lui et ses deux frères. Le vainqueur de la neuvième étape du Tour de France – dite journée des « chemins blancs » – tracée dans l’Aube, autour de Troyes, dimanche 7 juillet, est le dernier représentant encore en cuissard d’une famille de cyclistes ébranlée. Foudroyée et recomposée par des problèmes cardiaques.

Il y a d’abord eu Jimmy, le grand frère, contraint de raccrocher son vélo en 2020. Puis il y a eu le benjamin, Tanguy, le plus jeune coureur depuis la guerre à terminer Paris-Roubaix, en 2018, et contraint à l’abandon. La maladie, potentiellement très grave pour un sportif de haut niveau, est héréditaire. Anthony, le frère du milieu, s’est posé des questions. Mais il a été épargné. Des trois coursiers de Turgis, tous originaires de Linas, dans l’Essonne, il est le plus en retrait. Le regard ailleurs. Non pas dans une vague mélancolie, mais attiré vers un horizon lointain, indifférent aux gens qu’il croise.

« Mes frères vivent à travers moi, j’avais un frère dans chaque jambe aujourd’hui »a déclaré Anthony Turgis, 30 ans, coureur du Team Total Energies après son sprint victorieux ce dimanche, devant le Britannique Tom Pidcock (Ineos-Grenadiers), le Canadien Derek Gee (Israel-Prmier Tech) et d’autres compagnons d’échappée partie A 156 kilomètres de l’arrivée. Pour cette journée de panache, il avait laissé son destin au bon vouloir des « planètes ».

De grandes panaches de poussière

C’est son père qui lui a confié, Rémy, venu assister à cette étape avec sa mère, Valérie. La voiture familiale était garée au bord d’un de ces chemins sans goudron, tout de calcaire concassé, de graviers traîtres qui faisaient le rythme et la poésie de cette étape inédite dans l’histoire récente du Tour de France. Les organisateurs avaient creusé 32 kilomètres de ces chemins, tantôt viticoles, tantôt agricoles, dans la Champagne luxuriante, dans de grands nuages ​​de poussière.

« Nous avons toujours pensé qu’il pouvait gagner une étape comme celle-ci, expliquent les parents au téléphone, conduisant d’un œil, scrutant le GPS de l’autre, pour atteindre la ligne d’arrivée et serrer leur petit dernier dans leurs bras. C’est une étape dans le style du cyclo-cross ou du Paris-Roubaix, les courses de sa jeunesse, celles qu’il aime. Mais, comme le dit Anthony, encore fallait-il que les planètes soient alignées. »

Volant bas sous le radar médiatique, Anthony Turgis est une valeur sûre des classiques printanières. Trois fois dans le top dix de Milan-San Remo, deux fois placé au Tour des Flandres, vainqueur de Liège-Bastogne-Liège chez les espoirs, qui s’achevait alors sur un vélodrome en béton. Acrobate sur les terrains les plus hostiles, rapide au sprint et doté d’une ténacité que les drames familiaux n’ont fait que renforcer, le Parisien « tournait autour » d’un succès majeur depuis plusieurs années.

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