« Anora » de Sean Baker, un portrait de femme atypique, sensible et contemporain, Palme d’Or 2024
Le prix suprême du festival décerné à « Anora » couronne un talent qui rythme une filmographie riche, dont les films inédits en France sortent également en salles fin octobre.
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Récit de l’ascension sociale d’une escort girl de second ordre, Anora met en lumière le cinéma indépendant américain qui connaît quelques difficultés ces derniers temps. Ce désenchantement est sans doute à l’origine de cette Palme décernée par le jury à la performeuse et réalisatrice Greta Gerwig (Barbie) pour le remettre en lumière.
Le réalisateur Sean Baker, 53 ans (Fusée rouge) a été le premier surpris de cette annonce qui récompense un film étonnant, avant tout un portrait de femme comme on en voit rarement, et qui sort sur les écrans mercredi 30 octobre 2024.
Anora (Mikey Madison) est une escort girl dans un club de Brooklyn. Un soir de beuverie, Vanya (Mark Eydelshteyn), le fils d’un riche oligarque russe, pousse la porte de l’établissement. Ayant quelques connaissances en russe du fait de ses origines, Anora est idéale pour cette cliente. Ils se retrouvent et Anora découvre l’argent facile et un monde de luxe. Mais Vanya est surveillée par le prêtre orthodoxe, proche de ses parents qui ne voient pas d’un bon oeil cette relation qui devient sérieuse, jusqu’au mariage : les choses vont bientôt empirer.
Le scénario et le regard de Sean Baker prennent des détours inattendus qui, en prenant le parti de l’héroïne, se moquent d’une Amérique corrompue par l’argent, des religieux opportunistes et des ultra-riches complaisants et méprisants. C’est tout un monde idéalisé qui obtient ce qui lui est dû. « Je voulais que ce film explore le pouvoir« , explique Sean Baker. Contrairement à beaucoup de personnages féminins au cinéma, « Anora a son pouvoir, elle en est consciente et garde le contrôle même lorsque le monde lui tombe dessus.« , ajoute le réalisateur.
Situé dans la communauté russophone de Coney Island, Anora dépeint un monde mafieux, avec des voyages et des courses nocturnes dans un New York peuplé d’hommes aux visages sinistres. Sean Baker revisite ainsi des figures classiques du cinéma américain qu’il aime et ne dédaigne pas l’humour.
Le film dans sa thématique sexuelle est également élégant, jamais érotique tout en restant sensuel, dans une mise en scène et des images très soignées par le réalisateur, également auteur du scénario. Si la présentation du personnage d’Anora peut paraître répétitive dans sa première partie, c’est parce que ses passes sont elles-mêmes répétitives. La suite montrera qu’elle saura prendre les choses en main.
Anora reflète l’air du temps dans l’histoire d’une femme, a priori subjuguée par sa dépendance financière à l’égard des hommes et qui, de fait, mène la partie. Le film en tire une approche forte, exigeante et à la fois populaire, avec un sujet et un traitement très contemporains, dans sa photographie, son rythme et sa psychologie.
Anora et Sean Baker a fait mouche, son nouveau film couronnant un talent qui ponctue une filmographie foisonnante, dont l’inédit en France (Mots de quatre lettres, Sortir, Prince de Broadway Et Starlette) est également à retrouver en salles à partir du 30 octobre 2024. Quant à son actrice Mikey Madison, sa prestation devrait lui donner les galons d’une actrice à l’avenir prometteur.
Genre : Comédie dramatique
Directeur: Sean Baker
Acteurs : Mikey Madison, Mark Eydelshteyn, Yuri Borissov, Karren Karagulian, Vache Tovmasyan, Ivy Wolk, Darya Ekamasova, Lindsey Normington
Pays : ÉTATS-UNIS
Durée : 2h19
Sortie : 30 octobre 2024
Distributeur : Le Pacte
Synopsis: Anora, une jeune strip-teaseuse de Brooklyn, se transforme en Cendrillon des temps modernes lorsqu’elle rencontre le fils d’un oligarque russe. Sans réfléchir, elle épouse avec enthousiasme son prince charmant ; mais lorsque la nouvelle parvient en Russie, le conte de fée est vite menacé : les parents du jeune homme partent pour New York avec la ferme intention de faire annuler le mariage…