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Angela Davis, la « rock star révolutionnaire » à la Fête de l’Humanité

La Fête de l’Humanité a vécu l’une de ses journées les plus mémorables avec la troisième participation du militant antiraciste, qui a notamment réclamé la libération de Mumia Abu-Jamal.

Un ange passe. Un ange noir. Le « doux ange noir » des Rolling Stones. Lorsqu’il passe, tout semble se figer, les regards se magnétisent et les mots finissent par sortir : « Angèle », « Voici Angela Davis », « Mme Angela Davis » et même un  » Oh mon Dieu «  ! Elle a changé, un peu. Mais pas du tout, en fait. Reconnaissable entre mille. Les traits ont absorbé la patine du temps, les cheveux tirent sur la neige mais le port altier défie le poids des ans.

Mi-icône, mi-humaine, la militante antiraciste arpente pour la troisième fois les allées du Festival à l’âge de 80 ans. En 1973, elle vient remercier les gens de ce Festival qui ont contribué à sa libération. Cinquante et un ans plus tard, elle fait le voyage depuis la Californie pour une autre libération : celle de Mumia Abu-Jamal, emprisonné aux États-Unis depuis plus de quarante ans.

Mumia et Gaza au cœur

Angela Davis a écrit la préface de ce magnifique livre. Mumia, la plume et le poing (éditions Le temps des cerises), qui rassemble les œuvres d’une centaine de peintres, plasticiens, designers et graphistes. Tout au long de la journée de samedi, elle a porté cette revendication, comme celles de toutes les justices, à commencer par la fin de la guerre à Gaza. Une cause qu’elle a littéralement portée sur ses épaules, après que l’ambassadrice de Palestine en France, Hala Abou Hassira, lui a remis son propre keffieh.

C’est avec ce symbole vestimentaire qu’elle dénoncera peu après la « génocide » dont est victime la population de Gaza. Elle est ensuite à l’Agora de l’Humanité, pour sa première intervention de la journée. Son entrée sur scène déclenche un accueil qui emprunte à la fois au stade de football, au concert mythique et au meeting politique survolté. « Jamais vu auparavant », « record absolu » : les plus vieux souvenirs du Festival laissent place aux superlatifs. Le terre-plein central devant l’Agora est bondé, les bas-côtés saturés.

Le public comprend des contemporains de la cause de sa libération ainsi que des nouvelles générations, inspirées par son travail pionnier. Femmes, race et classe. Johanna Fernandez, la porte-parole de Mumia, qui l’accompagne, ose dire : Angela est une « rock star révolutionnaire ». Évidemment, Angela préfère le dernier mot de la formule. « Je suis communiste avec un grand C »elle répond. Puis : « Même si je ne suis plus membre du Parti communiste, je suis toujours communiste. Je continue à lutter aujourd’hui contre le capitalisme, le racisme et le patriarcat. »

Prochaine étape d’un programme de bal chargé : le Village du Livre où, dans une remarquable tenue aux tons pastel, l’écrivain Alain Mabanckou, qui a signé Cette femme qui nous regarde. « Pour la première fois, je regarde face à face la femme sur la photo qui était dans le salon quand j’étais enfant. »dit l’écrivain, amenant Angela Davis à discuter de son statut d’icône.

Elle sait que l’enthousiasme, la passion qui accompagne ses pas ne sont pas liés à elle en tant qu’individu mais « au mouvement ». C’est ce qui l’intéresse avant tout. En français, elle dit : « C’est la troisième fois que je viens à la Fête de l’Humanité et à chaque fois je suis de plus en plus révolutionnaire. »

« C’est pour ma fille, Angela, que j’ai nommée d’après toi. »

Au milieu d’une foule que le service de sécurité finit par canaliser, elle se livre alors au jeu de la signature. Pendant 1h45. La plus longue séance de dédicaces de la Fête de l’Humanité. Les demandeurs d’autographes arrivent avec un regard un peu timide, pour ne pas dire craintif, la main hésitante. Comme s’ils pénétraient dans le champ gravitationnel d’un fragment d’Histoire. Le sourire de lumière et d’humilité d’Angela les détend.

Chacun a sa propre anecdote : « J’avais un T-shirt avec ta photo dessus en 1973. J’avais 22 ans et mon partenaire en avait 48. » ; « C’est pour ma mère, qui a fait campagne pour votre libération. » ; « C’est pour moi et c’est ma mère qui a milité pour ta libération qui m’a parlé de toi la première » : « C’est pour ma fille, Angela, que j’ai nommée d’après toi. »

La journée touche à sa fin. Le soleil est sur le point de se cacher derrière un nuage passager. Johanna Fernandez lui demande comment elle se sent. « Je suis submergée par l’émotion. Je n’étais pas vraiment préparée à tout ça, même si je sais que ça arrive à chaque fois comme ça. J’avais un peu oublié. »répond Angela Davis.

« Tout est touchant. »

 » Oui c’est le cas. « 

Angela Davis monte dans une camionnette blanche. « Au revoir Angela ! » dit tristement une jeune femme. Un ange s’en va, laissant derrière lui un éternel parfum de paradis.

Avant de partir, une dernière chose…

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides

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